5.30.2015

Cinématographe/ -2/ Motel Madness





















































Haïku de route-52/ White Light/White Heat-2
























































Haïku d'images-51/ White Light/White Heat-1





























































Haïku de route-60/ Day Dreams



Retour par l'aube. Les yeux ouverts avant le filet qui passera entre les rideaux.Je sors du lit, mais j'y reste encore. Je me lève mais dans de la tourbe de rêve. J'ai fixé mes yeux, après le réveil, gardé serré, fermé pour ne rien perdre, comme la chambre noir, quand on ouvre la porte au pire moment. C'est là qu'on gâche les rêves et qu'on les efface. En ouvrant les yeux trop vite. Je suis resté dans le levé sans oiseaux, les paupières bien callées pour ne rien laisser filer. Les rêves sont des eaux fuyantes qu'il faut transformer en mare. Et vivre ensuite la journée, les pieds dans le biotope de cette mare. Je ne sais plus si la tourbe, c'est le lit ou l'intéreiur de mes yeux que j'emmène sous la douche, en fermant la porte doucement pour ne pas réveiller ma mère qui dort toujours. J'ai pris un des slips que j'avais lavé et fait sécher à Barstow, une chemise encore vierge, le rêve demande ce genre de chose. Et l'eau. Chaude d'abord, et froide pour en sortir, de tout, de la nuit et pour y entrer, dans le jour qui veut bien.


Mais ça reste. C'était d'abord une impression. Une impression qui chutait. J'ai pris le tracteur et j'ai fui Rolle par la route du lac, mais c'était déjà là. Une brume très sombre qui avalait derrière, une brume de nuit qui prenait le jour comme de l'acrylique noir répandue au rouleau sur la toile où le tracteur se traînait. J'ai essayé. Mais j'ai été absorbé. J'ai réapparu dans les vestiaires d'une arêne souterraine, je bandais mes mains. Mon adversaire assis en face de moi faisait de même. Il ne me regardait pas. Il était énorme. Sa tête était un noeud énorme, un noeud de chair qui bandait ses mains. Nous nous sommes retrouvé sur le ring. Il voulait m'absorber. Il devait m'engloutir et moi je courais en rond. Le public me huait. Et j'ai fui. Dimitri m'a accompagné à travers les couloirs jusqu'au hall immense et sombre de ce qui ressemblait à un palais de justice. Il m'a enfourné dans un taxi qui m'a conduit dans une périphérie dévastée par des bombardements. Il faisait très beau. Très chaud. Des enfants jouaient. Il ne restait qu'un immeuble debout. Avec un balcon au dernier étage. Je me sentais bien et suivi. Je me suis retrouvé sur ce balcon et la vue dégagée sur rien et les ruines.


La lumière est venue, tombée vite comme la noirceur sur Rolle. Je sors fumer une cigarette, les cheveux encore trempes, le corps encore cougné. Je devrais m'étirer plus. Mieux. Je regarde le Mt Whitney. La poussière sur le parking. J'hésite à aller nager dans le bunker d'eau verdâtre. Je n'hésite pas longtemps. Je regarde mes mails. Je suis toujours sur ce balcon. La nuit est venue. La pièce s'est remplie. Et plus elle se remplissait moins j'avais envie d'y être. Je crois que le monstre contre lequel je devais me battre c'était moi. Mon moi monstrueux. Et il avait gagné. J'avais fui. J'avais fui sans lui. Je me demande où il est. Je me demande qui est là. Je me demande qui de nous deux s'est réveillé ce matin et hésitait, là, à aller se baigner dans l'eau verdâtre. Je fais un Candy Crush pour ne pas penser. Il semble qu'il n'y ait pas de petit-déjeuner ici. On ira dans la Main. J'entends ma mère émerger, je vais essayer de faire un café. Je me retourne pour voir si la ville n'a pas été repeinte en noir.



