11.28.2015

L'île/ Une Constitution/ Projet d'article-4
































Article 4 :








L'âme est un corps comme un autre














































Haïku d'images-77/ Pastels Javelin


















































































Haïku d'images-76/ Mum's Care









































































Haïku d'images-75/ Sono Mono

































































Haïku de route-95/ Leaving Lee Vinning























Il va être temps, la journée va brûler. Elle est droite sur la carte, mais elle doit d'abord monter et puis ensuite redescendre et toute en courbe. Ma mère à l'air en forme. Elle a l'air d'avoir aimé le lac et la sieste et la journée entre les mondes et le petit-déjeuner de ce matin, la rencontre et les mots, les souvenirs et le style de Lloyd et Jeddie comme un rappel d'elle et de ceux d'elle d'avant. Je check-out à la réceptionniste jolie et ookie-dookie et je rejoins ma mère qui m'attend à l'entrée de la route, dans la Ford et les valises dans le coffre sans plus de fruits pour y pourrir. On a toujours de l'eau, les jerrycan sont vides mais on va vers le moins chaud, deux bouteilles suffisent. Je déplie la carte sur mes genoux. Nous prenons à gauche, remontons d'où l'on est arrivé sur la 395, roulant d'abord la rue principal puis sur la route, les quelques pauvres miles qui nous sépare de Tioga Rd, le col fermé en hiver. J'avais fait attention à l'aller, hier, en arrivant, de vérifier qu'il était bien ouvert. Il y a des saisons sans saisons et on est à fleur de mois et les surprises elles arrivent, ça fait une vie et des détours bien longs. Je ne suis pas retourner pour le couteau pour le petit et le bijou pour ma femme. On passe devant. Aucun regret à avoir. Ce sont des choses qui viennent comme ça. C'est toujours évident un cadeau. Si on commence à réfléchir, c'est que c'est pas lui. Je regrette quand même de ne pas avoir pris un caillou près du lac, pour la collection...


Utility Road qui s'enfile vers le haut, on approche de l'entrée. Je m'amuse à faire peur à ma mère, "et si le col est fermé?". Mais ça ne marche pas, je lui avais dit hier qu'il était ouvert. J'avais oublié. Mais s'il avait été fermé ça aurait pu nous faire l'aventure. Comme dans tous les poncifs vrais, ceux qui disent que le voyage, c'est le voyage, le but de la route, la route et que tous les plans, tous les objectifs, tous les arrêts prévus, programmés, réservés ne sont, en fait, que des pourquoi pas, des en-passant, des assurances pour des si-jamais, de simples petits points qui meuvent ou le peuvent, des petites choses éventuelles et qu'il n'y a ni contrainte, ni interdit, ni attente, ni déception, ni de réalité autre que la terriblement plate et lisse réalité de la route et des cols éventuellement fermés. Il n'y a pas d'avions pour l'aéroport, la route qui y mène est presque cachée. Le bitume est beau. J'ai dormi sur des beaux bitumes dans des nuits de stop. Il tremble doucement. On dort en vibrant la route. On dort bien. La route est autant pour la route que l'art n'est jamais pour l'art. Un x pour un x n'est pas un y pour un y. Mais c'est vrai qu'on aurait été bien déçu si le col avait été fermé.


Paysage d'un retour de route. On change de perspective et voir, un temps, ce que hier notre dos voyait et là, pour notre dos, l'arrivée de hier. J'ai fait autant de kilomètres que de litres d'errance, en concentré entre les murs des banlieues larguées des villes et j'ai toujours détesté revenir sur mes pas. Longtemps même, je me l'étais interdit; Ne jamais revenir sur ses pas, ne jamais remonter la rue qu'on avait descendue. Si on hésite, si on se demande si c'est une bonne idée, si c'est fermé ou moche, bloqué ou ennuyeux, si ça semble mener nulle part, alors on bifurque, on continue, on tend à gauche ou à droite, on prend un perpendiculaire et s'il faut remonter, on passe par les parallèles, mais on ne revient jamais, jamais, jamais en arrière. Un géographie physique d'une géographie de l'éthique. On ne revient pas en arrière. Même quand on vit dans le passé, qu'on vit ailleurs, là-bas, on ne revient pas sur ses pas, on ne revient pas sur ses gestes, ni sur ses actes, on ne revient pas sur ses mots et chaque rue prise, chaque route empruntée comme métaphore d'une seconde accomplie et assumée, la seconde d'un présent toujours passé pour un futur comme une somme de présent. Revenir sur ses pas dans une rue de Mala Strana, sur l'avenue qui mène à la gare de Beograd, revenir sur ses pas sur la route du lac entre Nyon et Rolle à 3h du matin, c'était accepter le regret comme un possible de vie, une éventualité à supporter et devant laquelle plier, le regret et le remord même et que si les perspectives devaient ou doivent changer, elles ne le peuvent jamais à 180°.






















































































