3.29.2011

sur le théâtre et le cinéma


Explication des objectifs

Nous pourrions nous demander pourquoi faire du théâtre aujourd’hui alors que la société semble chercher ad nauseam à se représenter et à étendre la scène à toutes les sphères du réel.
Certe ce n’est pas neuf, Debord déjà le diagnostiquait en 1967, mais alors encore il y avait des idées qui cherchaient à se matérialiser dans la vie collective et dans la vie individuelle alors qu’aujourd’hui l’avoir est notre fin et nous pouvons être sans savoir et même exister sans être.
Le cinéma, la télévision et internet ont en quelque sorte achevé l’image, dans le sens où le monde, décalé de lui-même, n’a plus assez de mensonge pour nos désirs et la mode naturaliste actuelle n’est qu’une manière de réduire la distance entre la réalité et l’image.
Plus personne n’est dupe mais le mal est fait. Nos miroirs ne suffisent plus à nous donner notre ailleurs quotidien (que l’on exige possible, potentiellement réalisable) et c’est la raison pour laquelle le théâtre est devenu aujourd’hui le dernier lieu où le public peut-être trompé, perturbé voire même dirigé.
En quelque sorte l’oeil du spectateur est le dernier objectif capable de prendre et de rendre à l’intérieur de lui-même un point de vue sur la réalité.
Loin de nous l’envie de sanctifier le théâtre comme dernier lieu possible d’une transcription vivante de l’illusion, mais comme la dernière étape distanciée avant que l’individu ne réintègre le rêve à sa réalité, devenant acteur, scénariste, metteur en scène, éclairagiste et machiniste de sa propre vie.
Notre pièce veut à la fois être une image juste c’est-à-dire précise et juste une image, laissant au spectateur, non le loisir de sa contemplation, mais la rigueur d’une compréhension qui ne peut que lui être propre et la réaction qui en résultera.
Il ne s’agit pas ici d’appliquer une méthode issue des théories qui ont traversées et modelées le théâtre classique comme le théâtre contemporain, mais de s’appliquer avec méthode à rendre le présent de la manière la plus précise et cohérente possible.
Nous cherchons ici simplement à dire, à faire signe. Pas d’interrogative, pas d’exclamative, la déclarative dans son plus simple appareil sera notre seul impératif.
Les comédiens n’incarneront pas des rôles, ni des personnages, mais des figures de notre quotidien dont le nom seul sera indéterminé, évoluant dans un temps sans attache, délité, élastique où la totalité des espaces qui forment nos jours, simplifié à l’extrême se retrouveront ici à la fois amalgamé et parfaitement séparé.
Quant à l’amour il n’est qu’un moyen ou une possibilité en aucune manière une fin ou un idéal.
Quant à la vie elle est un ennui ou un désir, ayant été ou pouvant être, un fardeau, un détour, une déroute.
Quant à la mort, elle n’existe pas.
Rien n’est juste ou pas.
Le théâtre est son double.