3.30.2012

Pourquoi Sarkozy va gagner

C'est une question d'opposition et l'opposition comme une force factice ou plutôt une opposition qui admoneste pour absoudre qui critique pour conclure, qui crie pour en fait se taire.

Bien entendu que Sarkozy va gagner.

Et il va gagner parce qu'il est méritant.

Celui qui mérite le fait en contre-partie de ce qui l' a fait échouer, le bilan de son action est sa réaction à ses chutes.
Le fait que lui et ses lieutenants bandent actuellement dans des shows dans lesquels on nous fait passer l'action pour le décors et vice-versa c'est-à-dire où la récupération de l'immonde et le dragage supposé des alluvions sous-éduqués et épuisés de l'aile droite-droite n'est qu'une bagatelle aux alouettes et en sus, un os bien saignant dont Hollande, gaudriole de la lissitude se repaît mollement, plongeant niais dans la voie de garage où on l'engage, presque jubilant de pouvoir continuer à ne rien dire, ne rien proposer, dans un stand-by de logorrhée fade, quasi muette dans l'attente d'une date qui n'advient que trop lentement, tétanisé dans l'inertie flasque qui pourrait rendre le temps élastique.

Sarkozy lui, se repent des erreurs qu'il a crû devoir commettre pour. Ou qu'il a commis sans un fait-exprès mais qui sont son unique atout pour continuer ce qu'il n'a jamais vraiment commencer.
Son théâtre permanent ne cache pas qu'il a été le président du statut-quo, d'un continuum d'un état de fait d'une France qui n'a jamais cessé de vivre dans les années 50.

Oui. Il se repent. Et oui, il suffit qu'on enlève une Rolex pour être un homme non nouveau mais refait. Et oui, ce simple fait est l'élément crucial de cette campagne. Il n'a jamais été question que de ça.
Le mérite en France (et ailleurs) n'est pas conditionné par une somme d'actes mais bien cette faculté de reprendre par-devers soi des moments décalés, des fautes (aux yeux d'une masse facilement clivable) et de les recaler en conscience. C'est réagir contre soi et le montrer.

 Ce pays presque plus spectaculaire que les Etats-Unis a historiquement prescrit le cirque comme condition déterminante et définitive de l'accession au pouvoir quelle qu'en soit la manifestation et le tremblement d'images répétées ad nauseam par les médias de l'imagerie blingblingienne de la faute (bien que les menteries, coucheries morales, contre-vérités, dé-vérités, suffisances, arrogances, injures et parjures soient règles adoubées mais tant consenties par lui comme par tant d'autres dans toutes les sphères de la présences) ne sert qu'à projeter encore plus puissamment le seul credo/projet politique du candidat Sarkozy, c'est-à-dire cette contre-image du repenti, du "je vous ai compris", du je-suis-vous assimilé et contrit, en somme du pécheur qui ne gagnera le paradis que parce qu'il a péché, la reconnu et a fait oeuvre (de la manière et avec l'intensité qu'il veut) de repentance.

Le paradis ou l'Elysée ne sont pas fait pour les vertueux, bien au contraire.
Il faut s'échouer pour se vaincre et se vaincre ne consiste parfois simplement qu'à reconnaître publiquement. La conscience n'entre ici nullement en ligne de compte.
Et cette France fille-mère de l'Eglise, comme génétiquement programmée à la critique permanente, à l'exaspération, à la détestation du bouc, infiniment fébrile de justice, donc d'injustices concrètes, ne jubile que du pardon qu'elle accorde, pardon post-confesse, honorant comme se doit l'aveu, chérissant le fouet qu'elle prend et redonne à celui qui frappe et se flagelle.

Hollande le vertueux va perdre, car il ne mérite rien, n'ayant rien tenter, rien échouer et n'étant revenu de nulle part tandis que Sarkozy la putain respecteuse avancera sous des caudines de plumes vers une prolongation de son règne.  

3.29.2012

Sur le "mythe de Sisyphe"

"Il faut imaginer Sisyphe heureux"

Cette phrase ne suffit pas à nous rassurer, elle comporte trop de mystère, elle enferme trop de possibles, elle est indéfinie parce qu'elle ne nous situe pas quel moment de Sisyphe nous devons isoler, s'il faut prendre sa condition comme une totalité ou si l'on doit s'attarder sur un moment particulier de son actes, si notre salut est une séquence, un espace de sa/notre condamnation.

Camus nous pose un constat clair de l'absurde parce qu'il fait partie de ses penseurs qui ont su imager un concept, concrétiser l'abstrait,mais cette image n'est pas un instantané photographique ni une peinture, mais un film en repeat one et plan large.