5.28.2015

Haïku de route-59/ Manzanar Camp









Je souris au lion. Je savais que je n'aurais pu prendre qu'un plat. Je soupèse la masse, j'évalue ce qui finira dans la poubelle du motel ou s'oubliera dans notre coffre, paye et retourne nourrir ma mère. Pas un chat à la ronde dans l'entre-monde, des enseignes ouvrent des ventres, des gens se graissent au Subway, j'entre dans le parking. j'ai presque l'impression qu'on est seul. Je frappe à la porte et on s'installe. Je déballe et je connais ma mère. "Mais c'est beaucoup trop pour moi". Pour moi aussi, mais on va faire honneur. Je lui laisse le riz. On mange avec les baguettes. C'est bon. A 7 Miles au nord c'était Manzanar, construit 68 ans après que trois pêcheurs locaux ont atteint le sommet du Mont Whitney le 18 août 1873, à midi. Manzanar c'est une autre Asie américaine, le premier centre de relocation du pays, installé dans le terrain des mines d'argent et la succursale d'Hollywood. Entre Gunga Din avec Cary Grant et West of Pecos avec Robert Mitchum, 36 blocs de baraques de bois entourés de barbelés accueillirent plus de 10'000 japonais natifs de Californie qui, entre autres choses, créèrent de jolis jardins.


Je ne termine pas mon plat. Ma mère non plus. On verra pour le petit-déjeuner, le réveil au chinois froid. J'ouvre l'I-pad et je regarde demain. Je parle des Néerlandais de la piscine du Motel de Barstow à ma mère, ce lac Mono, pas si loin, vers Lee Vinning, au pied du col qu'on veut gravir. Une étape courte. Une journée dans l'air. Elle semble d'accord. Le lac nous manque et, juste, tracer bref. Je réserve et je sors jouer à Candy Crush en fumant une cigarette. J'écris à ma femme. Je ne lui parle pas des Japonais. Juste de la mort traversée. Ils sont au milieu de leur journée. Le petit est encore à l'école. Ici c'est noir et néons. Je fais quelque pas pour regarder la nuit américaine. Cette nuit de ce bled contrit entre les montagnes comme l'ombre exacte de la Californie, son histoire qui s'enterre comme on enterre nos souvenirs avec ces mots qui rêvent nos moi de demain. Plus loin dans l'année je regarderai le Lone Rangers avec le petit et on adorera et je lui dirai qu'il a été tourné ici, comme Star Wars V. Les rues sont vides. La route est vide. Les gens vivent là, entre la montagne et le désert, au milieu des deux pires des solitudes. Une terre à drame. A drame caché et tu et rongeant, lentement comme un tremblement de terre qui monte.


La terre me manque, je vais prendre un bain, tâter les boutons et les promesses de remous. Ma mère est au lit, le livre que je lui ai prêté n'a pas fait long, elle dort à droite, déjà. Je prends celui que j'essaie, qui a l'air si beau et que je n'arrive pas à démarrer. Je stagne aux premières pages, je crois que ce livre n'a rien à faire ici. Je lis peu et mal sur la route. La terre me manque. Et les brindilles. Et l'odeur de la terre. Surtout celle près des eaux. Je ferme la porte de la salle de bain, doucement. La lumière est floue, fatiguée. Je laisse couler l'eau et j'appuie comme un sourd. J'essaie. J'éteins, j'appuie d'abord puis je rallume. Mais rien ne bulle, rien ne remue. La pluie me manque, je laisse la baignoire se remplir par la douche. J'essaie de ne pas trop penser au milliers de corps qui s'y sont étalés, ma peau contre le souvenir de la leur, pores à pores. Je ne crois pas que Mel Gibson s'y soit reposé ou s'y soit saoulé. Des membres de l'équipe peut-être, sûrement. Peut-être des baises d'équipe, baises brutales de tournage, baises de stress et d'ennui. Je me branle sans envie pour me liquéfier dans la réalité et je laisse la pluie chaude tambouriner mon ventre que l'eau grasse finira bien par recouvrir. Les trois pêcheurs s'appelaient Charley Begole, Johnny Lucas, and Al Johnson.




