Haïku de route-94/ Paint it Black
















Voilà. Lloyd et Jeddie nous invite à manger chez eux, si on le temps, à Santa Rosa, au nord de San Fransisco. J'ai fini mes oeufs. On boit le café. Ma mère a l'air de bien les apprécier. Il n'y a pas que chez soi qu'on est seul, seul dans le train quotidien, le métro quotidien, l'appartement et le palier d'un autre appartement, d'étages seuls en étages seuls, seul à se parler seul en passant les profiles de gens aussi seuls que nous. Ce n'est qu'un effort parfois et encore, en tombant le bon jour qui réduit la distance qu'augmente la densité de population. L'autre des villes, à force de tellement nous ressembler en devient tellement insipide, tellement banal, tellement normal qu'il n'y a plus que facebook, instagram, twitter et le reste des moments du faux pour le rendre excitant. Lloyd et Jeddie ne sont pas excitants. Ils ont passé la porte que je tenais et nous nous sommes proposés, alors qu'il y avait deux tables de libre, alors qu'il était parfaitement possible d'être parfaitement normal et de manger, comme vivre, séparé. Non, Lloyd et Jeddie ne sont pas excitants. Ou alors ils le sont pour ce truc anormal où, assis autour de la même table, on échange des mots et une adresse, même si on sait que nous n'irons pas, qu'ils savent que nous ne viendront pas. J'écoute un temps qui aurait dû être mon temps, un temps qui était celui de ma mère et avec des noms qui eux, n'ont pas de temps.


Je m'abstiens de fumer. Je me tiens bien. Je me tiens comme je voyais mon père se tenir et ma mère et leurs amis et les réunions d'amis de mes parents et la famille de ma mère et les réunions de famille de ma mère et le maintient, un peu précieux, juste bien. Un artificiel devenu naturel, un artificiel fait pour un réel que j'ai vécu, en m'ennuyant et en observant, un artificiel devenu réel, une éducation. Le réel que nous vivons là est comme un réel échappé du réel d'aujourd'hui. Ce réel du même, le réel urbain du même, ces gens qui sont moi, vaquant dans des gares identiques, des aéroports identiques, dans des rues marchandes identiques pour des magasins identiques. Tout un monde identique; cette photocopieuse de la réalité où l'original est la copie et qui m'emmerde à te voir toi comme un je avec des trucs qui devraient me faire du bien. Facebook, instagram, twitter, tout le virtuel, ne sont pas nés de la technologie mais de l'ennui désespéré des villes du désir sans fin. Lloyd et Jeddie, juste après que nous sommes allés au comptoire, rallonger nos cafés, nous ont invité chez eux, à Santa Rosa, au nord de San Fransisco, pour manger et boire des vins de la Mapa Valley. C'est comme d'habitude, le voyage, l'ailleurs, n'importe lequel, le mouvement réalisé et non subi qui nous redonnent du goût et nous créent un intérêt, ne serait-ce que temporairement, un petit intérêt provisoire, mais suffisant pour ne pas devenir totalement insensible.