Lors de divers discussions sur le sujet, j'ai remarqué que la plupart des gens cherchait à défaire le général, comme terrorisé de la perspective, réduire le monochrome, plaçant le loop en pause et que dans cette velléité de castrer le questionnement, de nier en somme par la suppression du mouvement cette absence de mouvement qui résume notre existence, ils essayaient de se définir un cadre fixe et rassurant, une empreinte à suivre comme une photo de famille sur le coin d'un bureau.

Ce raccord à la plénitude se manifestait généralement entre une jubilation de l'effort qui serait à la fois sa trajectoire et sa destination unique (imagier musculeux de la peine, exagération de la dimension du rocher, inclinaison de la pente, obstacles et entraves vicieuses) et l'acme, point d'orgue, instant fébrile de la réussite, jouissance de l'achèvement.

Et cette constante d'appréciation n'a rien d'absurde dans un monde dont la matrice est la réalisation et sa consommation, le faire surconscientisé, l'héroïsme dans l'horaire respecté d'une société de service.

L'on ne demande plus quel est notre film préféré, mais quel a été la séquence la plus marquante de notre vie.
On nous conditionne à estimer en image(s) ou fragment(s), on réduit notre rapport au monde à un imagier et on réduit cet imagier à sa préhistoire, c'est-à-dire la peinture ou la photographie,
on ôte à la totalité la chance de pouvoir s'expliquer, on cloisonne tout développement d'une pensée, on ne peut la considérer qu'en chapitre.
Nos discussions sont des cut-up appliqués, nos pensées sont des cut-up. La pensée est séparée d'elle-même, elle glâne, elle éparpille.

En jouant ce jeu de la résolution instantanée avec le cas Sisyphe, l'ile que je séparerais du continent serait cette infime où le rocher perd pieds et s'entame à dévaler la pente une énième fois et ce moment bien particulier de la joie où je considère l'oeuvre à reprendre, le travail à recommencer.
On se plaint tant des emmerdées effroyables que nécessitent la conduite d'un projet quel qu'il soit, la fatigue, les autres, les informations perdues, inexistantes, qui ne viennent pas, les gens qui ne répondent pas, qui répondent rien, mal de travers, les attentes, les courses, les nerfs pris, la fatigue, l'ennui, l'excitation, les va-et-vient émotionnels, la croissance du "plus jamais ça".
Mais on repart tous.

Parce que le faire est également outil dont on dispose pour ne pas penser.
Pour oublier que rien ne sert à rien. Que rien n'est vrai. Qu'il n'y a pas de dieu(x) ou d'idée(s) pour définir le rien, rien d'autre qu'une définition du dictionnaire.

Sisyphe dans la totalité de son éternité est un bandeau coloré.


3.27.2012

Nouvelle/13 Ce ne serait pas pareil à New-York

Il regarde derrière lui une plaine alarmante, la ville sera toujours mieux.
Cet océan plat, sans nuance que des trous vagues et de la terre trop sèche, des vallons pour nains ou enfants à ramper, des aléas de tourbes, des collines d'ennui. Des arbres rachitiques de s'être hivernés, des vasques craquelées, des crêtes maigres et argileuses gravie en deux pas.
Oui. La ville sera toujours mieux.
Il se retourne et arpente.
Il plane entre le béton et la brique, les enjeux ramifiés, la nature concassée, avilie, joyeuse de ses angles, de ses bords à bords joints, multipliés, ivres de rigidité. Les courbes comme des statistiques, les virages comme des graphiques, un orgasme continu de trigonométrie, chaque incurvation est un repère à nouveau perdu, un triangle rectangle, minutieusement calé et reproduit, indécelable, des montagnes conscientes entre, des créneaux vivaces et habités, des échouages, des ratés, des joies et des caves.
Il transpire sans pause, il avale et braque, quitte, retrouve le connu, le dépasse, s'enfonce et brûle et de toute chose les cuisses qui s'allument et le sang lourd qui les transpercent et autour la brique en dégradé saccadée de béton.
Les gens ne sont pas intéressants. Il n'existe que dans l'absence des vitres trop éclairées pour qu'on puisse voir à travers, les rideaux, les stores, les étages gavés de l'ubris d'échapper non à la rue mais aux regards d'une plèbe incapable, détériorée de mirer si haut.
Et puis ce moment si particulier où l'on ne pense plus, où l'effort est impossible, où les images s'arrêtent.
L'errance urbaine où même le corps se tait.