5.26.2015

Haïku de route-58/ Chinese Food on the Styx






Je sors du Double L et reprend la Main de l'Entre-monde sous un bleu en balance, jauni et granuleux dans l'est du désert, lavé et soyeux dans la tranche du Mt Whitney. La journée tombe. Je traverse la rue et longe le Lloyd's of Lone Pine, passe le Subway et j'entre dans le parking du Joseph's Bi-Rite Market. Je pousse les portes, déjà fermées, regarde à l'intérieur, un vieux me rejoins, "Already?". "Seems to..." Un caddy bourré sort, la porte tenue par un employé, en rouge qui nous jauge. On négocie. Le vieux négocie. On s'arrête pour trois fois rien, on entre, trace, prend, paye et on vous laisse tranquille. Le jeune regarde autour, s'assure que personne ne guette, qu'on est bien les derniers à se faufiler et nous laisse entrer. Paysage naturel du supermarché américains, modèle transvasé, idéal, universelle, comme une ville. Je fonce l'allée, bifurque la perpendiculaire, vers la ligne de frigo du fond. Je prends deux Lits, les litres et me dirige vers les caisses avec un arrêt au fruit. On se retrouve avec le vieux, juste devant moi et la caissière qui alpague le jeune qui rentre les dernières choses qui traînent à l'extérieur. Elle grasse et nasallise une fin de journée dans les bottes. On paye. On sort.


Je n'ai pas besoin de finir le repérage, le Double L m'a tout dit. Je retourne au Motel avec le menu et les opportunités en tête, j'ai de quoi proposer, je sens que ma mère va tendre en Chine. Je n'ai aucune idée de l'heure. J'ai laissé mes montres dans mes 14 ans. Les swatches que m'offrait Michel, celle avec les hommes de Lascaut et la dernière, je crois, celle en liège, pour garder mon père au poignet et pour qu'il rythme mes heures d'ennui en classe quand, de la pointe d'un crayon, j'essayais de passer le temps en creusant ma table pour une tanière où me réduire. Je repasse devant le Double L, tanière sombre d'oiseaux morts, tués par les chats, bouffés par les pies, caverne de plume dans cette ville tranchée entre les mondes et les extrêmes, fendue par les bandes passantes, telles nous, ville interrompue où les oiseaux ne sont plus que des plumes à boire dans les antres sombres. Je frappe à la porte, ma mère m'ouvre. Je lui donne les fruits. Elle semble un peu reposée. Son sombre à elle, de chambre, qui tamise la migraine. Elle prendra le chinois. Je bois une Lit dehors, en fumant, avant de repartir.


Je reprends le chemin. Presque un habitué. Le double L, Joseph's Bi-Rite, je traverse Withney Portal Rd, j'évite le Season's et je passe la barrière en bois du Merry Go-Round. Un lion sur une stèle chinifiée posée sur un simili-mur de pelleux cimentés m'accueille d'une pleine colère, son regard bas sur moi, l'enseigne au néon pointille le nom du restaurant, une plaquette en bois me welcome et un lampadaire faux 19e à trois lampes me scie les yeux. J'entre. Quelques tables remplies, du vide. Un serveur se jette sur moi. La part asiatique et fonctionnel de Lone Pine. Je demande un Take away et descend rapidement pour une fois sur la carte, je choisis vite, riz et nouille, boeuf et poulet. Come back dans vingt minutes, assez pour boire un verre ou errer. Je ressors. Plus de bleu. Le noir a pris le ciel et l'enseigne le rassure de ces néons; Le "Margie's" haut qui trône, l'étoile de la modernité, dans son verdâtre laiteux électrique surplombant le "Merry go" en igné artificiel et ce carrousel qui fait l'entre, sans lumière comme la ville qui fait l'entre et se terre et tourne sur elle-même, en burger entre les roches et le retour du faux feu, l'orangé acide du "Round" sur le soleil diodé BAR, B-Q, LAMB, STEAKS, RIBBS. J'ai moins soif. Je vais faire un tour sur le Styx qu'est la Main Road sentir dans la nuit les masses rocheuses qui pressent la ville comme un point noir.









