J'ai vu des groupes bien sûr, sur scène, même des bons. Neubauten, John Cale, Israel Vibration, Grant Lee Buffalo, même les Stones avec Poil à Zürich et plein de beuh. Mais comme le bus était passé depuis longtemps, je me suis beaucoup branlé au regret, beaucoup excité sur des noms, des sons que je ne verrais pas. Et pendant ce temps j'ai raté à peu près tout ce qui pouvait, devait, était bon d'aujourd'hui, rêvant fort d'un avant comme d'un ailleurs et d'un inatteignable tellement confortable tout en gueulant bien lourd "ICI" et "MAINTENANT" mais vivant là-bas et avant comme un connard de religieux à rebour. Et maintenant que je vis maintenant, dans les villes de l'ennui et du désir, j'aimerais être puissant, j'aimerais le tout qu'on me propose, puissant comme j'aurais pu l'être, puissant comme un adolescent et puissant maintenant et tout de suite et sans effort, surtout sans effort, mais c'est encore un autre ailleurs, un autre là-bas, un autre inatteignable bien confortable, un autre impossible que je me mets dans le lards pour ne rien faire. Merde... Moi qui pensait que le lac et l'air et la lumière m'avait un peu calmé... Lloyd a vu les Doors sur scène par exemple, quand il n'était pas connu, à la Highschool. Dans ses yeux, c'était déjà bien. Moi je vois le monde en entier comme un miroir où je ne suis jamais là.












































11.19.2015

La poésie est un langage clair/ Special for NSA































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Stalk my Daesh, my Djihad
Stalk my Words
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WhereAmIWhereAmI
and So here








So here















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BombingBombay
On BomNaMaShiva
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Stalk my Daesh, my Djihad
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Haïku de route-93/ Patience

















J'ai jamais de patience quand j'ai faim. J'ai rarement de patience quand j'ai envie de quelque chose. J'ai souvent l'impression que si et je m'énerve pour rien et je ne sais pas pourquoi je m'énerve, je me demande pourquoi je m'énerve et je n'arrive pas à voir que c'est parce que j'ai envie de quelque chose et que je n'y arrive pas ou qu'elle ne vient pas ou qu'elle ne peut pas venir ou que je ne sais pas comment la faire venir. J'ai encore moins de patience quand je suis prêt mais que pour y aller il faut que quelqu'un soit prêt aussi. Je ne dis pas que ma mère chichite, on dirait même au contraire, mais ce ne sont pas des questions de minutes, ce sont des questions de là, des questions de tout de suite. Le féminin de ma mère est léger. Il est là, elle le marque, mais assez vite, elle le marque doucement, assez rapidement, mais pas assez rapidement là, maintenant, quand j'ai faim, quand ma valise est faite, quand il n'y a pas de raison de ne pas aller manger. Elle a ses boucles d'oreilles et un maquillage que l'on remarque à peine mais qui est là et que l'on remarque si on la regarde. Et des trucs que les filles font. Des trucs que les femmes font sans qu'on comprenne bien quoi et pourquoi mais qui doivent avoir un début et qui doivent avoir une fin. J'entre dans la chambre. Elle est encore nue. Je vais dans la mienne, je ressors l'ipad de la valise et je retourne m'asseoir dehors devant les fleurs et je fume sur internet. Je regarde la route, les haltes de la route, les villes de la route, les éventualités pour les nuits de la route. Je passe les pages pour passer le temps.


"Alors voilà... Je suis prête" avec le sourire plein, légèrement penchée vers l'avant et avec l'accent de chez moi. On laisse les affaires dans la chambre. Elle n'a pas fini. Et le café d'abord dans le soleil plein. On fera le check-out après. On monte les marches. La terrasse est vide, les tables libres, deux et le soleil sur les plates-bandes. Le vieux couple est assis à l'intérieur comme si tout allait bien, dans les fauteuils, enfoncé. Je leur souris. On regarde la carte du bar. Je veux du lourd, bien entendu, ma mère, des céréales et des toasts bien entendu. Je ne me rappellerai plus exactement ce que j'ai pris. Il devrait y avoir des oeufs et un bain de fromage et de la viande sous une forme ou sous une autre. On commande et on attend avec un couple au comptoire. La fille d'hier n'est pas là. Des gars. Jeunes où tout roule. On sert le couple à peu près en même temps que nous. On sort ensemble en tout cas, je tiens la porte. Ils nous entendent parler en français; Alors on lie les mains pleines et on se partage sur une table dehors. Les Hollandais dans la bière de la piscine de nuit à Barstow nous ont arrêté là, alors qui sait? Il n'y a pas de croisées innoncentes et il y a tant de journées où l'on court à tenter d'aggriper un oeil ou une voix, où la bouche pâte à trouver les mots pour entamer et où tout se rate et se castre et se timide, bloqué et tous les jours où les portes s'ouvrent mais où on dort sur le seuil et c'est nous qui n'entamons rien et peignons des murs à l'eau clair. Et il y a le rare où tout coïncide et rien ne se choisit, mais ça suit et se fait et on se retrouve à manger des oeufs dans un bain de fromage en face d'un couple, la soixantaine dans une boucle de Frisco à Frisco.