3.26.2012

la bilariose pour les enfants/11

Je sonne chez la famille Raimondi. C'est ceux d'en haut. En règle général, c'est plutôt rare de connaître les gens des autres étages, on se cantonne au palier et encore. Faut que je dise quand même que c'est avec le père Raimondi que je suis à la bonne. Et que c'est plutôt lui que j'espère de voir, parce que le reste de la famille, ils ont pas encore tout a fait compris comment ça se fait que les usages ne soient pas respectés et qu'on se fréquente entre étages.
Il y aurait même de la méfiance sexuelle du côté de la femme Raimondi, alors que pour une fois c'est vraiment aller chercher midi à 14 heure. Non, c'est qu'une fois Raimondi père, je l'avais croisé complétement torché sous l'escalier du hall. Il était tout sanglant d'avoir raté une marche à la montée et pas de chance la dernière de la première volée d'escaliers, ce qui fait qu'il s'était pris une sacrée ramassée. Il s'était planqué pour reprendre de la contenance et éviter le reste de la famille vu qu'il avait bu et joué toute son allocution chômage. Sans compter l'arcade pour la couture et les trois dents pour un dentiste assez hypothétique selon la conjoncture.
Enfin, moi ça m'avait fait chose de le voir et d'en entendre tout ça, surtout que je ne suis pas du genre à juger, les pierres je les gardes pour ma pogne, que je comprends en plus très bien la motivation, que c'est pas Beyrouth de s'en mettre une de temps en temps, c'est pas toutes les années noël.
Moi-même j'avais largement dépensé ma dernière assurance-invalidité entièrement en shit, alors... M'enfin je m'étais quand même mieux démerdée en en revendant pas mal à de la fraîche jeunesse complètement à Morge sur les prix.
Enfin pour en revenir au père Raimondi, la pitié avait croisé le génie et je lui avait proposé de monter une petite mise en scène de toute pièce avec témoin à l'appui. Moi.
Je l'avais aidé à remonter jusque chez lui. C'est d'ailleurs là que j'ai découvert le 12e étage pour la première fois. On s'est pas émerveillé longtemps et on a été obligé de frapper parce qu'il avait dû laisser ses clés à un bosquet quelconque.
Et ça, ça a dû la surprendre pas mal la mère Raimondi, parce que les visites, à part un mot pour le scrabble... Et comme à cette heure-ci ça pouvait pas être les poursuites... Elle en a fait une drôle de mine, vite rejointe par la chiaritude qu'elle avait consciencieusement pondue. Faut bien dire, son Jules dans l'état, avec une grosse au bras d'un étage inconnu à minuit passé, ça sentait les ongles ou la chevrotine. J'ai anticipé en causant de but en but, sans laisser qui que ce soit en placer une.
Et comment le père avait été de retour tout brave, le bon pognon du chômage dans les poches. Et comment une fois sans coutume il avait été fière de ne s'être pas arrêté au troquet, ni le premier, ni les autres. Et comment cette meute sans foie ni loi lui était tombé dessus et lui, braillant, dans des gestes, "C'est pour mes filles! Pour mes filles! Et Pâques! Noël! Fête national! Lampions!" Et comment ils l'avaient rossé, tabassé à même le sol, les dents voletantes, l'estomac en crise et si c'est pas une honte madame Raimondi.
Et moi qui était de villégiature, en train de faire ma petite marche crépusculaire, qui avait tout vu mais qui, rongée de trouille n'avait pas même pu hurler un coup. Alors la honte, penaude, et comment je l'avais aidé à se relever, dans la culpabilité, que je l'avais fait faire une petite escale dans mon chez-moi, histoire de schlouquer une prune ou deux (fallait bien justifier l'haleine quand même...) et que le voilà, là et si c'est pas la misère noire cette jeunesse merdique qui ne respecte même plus l'honnête travailleur qui ne peut plus travailler.
Elle a semblé avaler. Elle a parlé de porter plainte. J'ai dit, évidemment, mais à quoi bon, que ça servirait à rien, mais que j'étais disponible au cas où, l'étage en-dessous, pour une identification, le témoignage, al description des agresseurs (bien entendu arabes-noirs-casquettes-survêtes-une petite dizaine).
Voilà. Depuis on se rend des petits services avec Raimondi père. Genre là comme j'ai faim, je me suis dit...
"Ah c'est toi" qu'elle me dit la mère Raimondi. Je demande quand même à tout hasard un peu de sel à ma prêter. Comme j'ai omis le récipient, elle me le fout dans un de mes vieux mouchoirs avant de claquer la porte.