5.20.2015

Cinématographe/ -1 - La naissance du cinéma ou 16 fois une seconde d'image






























Haïku de route-57/ Two Feets












Mais la distance c'est penser aux siens. Et la présence, lourde, parfois et toutes ses absences trop présentes. Je sors d'air et de soif. Je laisse ma mère atterrir. Je veux des pas et des regards sur moi, l'étranger, des jugements de rue et des yeux qui lisent faux et une bière quelque part dans une zone brute. Je vais longer la Main pour trouver un truc à manger, à l'emporter si possible, je ne pense pas que ma mère aura le courage de ressortir. J'ai pensé à ma femme dans les silences de la route longue.
Je pense à ma femme dans les rues courtes de ma ville. Je pense à elle dans les absences d'elle. Notre fil est lourd et solide, mais notre fil est ténu, notre fil est une toile qui recouvre à peu près toute la terre. Je remonte vers la Mort sans quitter la Main. J'ai traversé pour marcher encore un peu du côté du désert, le soleil descend derrière les neiges. J'aimerais un renard, là, qui traverserait dans une rue parallèle et le tout premier sourire de ma femme, de ce passage noir de la cambre et la nuit qui n'éclairait qu'elle. Je l'aimerais là et pas seulement dans ma tête qui laisse faire les jambes.


Je me fais aborder par une fin de quarantaine pas aussi grasse que celles de LA, ni aussi amochée que celles de Barstow. Je dois avoir l'air un peu largué, un peu parti ou sympathique ou doucement ouvert. Ou alors j'ai le pas trop lent et mes jambes qui se rythment dans ma tête. Elle a la voix chaleureuse, un sourire permanent, un accent à comprendre au mieux les deux tiers. Elle n'est définitivement pas belle, mais c'est une vie humaine dans la joie de l'autre. Je lui dit que je voyage avec ma mère, qu'on vient de traverser la Vallée de la Mort, qu'elle est claquée dans le Motel et qu'il faudrait que je lui ramène de la bouffe. Je lui dit aussi que je crève de soif. Elle m'indique la rue du doigt, de notre côté et énumère les possibles, Tacos, Chinois, Burger, Burger, Tacos, le supermarché pas loin, de l'autre côté de la rue. Je redis ma soif. Elle termine son verre et on écrase nos cigarettes. J'entre dans le Double L. On s'installe au bar. Un vieux barbus, dense, une fin de vingtaine presque achevée sous les yeux et au-dessus des lèvres et le barman concentré sur la course à Indianapolis. Je commande une bière.



 J'ai oublié le nom de la femme qui m'a abordée. J'oublie tous les noms, toujours. Cinq minutes après que me les a dit en général. Les visages c'est mieux, ils ont tendance à rester. Elle résume notre conversation, me présente. Le chinois a l'air bien. Je n'ai pas de blague à faire sur la voiture qui nous a traînés sur le col. Le chinois ça ira très bien. Je regarde la folie de tôles fusant qui visse l'arêne et le regard de la foule, les ailes qui se frôlent comme les étourneaux du ciel de Pepi, le favori, bloqué au pit-stop filmé à voir brûler son avance, les crachins de feu de certains moteurs, la furia qui remonte et redescend dans le bas de la piste, qui surplombe et plonge, des pécheurs en apnée qui s'entre-tuent dans la bonde du circuit. On parle des montagnes, des hauteurs, on compare. Je reprends une bière. Sure? I've got two feets, I take two Beers, otherway et comme je ne sais pas dire boîter, je mime. J'ai réussi à les faire rire. Sans les chinois. Surtout la plus déglinguée qui m'a promis qu'elle la ressortirai.
J'ai fait Lone Pine. Je peux y aller. Après cette bière.












