3.10.2017

Comment être classe!





On est bien. On est posé. Après le travail, on peut aller boire un verre avec des amis. Le soir, on a une famille. Ou pas. Ou recomposée. Ou en décomposition, mais la vie ou tinder offre des possibilités.
On a les soldes ou alors on a besoin d'une chemise ou d'un truc bien et joli et on se fait plaisir. On a des offres culturelles. Il y a La La Land ou une soirée  au Kafka. Ou il y a Netflix. Ou Rtl. Ou la Rtbf. Le foot, le fun, un débat, Hanouna, le télé-achat.

Il y a le delhaize, carrefour, la migros ou aldi et lidl. De la viande, des légumes pour tous. Des produits ménagers, des sucrés, des fruits.

Il y a tout pour (à peu près) tous.

Le mot "capitalisme" est bof. L'expression "lutte des classe" est ricanée, obsolète ou "what?".
"Anarchisme" c'est "ah ouais, le bordel quoi". "Marxisme" c'est "Putain, Staline, quel fils de pute" ou ricanement ou "What?".

Prolétariat ne signifie plus rien. Et heureusement. Il n'existe plus.

Tu vois un ouvrier quelque part en Europe?

Nous sommes tellement séparés, de nos émissions télés (pour ceux et celles qui regardent encore la télé ) à nos supermarchés, nos bars à nos cafés, de nos pakis à nos nightshops, nos collocations à nos appartements,
tu sais
cette séparation qui a eu lieu dans les usines quand on a séparé les activités manuelles, dans les usines et les entreprises quand on a séparé les ingénieurs, les managers, les activités, quand on les a spécialisées, quand on a séparé les villes entre centre et banlieue,

puis les centres entre locataires, propriétaires et magasins et/où service,

les banlieues entre barre d'immeuble et résidences,
séparé dans l'entreprise entre les différents étages et séparé dans ta vie entre paliers et rues.

La séparation est un travail de longue haleine d'une classe particulière mais je ne vais pas vous emmerder avec du marxisme chiant.

Juste que cette classe a gagné et gagne et continue à vouloir gagner.


Internet. Télétravail. Robotisation. Robots.


C'est l'actuel et la suite.



Il se trouve que le massacre (oups... C'est violent... La destruction, disons... ) du prolétariat, a créé une nouvelle classe.

Qui n'a pas conscience d'être une classe. Et qui ne peut l'avoir. Et qui ne l'aura probablement pas.


Elle se compose ainsi :

Chômeur, chômeuse, travailleurs pauvres, stagiaires, contrats externes (chez BNP par exemple, on n'engage plus CDI, on externalise, c'est-à-dire que l'on t'offre un contrat de 6 mois renouvelable parfois sur 8 ans ou plus, imagine ce que cela représente) et autres types de contrats précaires, CDD, uberisé(e)s (Deliveroo, Uber x, ...),

classe à laquelle je tiens à rajouter les SDF et les réfugié(es).

Aucun parti, aucun syndicat, pas de intersquat, aucune obédience pseudo-révolutionnaire, n'en a conscience.


La violence est totale.

La réaction?


Cette nouvelle classe est majoritaire en occident.


Elle vote n'importe quoi, n'importe où et de plus en plus, fasciste.


On meurt ou on brûle?







Lotta continua!
















3.08.2017

On est visiblement mieux seul qu'accompagné






Il y a Souchon, ça fait longtemps, il parlait d'une "Trop moderne solitude". C'est super année 10-20-30-40-50-60-70-80-90-00-10 comme sujet.

Après, il y a les chieurs qui viennent te dire que c'est le capitalisme.

Aliéné du travail, séparé du travail, séparé par le travail dans la spécialisation, séparé dans la ville par les quartiers, séparé dans les écoles par le parquage, séparé sexuellement, séparé dans les âges et dans les homes, séparé économiquement dans les bars de classe, les restaurants de classe, les drogues de classe, séparé dans les supermarchés, ton Lidl, mon Carrefour, séparé dans les musiques spécialisées, séparé par les transport en commun, séparé dans les voitures individuelles, séparé dans les distances, les étages, les paliers,
le système a réussi à offrir, dans l'illusion de l'ouverture totale et gratuite, la séparation totale du réel et de sa pauvreté augmentée, le virtuel, internet.

Internet est le dernier stade de la séparation avant les robots.