J'ai raté le décollage, gamin, ado, j'aipas pris le bus, l'histoire était derrière, mon père était vieux, plus vieux que les autres pères, bien plus vieux et je ne voyais pas vraiment l'intérêt de la faire cette histoire, encore moins d'y être plus que ce que je devais. Je n'avais rien à faire dans ce bus qui venait de passer, ni dans le suivant, ni dans le suivant, ni dans le suivant, avec leurs musiques et leurs images, avec leurs mots et leurs codes. Je n'ai pas pris le bus, je l'ai laissé filer et je voulais un peu de mon père un peu vieux et de ma mère, moins vieilles mais d'avant. Ma grand-mère, la dernière des grand, le monde d'avant. Mon monde, celui d'avant. J'ai rebroussé la route. J'ai mis ma tête plus loin dans cette route-là. Le futur? A quoi bon? Je laissais mes cheveux à la longue et filasses et je me laissais appeler par des plus petit, "spaghetti", je signais mes tests "raspoutine et j'adorais les années soixantes, la fraction armée rouge et je rêvais de fumer mon premier joint. J'étais violent. J'étais doux. J'étais peureux. J'étais timide. J'avais la violence des timides, la violence des doux. On parle la bouche à demi-pleine, la bouche dans les oeufs et le café. Ma mère raconte son Boston, le semestre MIT, la première salve au front de la méthode Piaget. Lloyd et moi parlons littérature, le carnet que je traîne et les mots, les mots ados que j'ai pris à mon compte, qui m'ont été, ces mots américains, mes sentiments élégiaques vaudois, la route et tous les garçons sauvages.
















 















 

11.18.2015

Haïku de route-92/ Keep going






















La vie se relève et elle a bien dormi. Elle a versé le reste de Lite dans les fleurs et les mégots dans les canettes et les canettes dans un sac en plastique dans la poubelle de ma chambre. Elle est entrée doucement et a longé le lit de ma mère qui dort et le livre sur la table de nuit fermé et pas écorné. Elle est entrée dans l'autre chambre en fermant encore la porte doucement et elle est allée se laver les dents et les vêtements sur la tringle qui ne sont pas encore tout à fait sec. Elle s'est déshabillée et est restée torse nu. Elle a défait les draps. Elle est partie très vite et maintenant, elle est là. Il est 5h30. Je garde les yeux fermés pour garder les rêves. Je reste dans la chambre noire jusqu'à 6h15 à reprendre les images, à les remettre, à les développer et à les replacer dans le fil, les yeux toujours fermés pour ne rien perdre et surtout éviter de les transporter avec moi, les yeux ouverts dans la journée. Je suis toujours décalé. Aujourd'hui, on passe un col. Je suis encore collé et brumeux, je rabats les draps, mais je suis bien. Assis sur le lit, un temps, je sens que je suis bien. Je vais à la douche. Les vêtements sont secs. Je les enlève de la tringle et les jette sur le lit et je reste sous le chaud, dans la nuque, longtemps, avant de finir au froid et au fouet.