5.12.2015

Haïku de route-56/ Orange Leather 77




Whitney Portal, Mountain view, Bush et Willow. On traverse finalement la route avant le passage piéton et on longe les bâtiments. Ma mère s'arrête mais je lui demande de rester dans la voiture. Je cherche la réception. Je prends le passage entre les bâtiments. Elle est là. Je retourne vers ma mère. On se rembarque sur la Main, elle manoeuvre et on passe le piéton. On se gare dans l'officiel, en plein soleil devant les murs ocres aux quarts d'arche en bois stylisée et les systèmes d'aération.. Je savais bien. Au bout de la route, le dernier Motel sur la gauche, sur Main Street en face de la station Mobile. On avait des fruits dans le coffre. On verra plus tard. Je marche vers la réception, l'I-Pad dans la main, je regarde le bunker de piscine, la cage minable d'eau verte au bord de la route et les chaises blanches toutes en plastique. On dirait la porte d'une maison. Le desk est minuscule, les clochettes au plafond m'annonce. Elle doit être Vietnamienne ou Cambodgienne comme les noms de rues à Keeler. Je lui montre la réservation. Tout est en ordre. Mes papiers. Je paye de suite le King Size. On dormira ensemble. Je ressors. Je souris. On prend tout ce qu'il y a dans le coffre, nos valisettes et le vivant tiède. On aurait pu rester où on s'était parqué.


De plein-pied à Lone Pine. J'ai la bougeotte comme d'habitude. J'ouvre la porte. Un couvre-lit épais en damier à fleurs pâles. Le micro-onde noir sur le frigo blanc et la tv noir qui surplombe et les câbles noirs qui coulent sur le mur blanc en face du lit. Un grand miroir au fond avec un néon crachant dans cette chambre sombre d'un soleil toujours là, les rideaux tirés et l'évier, les linges empilés, le sèche-cheveux fixé au mur et la machine à café que je ne comprendrais pas. Dans la salle de bain, une grande baignoire qui offre des perspectives à remous, énième image du rêve américain qui ne fonctionnera pas, plus tard dans le soir quand j'appuyerai sur tous les boutons. On se divise l'espace restreint pour étaler ou ranger nos affaires. Je dormirai à droite. Ma mère à gauche. A coté de la porte il y a une petite table ronde en faux bois, contre la fenêtre et deux petits fauteuils au beau vert pin terne qui fonde l'orange cuir 77 du mur où ma mère s'installe et sourit de l'enfin en mangeant du melon tiède dans une barquette en plastique. On laisse la porte ouverte. On ouvre les tentures. On laisse le diaphane des rideaux et le néon au fond.


On allume l'abat-jour aussi. On change les lumières. Ce soleil trop plein d'aujourd'hui, un peu trop ample et trop gorgé pour nous, nous qui n'aurions rien à faire là. Enfin moi surtout. Ma mère c'est le sud, c'est une peau de Toscane. Une peau de Toscane née entre les montagnes dans cette ville d'Aigle qui a raté le lac et qui porte un nom trop haut pour elle. Un désespoir cette ville, mouroir à toute envie. On se réveille le matin avec un rêve à mettre en vie et, à peine sorti, on ne peut rien voir sans lever le nez et se casser la nuque à prendre un peu de ciel. C'est suicidaire une ville au pied des montagnes, ça coupe les jambes avant de les avoir mis en marche et même si on buvait toute la vigne, il y aurait toujours ces falaises pour nous redire la réalité et cette évidence de l'homme qui n'aurait rien à faire là. La montagne c'est un creux d'air, ça sert à faire descendre les vents puis à les faire remonter et fermer les ciels. C'est comme Lone Pine. Entre les montagnes et les montagnes, celles des fourneaux et celles des gelures. Je ne sais même plus si je me suis douché avant de sortir voir quoi et comment. Je crois que oui.






