Les frontières ouvertes sont un monde vaste pour celui ou celle qui peut en profiter. Erasmus est une réussite qui cache le désert des Club Med.

Imagine que tu te sépares de ton conjoint. Les ami(e)s commun ou de l'autre ne cherche plus à te joindre.
Tu lis alors, qu'il n'ont pas cherché à te joindre.
Imagine que tu interagisses professionnellement avec des gens. Hors du travail, ils ne te parlent plus. Alors tu lis, ils ne te parlent pas.
D'un étage l'autre, ils te parlent dans l'ascenseur ou à la machine à café. Hors de ces espaces, ils ne te parlent plus. Alors ils ne te parlent pas.
Tu avais un groupe de pote ou une collocation. Lorsque quelqu'un, puis l'autre, quitte la sphère, il ou elle ne te contacte plus. Ainsi il ou elle ne te contacte plus.
Etc Etc
Bien entendu cela vaut pour toi.


Du "plus", tu sens le "pas". Et tu l'interprètes comme un "jamais".


L'interprétation est le corps du vécu.

Le "pas" est rationnellement pensable.

Le passage est facile.



La solitude totale est actée, c'est notre chez nous, l'oubli et l'ailleurs sont la norme et nous devons nous construire et construire, donc éduquer en fonction de ce constat.

La question est de savoir, quand ou quel est, le niveau atroce de la solitude.

Le groupe humain a vécu deux zones. En mouvement et sédentaire. Mais toujours ensemble. Depuis plus d'un siècle, une classe a décidé que nous devrions vivre séparé. Et cette classe, tout en douceur et proposition séduisante (consommation, "liberté", virtuel) a réussi.

La fourmi a le choix entre le chien, le chat ou le rien.








3.05.2017

Faire la fête/ Comment se débarasser d'un type chiant





On est fun. On regarde Arte et Hanouna. On ne va pas s'emmerder avec Marx et Luckàs. On lit les séries "Désobéir" au Belga ou au bar du Matin. On sait que "Libération" est de gauche et le "Figaro" de droite. Le "Gorafi" c'est tellement vrai, qu'on le partage en cuisant les oeufs pour le brunch.


Comme, on est social-démocrate, on va voter Macron pour pas voter Le Pen et on, si on lit les 4e page des journaux, on va se dire que les ouvriers et les employés de Caterpillar ont bien fait de suivre les syndicats. D'ailleurs la prochaine discussion dans ton entreprise, c'est pour avoir une plante verte dans ton open space.

Charleroi sera peut-être dans les play-off et il y a de la bisbille à The Voice.

Les ennuyeux qui me parlent des victoires du capitalismes dans les années 50-60 (mixe Taylor-Ford), dans les années 80 (le chômage comme normal) m'emmerdent. Hier soir, il y avait un concert super.

L'Europe elle a raison, parce qu'il n'y a plus de guerre en Europe.

Les syndicats ont raison, parce qu'ils ont négocié des compensations à ton renvoi.

Et pour les employés des services, tout va bien, puisqu'il n'y a plus qu'eux à ton service.

On a bien rigolé l'autre soir. Il y avait un type, il devait avoir 19 ans, il nous a parlé de "lutte des classes". J'étais en train de faire un hoummous maison et on prenait l'apéro avec un excellent vin à 8€50 du Carrefour. On l'a un peu laissé parler, j'avais mis le triptyque de PNL, c'était cool. Il était si vieux, qu'on l'aimait bien.


Il venait de Suisse et avait vécu à Paris et à Berlin.  Aujourd'hui à Bruxelles. Il nous a dit. Il n'y a plus d'usines chez nous. il n'y a plus d'ouvrier. Nous, on trouvait ça cool. Parce que le travail à la chaîne c'était pas très cool.
Il nous a fait un peu chier avec ses discours sur les partis socialistes qui faisaient tout pour nous précariser et qui ne savaient plus comment ils s'appelaient. Je l'ai fait taire en lui parlant du dernier vernissage de X qui montrait, dans des installations où il filmait des pièces carrées de plâtre noir, le solide de la pensée fragmentaire.
Il est parti bouder dans son coin avec le Gin Tonic que j'avais préparé (grains de poivre et fins morceaux de pommes).
Je n'aurais pas dû lui donner à boire. Il s'est oublié. Putain, la fête était cool! Qu'est-ce qu'il vient faire chier avec des trucs des années 60 (j'ai hésité à lui proposé un bon RO de C, mais j'aurais plutôt dû ne pas laisser Patricia, qu'on appelle Gigi, l'inviter, je saurai pour la prochaine fête).