3.22.2012

Zone calme

La normalité était stressante.
La programmation active. Couler de source était impossible. Destiné au point P de l'accomplissement.
Il fallait être nerveusement cool et paraître affairé en souriant, en permanence, même à l'interne familiale ou célibatant,
s'inventer une tension, la montrer subtilement et sa défaite, enfin notre prise au monde de s'en défaire, la nonchalance parfaite des anxiolytiques.
Le temps tendu devait se bouffer, baisser la tête quatre secondes, la relever trois, regarder ailleurs trois, la rebaisser, dans la rue, d'un point à l'autre, se fatiguer à dire tout va bien, résoudre les banalités en soufflant, se tenir droit en se plaignant et jouir sérieux.
Le sourire en traversant le parc à midi d'une bonne foulée et le terne à narrer un week-end au soleil.
Nous ne pouvions être considéré qu'en étant tendu.

3.21.2012

Bruxelles-Montauban-Toulouse

Il n'y a pas de campagne à suspendre lorsqu'il y a tout à dire et un peuple, non à unir ou à soutenir, mais bien à tenir.
Et je ne chercherai pas ici à abonder dans la compassion, tout a été largement dit et ressenti et bientôt, bien entendu oublié par la masse ou plutôt remplacé par d'autres peines quotidiennes ou spectaculaires.
A l'unanimité la classe politique française a utilisé l'adjectif possessif comme pour, non partager, mais s'attribuer une douleur, comme à l'époque on nous intimait d'être tous Américains.
La douleur d'autrui ne se possède pas, ni ne se récupère et si elle se partage, elle doit se taire.
Nous sommes descendus là dans des recoins trop connu de l'abject humain, je dis là, dans l'acte commis qui tue l'enfant de sang-froid, mais acte si commun, presque banal, dans les marasmes et les cauchemars des conflits qui nous entourent.
Poutine est intervenu à Beslan et dans les silences de Tchétchénie, les attentats divers en Irak, Pakistan, etc etc, les armées modernes d'Israël et de l'Otan, etc etc...
Les enfants crèvent. Oui. Ici c'est de sang-froid. Donc à bout portant. Donc conscient. Oui. C'est infect. La distance du meurtre ne le relativise pas, il en détourne la conscience et la libère à moitié.

Le XXe siècle n'a rien attendu pour massacrer les civiles en masse et abjurer à l'éternité les commis de l'horreur.

Ce que nous voyons aujourd'hui c'est un retour à la maison, non pas absurde mais prévisible, de tous nos conflits, ceux que nous avons inventé, créé, généré et dont nous avons cru en les deplaçant, en les éloignant, nous préserver ou dont nous croyions pouvoir contenir les résonances.

L'incendie d'une mosquée chiite à Bruxelles est un rappel dans la cité de l'Otan et de l'Europe d'un conflit trop longtemps larvé et qui a éclos comme un bubon après l'entrée des troupes occidentales en Irak et qui est le terrain de jeu stratégique de nos intérêts et de ceux de la Russie entre autre, la Syrie étant le nouveau damier,
Toulouse, Montauban. Il ne fallait pas être grand clerc pour imaginer la diatribe du trop vite jugé fou sur la Palestine et sur l'Afghanistan.

Elle est simple et évidente parce qu'elle est concrète. Et elle n'est pas concrète, parce qu'elle est entièrement vraie, mais parce qu'elle interprète immédiatement et totalement un ressenti que l'on a trop longtemps laissé germer.

La vérité n'est jamais le problème. Il y a un point de vue et une façon de le traiter qui devient une réalité, la totalité de cette réalité.

Je ne cherche pas à être froid. Je vomis aussi. Mais comprendre est une distance. Le monde n'a en lui aucune histoire individuelle.

 

3.20.2012

Nouvelle/12 les déplacés

Il marche au rythme de la musique et ne s'attarde sur rien.
Elle n'est pas là. La matinée est avancée, elle pense ailleurs, elle se concentre à ne rien entrevoir.
Ses yeux se figent sur le rectangle fin de lumière qui translate sur le sol, le long du couloir, suivant le rythme du train. La barre glisse, le train vire, elle s'approche, s'allonge, puis revient. Et les immeubles de la banlieue proche l'absorbe avant que les passagers en sortie ne lui marche dessus. Elle revient par intermittence.
Il ne regarde ni le sol, ni les murs, ni les gens, ni le haut des immeubles, ni le ciel. Il sent se tendre le haut de ses cuisses, il n'accélère pas, ne ralentit pas, il estime trente minutes à trois kilomètres, un peu plus. Les objectifs n'ont aucun intérêt, la chaleur qui le trempe sous son manteau, il n'a même plus l'impression de respirer, tout est normal et fonctionne sans lui, autour de lui, en lui, hors de lui.
Elle rate son arrêt, la ville la prend, les tunnels d'une gare à l'autre, les façades, les disparitions et l'étirement de cette bande de lumière qui ne touche jamais son pied, ce soleil qui la tente et tend à elle, cet achèvement d'une si longue route où il y avait tant de vide pour ne parvenir qu'à rater ce pied-là.
L'espace entier, celui qu'on ne peut que penser et où tout adviendra un jour, cette attente et toute cette poussière qui se crève à s'unir, il remplit jour et nuit les distances, s'en foutant de l'entoure et des autres qui ne servent qu'à s'ennuyer, il marche pour combler les distances, combler l'univers. Lorsqu'il s'arrête c'est pour regarder les autres marcher, il compte les pas, marque les temps, il n'y a d'autre raison à vivre que de se déplacer et revenir.
Le temps passe, elle n'est pas sortie, la ville est finie, mais elle n'est jamais finie, toujours les ressorts du béton et les câbles en haut pour garder contact, elle entend le déplacement de lumière qui se réduit, malgré l'angle qui est juste. Elle n'a pas relevé la tête, elle n'a rien quitté, rien lâché, il n'y a d'autre raison à vivre que de rester immobile et laisser venir.