5.06.2015

Haïku d'images- 48/ The Life Between































































Haïku de route- 55/ Owen's Death














Sur cette plaine détournée, les montagnes font étau sur les tempes de ma mère. On a quitté la gouille creuse et sèche du lac mort d'Owen, mort pour LA. Et les montagnes sont les mâchoires fixes de la mâchoire mobile de la route 136 où les Miles défilent et se compte en battement de coeur, les battements du sang de la migraine et les battements que je tends vers Lone Pine pour que la ville se rapproche de la Ford. En levant l'oeil, nous pourrions rêver du mors doux des nuages, mais elle et moi, nous rivons sur la 136 les Queen-Size et les rideaux tirés qui obscurent les migraines. Nous ne bifurquerons pas sur Dolomite Loop et les baraques aux toits de tôles qui rongent et carrient la montagne. On fuse vers Owen's River ou ce qu'il en reste et la vraie porte de Lone Pine. L'Amérique c'est le décharnement de l'abondance, le déplacement décharné de l'abondance comme les errants au sac dans les toiles de Chagall, les coqs qui rient les réveils des hommes qui se songent survolant les villes qu'ils digèrent.


On passe un pont sans nom après lequel tout devient vert. Mais on le remarque à peine. D'autres lignes claires. Notre vie traverse des lignes claires qu'on ne sait pas lire ou qu'on ne lit pas à temps ou qu'on lit tard ou trop tard. Là c'est juste la vie qui veut bien revenir, celle qui se montre et qui éclot, celle, évidente et sans effort, celle de l'herbe verte et des Kentucky Friend Chicken. Derrière nous, c'était la vie à traquer, la vie en-dessous, la vie glissée entre les roches, la vie rare. Eastern Sierra Interagency Visitor juste avant le croisement avec la 395. Le pharynx d'où l'on vient, le larynx de Lone Pine. Le golf en face, comme s'il fallait un golf pour être. Des trachées vertes qui languissent vers le Comfort Inn, les prémice et la route qui décide d'être S Main street. De la verdure et des terres-pleins décharnés, des salves en bordure, quatre, cinq voitures parquées dans la poussière à côté d'un entassement de ferrailles rouillées avant le croisement pour Burkhart Road. L'Amérique, enfin.


Je ne sais pas d'où peut bien venir Quing Ah Rd, Pah Ha Vitch Rd, Haiwee Rd. Une ville de vétérans? Mais on s'en fout. Pour l'instant, c'est juste trouver le Mt Whitney Motel. Je gigue les yeux à gauche et à droite. Ma mère est en pilote automatique. On passe le Trails, E Inyio Street, E Muir Street, le Portal. On s'arrête en face du Mc Donald, de l'autre côté de la rue. Je sors et je cours. Je théâtre parce qu'il faut faire et montrer et parce que je ne sais pas, ni où, ni quoi et que dans la Ford, les derniers mètres lourdent. Je fais un bout dans Muir, je prends Hay Street. Je sais que ce n'est pas là. Je fais comme si. Je me fais comme si. Mais les cartes sont là et je sais et je sens que je sais, je sens le sûr, un sûr su et je retourne vers la voiture et montrer ou plutôt jouer, mon sûr, un sûr sans savoir, un sûr senti et je dois le jouer sans doute ni hésitation dans la voix parce que les mètres comptent et qu'il faut un su sûr pour repartir. Tu manges ton senti et les yeux dans les yeux, tu le certifies. Et l'autre sent ton su et y croit et la Ford redémarre jusqu'au bout de S Main Street.











































5.04.2015

Haïku de route- 54/ Keeler on the Road






Owens Lake achève la mort. Et la 190 devient la 136. Je l'avais repéré sur la carte. Une fin et une ouverture, un souvenir d'eau et le vert qui s'étale sur notre gauche, on y est maman, on y est presque. Des collines ou des tertres et des montagnes au fond. Une autre pression et depuis des miles ces gravats de nuages qui babinent le ciel et s'y mettent en montagnes d'eau obèses. On rêverait de pluie. On rêverait que le ciel crache et tombe. On roule vers l'ouest, quittant la mort par la mort du jour et le pare-brise cuit. Je regarde ce qui était la vie, assêché par l'aqueduc qui devait alimenter LA. Un trou de mémoire depuis 1913 pour les nécessités du rêve, le sacrifice en lointaine périphérie. L'eau venait depuis la vallée de Owen avant d'être détournée pour nourrir les vergers et les canalisations des anges. Je repense à Chinatown. La vie semble n'être rien sans faire, mais tout faire élimine, efface, surmonte, sacrifie. Et ce monde qui pleure en courant à mettre des jalons et des balises de pierres et de bétons et des bornes en textes, de lois et de serments. Alors que tout meut et glisse, que tout mue et s'échappe et qu'on se cogne à être dans du devenir.