Comme mes amis sont éduqués, on l'a un peu écouté.


"Le prolétariat ( quel mot so old school!) n'existe plus. L'Europe a décidé. Nos usines, après qu'on a séparé le travail et despécialisé les activités, qu'on a insisté sur la technologie, l'ingénieurie, foutu loin le travail séparé, qu'on a fait de l'Europe, le modèle, géographiquement éclaté, de l'usine des années soixantes (division "penseur"-ingénieur-ouvrier qualifié-ouvrier masse), en séparant géographiquement, dans la distance physique, ce qui était physiquement réel dans les zones de production (Peugeot/Fiat, ...) dans les moments les plus rudes des Beautés privées de la reconstruction post-guerre. La victoire du capital était totale bien avant 89, Maastricht confirmant la stratégie.

En 69, le discours de la lutte et les possibilités du capitalisme, du moins en Italie, se trouvait quasiment au même niveau.
Aujourd'hui, le Patronat a 30 ans d'avance.


 Et nous l'avons plus écouté. Le Hoummous était prêt et nous avions de la bonne coke.
Pauvre type, il parlait tout seul. Par pitié, je lui ai servi un autre Gin Tonic.


On entendait de temps en temps des trucs du genre...

Personne ne comprends qu'il a aujourd'hui une nouvelle classe. Qu'il faut rattraper l'ultra-libéralisme qui lui, n'a jamais abandonné la lutte.

La peur tient les CDI. La précarité tient les CDD. Ils acceptent tout. Il y a des entreprises qui n'engagent plus, elles t'offrent des contrats externalisés, 6 mois renouvelables pendant des années.D'autres qui t'offrent un contrat où elles prennent en charge les cotisations patronales mais où tu es payé à l'heure prestée et où tout les employés sont en concurrence. Il y a les stages, les stages prolongés. Il y a le chômage de masse accepté, défendu qui est l'armée de réserve du Medef et autres organisations patronales, il y a les gens à la rue et il y a les réfugiés qu'on accepte politiquement par mauvaise conscience et comme recrues éventuelles de l'armée de réserve.

Voilà la nouvelle classe.

Voilà celle qui ne sait pas qu'elle est une classe. Voilà la séparation entre col bleu et blanc, col tout court contre sans col, sans col contre "à la rue" et "réfugiés".


La nouvelle classe doit se savoir comme une classe. Elle doit se rappeler des luttes et savoir que ce que l'ouvrier a gagné sur l'Etat et le Patronat, ces deux entités l'ont récupéré au centuple.

Et avant tout, la nouvelle classe doit se parler. Doit se reconnaître.
La prochaine étape est la robotisation.

Soit des millions dans la rues, soit la guerre de guérilla, soit la société des micro-conseils.


Ce type glosait et glosait. Je venais de mettre Beyoncé . On s'amusait bien. Je l'ai foutu à la porte.









Lotta Continua!
















3.03.2017

La poésie est un langage clair/ 6 canettes d'amour






Danser c'est déjà ça
avec des canettes à tes pieds
Le petit t'aime
et grand maintenant, il t'aime.

Les messages ont du sexe
dans l'ennui
Si je te vois
ou désolé je peux pas


Moi j'aime les filles
qu'on paie
des arbres perdent les feuilles
et d'autres qui n'ont pas de feuilles


Les mots reviennent
c'est mignon, l'hirondelle
les chattes du printemps
n'ont pas le temps

Six canettes
sans message, le lac
a sa canne de Jeanne
et la bite panne.


Et tout reviendra
l'aube jolie
la merde
et l'amour nerd.







3.02.2017

La poésie est un langage clair/ La tenue de la lutte





L'oeil que je suis est un oeil.
Ce que je rends est un rendu.
 Tu pourrais être un treuil
Mais aujourd'hui comme hier il a plu.


Un câble, à la limite
une coalition gouvernementale
mais l'alcool sur la bite
Et ces drôles de ceintures anales

Mais bon il y a demain
Et puis il y a hier
les impôts et puis une main

La cerise sur le gâteau
quelques bières
On rejouera dans le préau

Ecriture/ La page blanche




Ecrire ce n'est pas passer le temps.