3.19.2012

la grammaire est sexy/4 la création du temps comme outil politique


















Ainsi donc le présent n'est nulle part, sphère instable et insaisissable, éternité de notre condition, fondement de nos terreurs et des moyens que l'on se donne pour tenter de les résoudre.
Le présent nous a ouvert le temps et nous y avons plongé.

Ce présent si vide nous a abreuvé le vertige et la perspective et nous l'avons empli de temps et ce temps nous l'avons étiré et segmenté.
Parce que, avant Bergson, avant Einstein et encore aujourd'hui, après eux nous l'avons défini en espace et continuons à en nier les intervalles, parce que nous sécantons nos existences et parce que nous sommes toujours persuadés qu'il existe un futur et un passé.


Ces notions qui nous projettent ou nous ramènent, que nous utilisons quotidiennement, que nous manions d'ailleurs plus que le présent lui-même ne représente en elles-même strictement rien.


Ce n'est pas que le passé n'existe plus, c'est qu'il n'est pas. Il n'est pas une disparition, ni une absence, il est un écho tout au plus et ce que l'on peut en dire, ce que nous en disons, n'est qu'une infime partie de ce qui a été. De ce qui est. Une impression, toujours vague, toujours floue, imprécise, interprétée, relue, revue, re-présentée au moyen de mot qui eux-même, en eux-même ne signifient rien.

Même dieu ou les dieux ne peuvent pas changer ce qui a été.


Le futur est une absurdité. Il est à la fois l'infime probabilité de sa réalisation et la totalité de ce qui peut être. il n'est même pas un possible, parce que celui sera en étant, sa preuve est son existence. On ne peut rien dire de ce qui vient.


En français le seul temps ayant une éventuelle consistance est le conditionnel. Cette création merveilleuse qui chevauche et le passé et le futur par sa construction et son usage au présent.
Les autres temps ne servent qu'un usage immédiatement politique qui se résout à relire l'histoire et imposer en ordonnant les volontés à venir.



Le temps a été créé uniquement pour assurer la stabilité sociale quel que soit le système politique appliqué.

En peinture, la seul manière parfaitement réaliste de figurer ce qui est, ce qui a été et sera est l'abstraction.









































3.13.2012

la grammaire est sexy/3 Le référentiel absent

Le présent est la matrice du temps et son absence.

L'idée de temps, qu'elle soit instant fixe, succession de points ou durée, mélange d'instantanés photographiques et d'étirements ne peut exister qu'au moyen d'un "par-rapport-à".

Le temps est une comparaison entre un point A et un point B (et C, D, ...). Il est ainsi, toujours, comme une corde plus ou moins tendue entre un référentiel et sa ou ses destination(s).
Il n'y a de passé que parce que je peux le penser maintenant, quelque soit le temps utilisé, complexe ou non il doit s'inscrire dans un rapport.
En jonglant dans la concordance des temps, un plus-que-parfait justifiant un passé composé par exemple, ce passé composé est un autre référentiel (R2) mais qui ne peut être que parce que je suis là, maintenant, à vouloir le dire ou le raconter,
mais ce passé composé est aussi un autre présent dans un certain sens, un moment où j'étais un "je suis".

Si l'on observe la construction, la fabrication des temps en français, on constate que dans leur extraordinaire majorité, la difficulté qui réside à définir le radical, se résout à travers l'infinitif du verbe et des divers formes de son présent.
Je me fiche complétement de l'écrit dans cette série d'article, je parle du prononcé, je parle de son
et dans cette optique, la conjugaison française n'est plus cette illusion d'un océan d'exceptions, mais bien un rigueur froide et méthodique à se calquer sur l'unique référentiel qui nous définit au monde et au temps, c'est-à-dire le présent.