Ma mère émerge. J'entends les draps derrière la porte et la porte de sa salle de bain qui s'ouvre et reste ouverte. Je m'essuie le corps. Les linges sont propres. J'enfile un des caleçon que j'ai lavés dans la douche de Barstow. On a toujours cette impression d'être si bas, on comprend pas les mètres, les pieds inscrits sur la carte. On n'y croit pas. Je mets mon pantalon beige en toile légère qui laisse les mollets nus et une chemise clair. Je range déjà mes vêtements, je les plie et les pose dans ma valise et le livre qui est resté fermé. Je débranche le chargeur de l'ipad, je le range dans la valise, je range l'ipad dans la valise et j'ouvre ma porte. J'entends sa douche. Je sais qu'elle voudra un café. Je sais qu'elle a besoin de son café du matin. C'est l'acte du réveil, comme moi ou moi comme elle. On en prend un grand. J'ai toujours ce mouvement qu'elle a, elle aussi, même vaseux, pas encore là mais en automate. Elle, elle nettoie la cafetière italienne le soir et sépare les éléments et ils sont prêts pour le matin, à remplir d'eau et de café et à assembler. Moi je laisse tout. Et le matin, je démonte, je vide le reste, je rince et remplit et remonte la machine. C'est notre mantra. Je sors vers les fleurs et j'allume une camel en faisant trois pas sur le parking. Une porte s'ouvreplus loin, au bout. Le vieux couple sort. On se salue de loin. Ils ont l'air réveillé, déjà, parfaitement. Je m'étire. Je regarde vers la pente. La nuit a plié et c'est maintenant le jour qui se déplie et le ciel qui sera bleu et qui prend là-haut comme le soleil prend le jour et ce sera alors une belle journée.


Mes muscles ne suivent rien. Je n'ai pas encore fait une seule série de pompes, pas une seule série d'abdos, que des étirements comme un chat crevé. Je ne me suis pas arrêté pour respirer, je veux dire, pour respirer vraiment, pour se sentir respirer, réaliser quand ça vient et quand ça part, comment ça descend et comment ça remonte. Je ne crois pas que ma mère fasse ses exercices non plus. Je sors tôt, faire trois pas, fumer, voir les mails ou marcher comme à Inglewood. Mais je n'ai pas l'impression qu'elle les fasse alors que, quand je vais la voir en Suisse, après son café, elle bouge et s'étire pour tenir le corps. Je crois que ni elle ni moi ne cherchons à tenir notre corps ici ou peut-être simplement que l'on n'y pense pas, que l'on a trop d'autres choses à penser, que le temps là est trop court et qu'il est alors trop précieux pour en accorder à notre corps. Je me masse la nuque. Elle tend un peu. J'ai dû dormir un peu cassé. Le rêve remonte. Les gens sont trop nettes. Je rallume une cigarette, ma valise est faîte et j'ai sacrément faim. J'ai toujours été une crevette. Avec mes cheveux longs, fins et filasses à mes 14 ans on m'a appelé "spaghetti". J'ai toujours été un sac d'os endurant, une peau collée aux os, les côtes saillantes. Comme la fin du monde n'est pas loin, je me suis mis, il y a quelques mois à me soulever, à sautiller, à me sentir souffler. Je me suis dit un jour qu'il y aurait bien un moment où il faudra avoir un corps. C'est si beau de commencer, si héroïque, commencer c'est toujours un statut facebook. C'est continuer qui n'intéresse personne. Continuer qui achève toujours. Continuer. Mais pas aujourd'hui. Là, j'ai faim.



































11.14.2015

Paris, France, ici et là/ la poésie est un langage clair





Quitter les bureaux et les usines
Et les fils de conversations
Quitter les commentaires et mettre de la pine
Et des mots, même juste un son

S'ennuyer et plus rien voir
Et devant rien comme derrière
Banlieue de merde et banlieue bourgeoise
Le même ennui, les mêmes verrières

Dire et dire et dire et dire
La moral, les valeurs
Et voir et voir et voir et voir
On fait ce qu'on veut à la bonne heure

Mais moi je veux du monde
Et moi je veux jouir
Et m'asseoir même dans l'immonde
Avec des copains et puis rire

Quitter l'usine et les bureaux
Et dans le train parler un peu
Parler en vrai ou avec un couteau
Putain de merde on n'est pas des bœufs

Dis-moi quoi dire ou la frontière
Le premier post et qui m'attend
Et me répondrait, pour aimer
Y croire un peu, un instant

La Syrie? Pourquoi pas?
Une autre Espagne, un peu d'idée
Et j'erre... Enfin je sais pas
A tout prendre et bouche béé


Quitter l'usine, quitter les bureaux
Ou se faire virer ou juste rien
Ou juste rien, un peu de faux
Mais juste un peu même dans le rien



