Il n'y a de pages blanches et d'angoisse que quand il n'y a rien. Non pas quand on pense à rien, mais lorsqu'on ne veut surtout pas penser à quelque chose.

Je ne parle pas des tacherons et des tacheronnes qui mouillent et bandent  de décliner facilement ou par nègres interposés, des zones lisibles et attendues. En cela, il n'y a pas de différence entre la bio de Nabila et le Goncourt.

Ecrire, c'est supporter le temps.

Le mal-être dans l'aisance de vivre donnera une aisance d'écrire sur des sujets qui nous feront dormir.
Le bien-être dans le mal-vivre fera pêcher des truites en Amérique.

Tout peut se terminer par une balle dans la tête quand nous sommes sérieux.

Mais cette balle, c'est l'avortement à vouloir se vivre dans les mots, cet arrêt du mot qui fait un arrêt à la vie.

Ecrire c'est se comporter avec la vie.

C'est un "par défaut" qui devient un "tu es tout".

La page blanche, ce n'est pas la structure. C'est l'innocence qui pense qu'il existe une ligne pré-dite ou c'est la vie morte de se résigner à ne pas en vouloir de la vie.















Cinéma/ Sur "Jaures" de Dieutre






Les films de pd parlent d'amour. Souvent bien mieux que les films d'hétéro.

Simon n'est pas là, mais il est toujours là. Simon, dans ce film, est pris par derrière. On ne le voit. Il ne sait pas qu'on le voit, qu'il est lu et entendu, aimé sans que, ni lui ni Dieutre, ne se le disent.

Dieutre aime. Et sa pudeur à le dire, l'impudise à le montrer.

"Jaures" est une splendide lettre à l'être aimé qui n'en a rien à foutre du reste.

Il utilise le tiers-cinéma et le défausse dans sa peine à lui. Il trahit en sublimant un genre.

Un cinéaste ne filme pas par hasard. Sinon, c'est un touriste. Une année de prise d'images, dans un angle voulu, déterminé, construit, mais s'il peut arguer que c(s)es images étaient prises sans idée derrière la tête, ce n'est pas innocent.

Le film commence sur un cadre construit, des fenêtres volées sur l'immeuble d'en face, du bleu, du rouge, du jaune, dézoome sur un plan général fade pour mettre en évidence les voix off.

Les cadres qui constituent le film, sont des cadres de caméra de surveillances. Fixe, flic, fade, un neutre à composer dans le commentaire.

Des zooms et des serrés de feuilles d'arbres pour couper les séquences. Les feuilles qui semblent perdurer d'une saison l'autre (arbre triste qui ne meurt pas l'automne et ne revivent pas le printemps) sont, à la passion d'un amour qui ne s'engage pas, l'image de l'ennui d'une pauvre tendresse urbaine et celle de la frustration de pas être pregnant dans la seule vie vibrante et bourgeoisement adorée de Simon dans sa maison de campagne.

Dieutre est dégueulasse parce qu'il montre les visages, les habitudes, les réalités de ces "petits afghans" vivants sous le ponts ou sur les berges pour se préserver de montrer les images de son amour et de son amant. Il protège celui-ci en prostituant ceux-là. Le seul lieu qui n'est pas filmé par la police ce sont les bureaux de la police.

L'amour est inconditionnel et n'a pas de limite. Cette lettre est splendide et abjecte à la hauteur de sa splendeur.

Poser un film comme une partie d'un manifeste esthétique et politique, c'est vitale. Echouer dans les deux par indécence et égo-trip serait dommage, juste dommage, si le cinéma, aujourd'hui, n'avait pas radicalement besoin de cette forme.

 Dieutre se gâche. Dans la comparaison qu'il fait entre sa perte, sa situation et celle des "petits Afghans, dans sa condescendance "parigote", c'est-à-dire détachée, pompeuse, auto-centrée, pédante.

On en oublierait la beauté du montage son.

 Heureusement, il y a Cavalier, entre autre, pour nous donner la puissance du tiers-cinéma, conscient (ouvert sur un intime universel) et doux (utilisant des métaphores et comparaisons qui n'ont pas besoin de violer ce qu'il y a derrière la fenêtre pour se faire un discours).

Mais dans la pauvresse du cinéma, il doit, absolument, être vu, ne serait-ce que pour, via le tiers-cinéma, faire quelque chose de juste.