Mais si on observe ce référentiel, notre unique point d'attache à la réalité, à son explication éventuelle, à sa mémoire et sa projection, l'on constate en fait qu'il n'existe pas.

Le présent n'est pas un point, il est un éternel intervalle, une oscillation à l'amplitude variable, les résidus fuyant d'une pierre jetée dans l'eau.
Il est toujours un peu avant et après lui-même et si c'est lui qui tient tout, il est intenable.

Ainsi, parler revient à bâtir une maison en suspension dans l'air ou s'asseoir sur une chaise liquide.



 

3.12.2012

Nouvelle/11 La tension monte

Ils étaient entassés, empilés, presque ivres, déjà bien mis le long de la balustrade, encore en maillot, certains en short, semi-hilares et de plus en plus gras. Ils ne perdaient rien de ce qui se passait sur le terrain.
Ils aimaient unilatéralement.
En-bas, sur les gradins, des femmes, la quarantaine, la cinquantaine, simili-classieuses, apprêtées sans forcer, suivaient les cuisses et les mollets, ricanantes, enchaînant les verres de vins blancs, guindantes passablement derrière leurs lunettes de soleil, tant qu'il y avait encore une raison.
Le match venait de reprendre.
Les supporters de l'équipe adverse, légèrement exilé, au bord du terrain, peu nombreux, invectivaient l'arbitre. Pas de chant de leur côté. Des cris lourds entre deux gorgées. Les filles se taisaient, se retournant, tantôt souriantes, tantôt hochant la tête en direction de la balustrade, énervées de façade, matantes.
Des poussettes s'éloignaient juste après que le soleil a passé les arbres.
Les serveuses descendraient plus tard, gauches, une caisse de bières vide à la main, récupérer les bouteilles qui traînaient et que personne ne rapporterait.
La tension montait.
Dans les gradins rien ne filtrait, rien ne se vivait d'autre que les poses méthodiquement appliquées et les regards sur les corps tout en discutant de profile. Plus haut, les chants redoublaient. Toujours plus gras.
Tout était parfaitement normal dans ce dimanche après-midi de l'upper-class de banlieue. Et le printemps venait.

3.11.2012

la bilariose pour les enfants/10

Chapitre 10


Depuis qu'on se voit plus avec Greta, ça va pas mieux. Je suis pas sortie de la barre depuis trois jours. J'ai commencé par réparer le store qui grippait en haut mais j'aurais pas dû. Y a un bout qui est tombé et l'autre qu'a pas voulu suivre. Quand y a soleil, ça dégrade toute la pièce en strie. Tant pis. J'ai la dalle.
 J'ai méchamment la dalle. Mais ça implique beaucoup. Et j'arrive pas à penser le ventre vide, sauf que pour le remplir faut que je sorte acheter de quoi et ça implique beaucoup de diverses actions pour lesquelles, faut que je pense un peu. Mais j'arrive pas à penser le ventre vide. Je me lève quand même du canapé-lit, je m'étire un peu, mais pas trop, je suis pas encore sûr de vouloir me réveiller. Je suis sûr de rien, à part que j'aimerai fermer le store, parce que ça m'énerve de savoir qu'y fait jour et que j'ai rien envie de foutre. 
Bordel, j'ai faim. Je suis passé trois fois devant le frigo, mais au bout de trois jours faut pas trop se leurrer. J'y repasse quand même encore une fois, mais je savais que j'allais le faire, avec le frigo, on espère toujours qu'on découvrira quelque chose qu'on aurait fait exprès de pas voir avant, une gentillesse à soi-même. On a beau savoir que c'est des foutaises, on y va quand même, faut être con ou avoir pas envie de sortie. J'ouvre la fenêtre. C'est bien ce que je disais. Le rebord est vide. Ici, dans ces deux-pièces modernes qu'on se demande où est la deuxième pièce, peut-être le chiotte, ou le hall d'entrée de l'immeuble, ou la cave ou va savoir, enfin, dans mon chez-moi, on constate l'étendue de l'attention portée à la population, certes la plus nombreuse mais néanmoins la plus pauvre de notre société quant à son confort. Je vais pas me plaindre, parce qu'y a pire, mais je pensais que cuisine équipée qui disait au social comportait frigo dedans.
 Mais non. 
Tant pis, hein. 
Si jamais, cuisine équipée dans l'occurrence, c'est deux plaques à gaz de ville dans la cuisine-salon-salle à manger-chambre (va savoir où est cette putain de deuxième pièce ?). Le détail qu'on avait oublié de nous le dire, c'est que le gaz de ville avait un petit problème du à des fuites ici et là, sans qu'ils sachent trop où c'était ici et là, ce qui fait que d'un commun accord entre tous les locataires, on utilise pas trop le gaz de ville.