11.13.2015

Haïku de route-91/ HERE



















Les gens déjà semble dormir. Peut-être que l'on boit enfin au Bodie Mike's. Peut-être qu'il y a des filles. Les places sont prises, en face. Les voitures coupent la vue sur la cour. Je n'y pense même pas. Je parle des filles. Je n'arrive même pas à y penser. J'ai la libido froide. C'est pas humain. Enfin... Ce n'est pas mâle. La queue c'est la vie. La queue qui pense mène la vie. Là, elle n'est nulle part. Juste tassée, prête à pisser la première Lite que je termine. Les chambres, le long, sont silencieuses. On a fini depuis un moment avec ma femme. Le petit est avec elle. On se manque et on se l'écrit. Une voiture passe. Juste une. Il paraît qu'il y a une école ici. Enfin... C'est normal. Il doit y en avoir une. plus loin sur la rue, avant qu'elle devienne une route, je crois. Est-ce que les gosses ne devraient pas être rentré? Peut-être demain, Je ne sais pas combien les morts à la guerre ont fait de jours fériés. On est lundi? Dimanche? On doit bien être dimanche. Le petit était à la maison. Il est à la maison. Nom d'un vide, je suis un peu largué. Nous, on a vécu comme un dimanche. L'air sent. Plus encore là, dans la nuit, même s'il n'y a pas tant de voitures que ça. J'allume une cigarette. Je respire l'air et la nuit. Je ferme l'I-pad. Il faudra pas que j'oublie de le mettre à charger. Michel nous a donné un adaptateur pour les USA qu'il avait acheté dans les années 80. Quand est-ce qu'on a commencé à fabriquer des choses qui ne duraient vraiment pas?


La nuit est noir et silencieuse, je suis seul et j'ai des dollars dans la poche dans un trou tiède entre le désert et la montagne, au bord d'un lac mort. Demain nous sommes loin. Je pourrais tout faire. Tout. Je pourrais faire n'importe quoi. Je pourrais remonter la rue comme ma femme adolescente à Charleroi. et la redescendre. Et la remonter. Je pourrais traquer au Bodie Mike's de la jeunesse ou de la mère. Je pourrais m'engouffrer dans la Lee Vinning Creek Trail, descendre vers le lac et me perdre et glisser un peu. C'est long la nuit, les villes, les bleds sans soleil, les délires des Gomorrhes ou les jardins de Gethsémani et l'ennui tout simple à avaler comme une golée d'air et à expirer comme un peu de vie en moins. J'ai passé deux niveaux à Candy sans utiliser ni de main ni de sucette. On publie toujours des chats sur facebook. mon livre est resté sur le chevet. J'ai prêté l'autre à ma mère qui dort là, sûrement. La porte est fermée. La nuit est ouverte et je n'en veux pas. Le frais vient. J'allume une cigarette. Je sais que je ne finirai pas la deuxième Lite. Il y a des moments où les yeux ne savent plus regarder mais n'arrivent pas à se fermer. Il faudrait alors être aveugle pour y voir un peu, encore un peu.


La bière, elle tire sur mes pommettes, elle les tire vers le haut, tombe sur mon front et me plisse les yeux. Le temps est autant de secondes après les autres que des heures qui passent sans rien nous dire. Alors on sent le poids des secondes comme des jours qui passent et les heures devant la Ford et les fleurs s'effacent comme si on venait de s'asseoir. Inspiration, expiration, répétition et le clic du briquet. On reprend. Et on reprend. Les constellations se déplacent mais lentement. Je regarde rien avec assiduité. je vis un apaisé compulsif. J'étire le temps, immobile, mes nerfs immobiles, mes os immobiles et même si je cligne des yeux et que ma bouche aspire la fumée et que ma main monte encore vers ma bouche, c'est comme si je dormais plus fort et plus vrai que si je dormais vraiment. Le sol est dans mes pieds et mes pieds sont un autre sol. Il y a chaque jour la nuit et chaque jour des heures qui passent et des mois qui passent et des saisons qui passent et moi je n'arrive tout simplement pas à passer les jours comme eux ils passent et les mois comme eux ils passent et les saisons comme elles elles passent. Sauf de rares moments, comme là où je suis une partie de la nuit et mes pieds qui sont une partie du sol et ma bouche qui est une partie de l'air. Ces moments où je suis un moment d'ici, hors du monde qui met des néons dans la nuit et dans les jours, des gens dans des voitures sur les routes. En buvant et en fumant j'ai cherché et je cherche à être ailleurs, alors que le seul ailleurs, c'est ici.











