La mort s'achève en s'ouvrant sans eau. Drôle de mort. Drôle de vie dans ce compté d'Inyio. On croise une autre 190 qui est peut-être celle que l'on deviendrait si on bifurquait à angle droit sur la gauche. Plus loin, Sulfate Rd qui mène à une sorte de complexe ou une usine de quelque chose. Le parking est encore plein. Un chemin de terre qui part vers les montagnes pour s'arrêter dans rien. Ou plutôt vers un ancien quelque part. Ces maisons. Ces rues. Cerro Gordo Street, Maud Street, Malone Street, Railroad Avenue, Laws Avenue, des rappels, un passé stagné, une démographie anémiée. Ces maisons-mirages, ce petit agglutinement fait croire à ma mère que l'on y est, mais ce n'est encore que Keeler. Je dois la décevoir et l'encourager, une quinzaine de miles, tout au plus, là-bas, tout droit. Ici c'est 3,4 Km2 de démographie zéro. Un maquillage blanc, 6 Latinos. Nous nous sommes élevés. Presque à 1100 mètre alors qu'il y a quelques heures, nous étions encore sous la mer. Village de la mine, petit bubon de civilisation éclos du temps de l'eau quand la jetée de Lone pine était devenue inaccessible à cause du tremblement de terre.


On défile encore la route de plus en plus hypnotique. De plus en plus fatiguée. Les paupières des derniers miles. Keeler. 9 mineurs, 1 jeune, une personne entre 25 et 44 ans, 33 entre 45 et 64 et 22 de plus de 65 ans. L'angoisse et l'ennui. Pour 100 femmes-enfants, inexistantes ou ménopausées il y a 120 mâles plus ou moins dominant. Et un jeune. Je pense à lui. Et je répète, on y est, on y est, sans qu'on y soit vraiment, toujours la poussière et la caillasse et la ligne droite de bitume et le jour qui descend. Ca me fascine ces villes-villages qui devaient transpirer le rêve en faisant suer la montagne d'argent, de plomb, de zinc pour disparaître, pour se réduire plus loin, vieillir et retourner à la poussière du lac asséché. On longe un carré de vie rouillée. Swansea. Le rêve de l'eau. Le reste du rêve. La lie chaude du rêve. La lie qui rend aveugle. On file toujours la terre pelée, encadrée de montagnes, cette nature qu'on a pressé comme un furoncle et qui reste encore, sèche et comme infectée. La fatigue. Il y avait un tramway à l'époque. Il devait y avoir des dimanches bien habillés et des grandes fêtes précieuses et des amours dans les bals.


















5.02.2015

Sweet Sixteen- 2/ L'ornière bucolique














On s'étale en spirale
on laisse passer les trains
des batraciens
et des comtesses légères

Parfois on regagne les limbes
cultiver notre jardin
tandis qu'ils s'illusionnent
somnifères et baratins

Et dans le regard
de tous ces singes cyniques
je vois briller la mare
de l'ornière bucolique

Mon corps s'est perdu
dans une moustiquaire
mon âme s'en est allée
faucher la lumière

Vous, les passantes
qui ne m'indifférez pas
veuillez circuler
entre mes dix doigts


Et le regard 
de tous les singes cyniques
me fait larguer les amarres
vers l'ornière bucolique


On suppose notre liberté
on nous dit des choses
celles qu'on voudrait entendre
fallacieuses métamorphoses

Alors nous on s'écarte
des maîtres de jeu en tout genre
pour s'estomper en musique lente

On balance les ferds
de tous les colloques cyniques
paisible image nénuphare
dans notre ornière bucolique