1.07.2011

Extrait d'un exposé sur l'Europe, rédigé par un écolier de l'Ile en 2152

Il est dommage mais non surprenant de constater l'abandon de sa périphérie par ce qui s'appelait encore l'Union Européenne à l'orée des années 2010. Ce fut l'un des premiers signes manifestes d'un déclin commencé une vingtaine d'années auparavant.
L'Europe aurait dû normalement achever son rôle prépondérant dans l'histoire internationale au sortir de la seconde guerre mondial et l'avènement de la (courte) hégémonie américaine (USA). Ce déclin théorique fut amorcé lors de l'absurdité historique que fut la première guerre mondiale (alors que, comme tout le monde le sait, le monde était encore largement "partageable" entre les différentes puissances européennes et que rien, à ce stade de l'histoire ne justifiait un tel "règlement de compte").

A la fin de la seconde guerre mondial, l'état effroyable de délitement du continent, puis la perte progressive des colonies, lié à l'émergence de la puissance américaine (oeuvrant principalement sur deux axes, économique (le plan Marshall) et culturel (le fameux effet "chewing-gum")) devait concourir logiquement à l'effondrement de l'ancienne main-mise européenne sur le reste du monde. Mais un événement particulier sembla pouvoir influer durablement sur l'inexorable chute et permettre une certaine persistance de l'influence et du pouvoir de l'ancien continent.
Le traité du charbon et de l'acier (appelé Pax economica) signé entre les différents principaux protagonistes continentaux du dernier conflit permit un temps à l'Europe et à ses citoyens de croire dans un continuum pacifié de leur ancienne puissance à l'aune des nouvelles donnes internationales.
Ceci était évidemment un programme politique et économique de longue haleine, voué à s'étaler sur des décennies avant d'être parfaitement efficient, mais les bases et la volonté furent posées et, malgré ou grâce à la guerre froide (complexe de tension théorique violente mais décentralisée en terme de conflit ouvert), le terreau d'expansion stable semblait établi.
La chute brutale de l'Empire soviétique fut à la fois une source de haute perturbation et un possible d'élargissement géographique et idéologique extraordinaire. Malheureusement les choix stratégiques pris à cette époque furent la genèse du déclin et de la chute définitive de ce qui s'est appelé Union européenne ou projet européen.
Le traité de Maastricht, bien que théoriquement et dans les grandes lignes, décrit comme un processus politique, assis en réalité les fondements pratiques d'une théorie économique comme fundamens de l'identité du continent, créant de facto une zone de libre-échange entre des pays dont le développement, les potentiels de développement et le PIB comportaient des écarts gigantesques. Ce choix voulu de doter la théorie ultra-libéral de toute la latitude voulue à son développement au détriment d'une assise politique forte créa les conditions idéales à l'émergence de gouvernement voué exclusivement à la défense de la caste marchande ou plutôt haute-marchande (France chiraquienne puis sarkozienne, Italie berlusconienne, Allemagne schroederienne puis merkelienne,...).
Notons également que les investissements d'Etats en matière d'innovation, de nouvelles technologies et d'éducation demeuraient régulièrement excessivement bas.
La phase réelle de création d'une entité politique européenne ne pouvait qu'échouer ou n'être qu'en grande partie déterminée par les données économiques pré-instaurées. L'Etat en tant que suprastructure-condition de l'évolution vers une communauté européenne fut petit à petit nié. Bien entendu, nous le savons aujourd'hui, la désétatéisation d'une nation ou d'un cumul de nation nécessite une haute conscience individuel de la notion de responsabilité personnel et collective (ce que les marxistes de l'époque avait mal évalué) et dépend d'un processus de développement psychique particulier qu'aucune nation ou empire à cette époque n'avait eu le courage ou l'intelligence d'instiguer.
La désétatéisation ne peut être qu'une construction longue, consciemment voulue et mise en oeuvre uniquement par un Etat suffisamment mûr et stable.
Il était clair que l'ultra-libéralisme matérialiste était le meilleur outil pour atteindre rapidement cet état historique mais qu'il était incapable de fournir la contrepartie non pas spirituel mais psychologique nécessaire pour créer une société sans Etat viable.
Pour en revenir à la périphérie, ni la Grèce, ni l'Irlande ne furent "sauvées", mais bien les structures financières qui auraient pu toucher le centre de l'Union.
A cette époque seul un consortium ou collège de tyrannies éclairées dans les Etats déterminants de l'Union aurait pu infléchir le cours pris. Mais les peuples et les réelles élites de ces peuples ne furent pas capables de le comprendre et l'Europe, pas à pas s'enfonça dans les ténèbres de l'histoire.

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