3.09.2012

nouvelle/10 je ne veux pas perdre

La quiétude. Dans le terme.
Un mot. Et pour lui le changement permanent fût l'arrêt-même du temps. Ou son étirement.
Transformer dans son heure les mouvements, les multiplié, déplacer l'espace, pour ne rien y faire ou y faire la même chose.
Le temps n'était plus qu'une question d'espace à mouvoir. Il évitait les lieux connus, trop sus, il ne revenait pas ou rarement, il mutait les rues, ce créait de nouveau isoloir où s'asseoir, regarder, boire, debout, observant.
Il trafiquait ses transports, tantôt à pied, tantôt en métro, en bus. Il décalait les rues, en parallèle, puis en perpendiculaire,
il créait consciencieusement des souvenirs trop nombreux, il étendait sa vie dans un identique nombre d'heures. Il rencontrait par intermittence, il s'arrêtait plus ou moins longuement, il définissait la perspective d'une relation, non pour qu'elle dure, mais pour qu'elle existe et disparaisse.
Il concevait l'autre comme un point ou une durée,
un intervalle.
Il se foutait méthodiquement des conséquences. Il les prenait uniquement pour des résidus de vie.
Il se forgeait. Et chaque coup sur sa route était une déviance et chaque détour était un nouveau plein dans sa zone.
L'entoure était un ustencile pour allonger sa vie.
Cette illusion était consciente et voulue. Il connaissait le secret et sa révélation. Il était le maître.

3.08.2012

la grammaire est sexy/2 La naissance du temps

Si elle ne servait qu'à décrire une langue n'en serait pas une et un geste, des gestes, des cris ou succession de cris, des panneaux indicateurs suffiraient amplement.
On a l'air assez idiot avec l'image d'une pomme par exemple, sans savoir quoi en faire.
Un mot en lui-même, isolé, comme perdu, ne signifie strictement rien. Et même hors de la phrase, il reste bien nu, sans au minimum deux locuteurs pour se le partager, deux locuteurs ayant en commun une référence relativement similaire (que cette pomme ne soit pas une poire).

A l'extrême-naissance d'une langue, il y a cette nécessité devenue vitale, cette urgence d'organiser des choses éparses, de faire interagir l'image que l'on se fait de quelque chose avec cette chose elle-même et de transmettre cette impression, tant bien que mal à un autre potentiellement intéressé.

La langue en quelque sorte se trouve alors être la marque d'une frustration du dire, le besoin d'évacuer de notre tête quelque chose qui y prend trop de place, un tue-solitude en somme.

On pourrait aussi l'imaginer, non comme la naissance de l'action, mais le besoin d'échanger cette idée de l'action. Un incapacité à agir seul, la mise en commun d'un projet.

Une société peut très bien vivre et survivre avec un langage limité. La langue elle, devient alors une portée et au-delà de la portée un rappel, une transmission, non du savoir, mais de l'erreur.

Oui, des actions simples peuvent toujours se traduire au moyen de ces mêmes cris et gestuelles, comme des fonctions attributives (la pomme est bonne) ou possessives (j'ai une pomme, c'est ma pomme) s'en suffisent aisément.

Mais ce n'est que lorsque l'action quitte l'immédiate nécessité, sa présence plus ou moins proche, que son dire nécessite une complexité nouvelle.

Se projeter. Préparer. Rappeler.


Le temps avant la langue n'existait pas. Il est pure invention des sociétés hominidées qui l'ont créé pour sortir de l'éternité, pour se faire au monde, se construire et tuer la mort.

3.05.2012

La grammaire est sexy/ 1 La grammaire est un point de vue

Tout ce qui suivra dans cet article et dans les suivants sur le même sujet ne constituera qu'un point de vue, images particulières de la construction d'un monde, images en fait de l'image voulue, point de vue d'un point de vue sur la réalité et l'abstraction de cette réalité.

La grammaire est une totalité intriguante, une méta-image relativement figée (quant au décalage ou transformation de sa norme) d'un mouvement permanent, innomable, succession d'étant, d'ayant été, de potentiels "serant", incernables, proprement incompréhensibles.

Dans un certain sens la grammaire est un signe, les outils grammaticaux, des formes de signes élémentaires et qui malgré les variantes d'un même élément reste et résonne comme une réduction du signifié, comme une castration volontaire des sens possibles. Mais cette réduction est en parallèle une multiplication, dans un seul signifiant, de signifiés.

Mais à nos yeux, la grammaire est avant tout un référent.

La question du lexique dans ces articles ne nous intéressera pas. Les termes rendent une image de ce qui est. Mais la grammaire ordonne ce qui est selon un point de vue particulier. Chaque langue est une vision et le commentaire de cette vision.

Et c'est cette grammaire qui nous conditionne notre pensée du monde, comme elle conditionne notre manière de l'aborder et d'y intéragir.

Il ne peut y avoir de changement de société quelconque sans changement dans la langue. Et hors du simple lexique qui enrichit ou appauvrit la connaissance, c'est la grammaire comme forme première d'organisation qui doit être ou pas transformée.


Nous commencerons notre analyse des outils grammaticaux selon un plan pédagogique. Si l'on ne prend pas en considération le lexique, la maison-mère de l'acquisition d'une autre langue, c'est le voyage dans le temps. La faculté de raconter, de projeter et d'agir.

Et pour commencer logiquement, nous parlerons du présent.


Oui la grammaire est sexy.

3.03.2012

Féminisme/ Sur la question de "Mademoiselle"

Il pourrait paraître inepte aujourd'hui de concentrer ces efforts sur l'effacement d'un terme, en l'occurence "mademoiselle" ou de le laisser simplement à libre choix, comme si la lutte pour l'égalité des sexes n'avait à se préoccuper uniquement des questions des égalités salariales, du droit à l'avortement ou des problèmes liés à la violence physique et psychologique.
On argue facilement du côté ridicule de cette demi ou quart victoire comme sussucre alors qu'en France par exemple, au sujet des inégalités salariales et malgré pas moins de 6 lois successives entre 72 et 2008, le gouvernement, en douce des vacances estivales lâcha du lest aux entreprises fautives en leur donnant 6 mois pour s'arranger un accord collectif avec, si mesdames râlent, toujours la possibilité de se raccrocher derrière des difficultés économiques pour n'avoir ni à arranger la parité, ni à s'acquitter des amendes prévues.

Et c'est probablement en fonction de cette sévère enculade que la disparition du "mademoiselle" ou son libre choix a pu, sans autre et si rapidement, trouver tant d'avals et passer comme une fleur.

J'ai publié deux-trois textes sur ce blog et d'autre concernant entre autre le sexe des mots.

Je vais donc y revenir.

Ma préoccupation première, mon intérêt comme mon jeu réside et tourne autour de la langue et du langage, des origines à l'usage, des normes et des mouvements ou plutôt du mouvement de la norme.
Ce n'est pas rien de dire ni de parler.
Notre lexique, quelque soit notre langue nous sert à nommer, c'est-à-dire à faire exister le monde, à lui donner en quelque sorte, un corps abstrait.
Et notre grammaire est toujours une philosophie. Elle nous permet d'ordonner ce monde selon une vision. Des langues il y en a encore plus de 6000 parlées actuellement à travers le monde. Ni plus belles, ni plus logiques, ni plus fonctionnelles que les autres. Les langues n'ont pas de strates entre elles dans leur rapport au monde.
C'est une question de survie, d'harmonie et d'économie.

L'autre s'entrevoit, s'accepte, se comprend, se partage par la langue et hors du simple lexique, par la grammaire qu'elle porte.
C'est la langue elle-même qui nous fonde au monde, qui nous le détermine, qui nous détermine, qui est notre axe 1 de pensée, qui entrave ou complique tout autre axe, qui est la totalité et la limite de ce que l'on peut penser de nous, des autres et du monde.

Je reviendrai souvent et plus longuement sur la grammaire française.
Mais en la simplifiant au maximum, elle n'est pas cette horreur d'exception permanente que suppute ceux qui tentent de l'apprendre. Elle est au contraire effroyablement binaire.
Elle est aristotelicienne, platonicienne, voire même plotinienne et chrétienne.

Le français partage le monde en deux sur plusieurs points. Mais celui qui nous intéresse là, c'est la différenciation masculin-féminin. Nous n'avons pas d'alternative, comme le neutre par exemple. Ou l'absence de genre.

Duras recommandait aux femmes, il y a de cela un petit bail de se trouver leur propre langage, leur propre langue, plutôt que d'utiliser celui ou celle des hommes pour tenter d'être.
Dans un texte que j'ai écrit il y a quelque temps déjà, je proposais par exemple de remplacer le mot "homme" pour "humain" par "hoamme" ("woam"). Une simple contraction qui est déjà la totalité des représentants.

La question de "mademoiselle" est intéressante et nécessaire parce qu'elle pose le combat dans la source, dans le fondement de notre être-au-monde. Dans sa définition. Dans la langue.

Je ne trouve donc pas cette velléité ridicule. Je la trouve juste timide. Trop tendre. Juste un peu fade ou faible par excès de politesse ou de déférence vis-à-vis du "sexe fort".

La question n'est pas une guerre. Elle est une création.
Je viens d'un pays où l'on parle trois langues. Et si la France s'en donnait deux?