11.12.2015

Haïku de route-90/ An hungry man is an angry man






















Bon. On ne vas pas s'énerver. Je n'ai pas faim, je n'ai pas faim. Il n'y a pas mort d'homme, ça passe souvent, ça se passe souvent, c'est presque régulier et ça me prend parfois des journées entières, parfois des journées entières sans même y penser, en oublient complétement mon ventre ou plutôt, lui m'oubliant totalement. Parfois c'est parce que je n'ai pas le temps, parce qu'aux heures à manger, je suis pris, je bosse, je suis entre un truc et un autre ou parce que je pense à autre chose. Parfois, j'y pense mais sans avoir envie, sans que quelque chose en particulier me fasse envie, parfois je n'ai juste pas envie de cuisiner, de prendre  le temps de cuisiner et je n'ai pas envie de manger un truc surgelé au micro-onde ou du pain avec un truc et je préfère ne rien manger que manger un truc comme ça. Parfois je n'ai juste pas envie de m'arrêter quelque part ou juste pas envie de dépenser de l'argent pour manger  comme si 4€ de bouffe était plus chère que 4€ de bière et parfois je préfère juste remplacer l'un par l'autre. Il faut bien dire que parfois boire vaut bien mieux que manger et qu'être au restaurant seul vaut moins qu'être au bar seul et que le bar seul nourrit différemment que le restaurant seul et comme c'est la tête qui tient tout et que la booze tient la tête qui tient tout, on délaisse le ventre qui ne retient rien et que ce que chie la tête est toujours plus dense que ce que chie le ventre.


Dès fois je pense que ma mère me prend pour un tonneau sans fond. Elle me voit quand je viens à la maison, quand je venais à la maison, quand j'ai vécu à la maison quand papa se pissait dessus et qu'elle tenait le lit à rien voir de bon ni devant, ni autour et que j'étais entre le squat et l'hôtel chez emma Pittier, quand j'étais juste de passage, de retour de Berlin ou du Caire ou de Prague ou les week-end quand je vivais au 10 bis, dans les intervalles et les zones qui avaient perdu tout le tiède qu'elles pouvaient donner. Elle me voyait; elle me savait. Je bouffais comme quatre, à chaque repas, me bouffant la panse sans prendre un gramme, un tonneau sans fin de nourriture et un tonneau sans fond parce que le repas s'accompagne de vin et qu'avant le repas, il y a toujours le rythme de la vigne même quand on est pas dans la vigne, mais dans les études et qu'il y a l'apéro et qu'après le repas c'est la goutte et ainsi pour chaque repas et ensuite, pendant le soir et pour la nuit, le plus loin possible et comme ça le lendemain, recommencer sans différence particulière entre lundi et samedi. Et quel est le problème tant qu'on se lève, tant qu'on peut se lever et aller là où on doit aller et faire ce qu'on a à faire et le faire bien? Et quel est le problème quand on ne crie sur personne, qu'on ne se bat pas dans la rue et qu'on ne frappe pas ceux qu'on aime mais juste nous, tout seul, de temps en temps.


Quand mon père était au lit, entre un repas et un autre et ma mère au lit entre rien et rien et que l'infirmière n'était pas encore là et que tout était fait, je m'asseyais dans le fauteuil qui se basculait sur des crans, dans le sombre et je regardais les jeux olympiques d'hiver et j'empilais les canettes de Kaiser vides au pied du fauteuil et je laissais passer le curling puis le biathlon et le hockey et les autres sports. Parfois je jouais à Gran Tourismo en fumant de l'herbe pour passer la pensée et le remugle. Alors on ne va pas s'énerver. Même si en voyage j'ai tout le temps faim. Normalement. Mais là, non. La station Shell raconte ses néons et la fatigue me plie comme la nuit dépliée a plié le jour. Je retraverse la route. C'est le noir maintenant. J'ai les yeux qui tiennent encore et deux Lite dans un sac en plastique. La Belgique est dans le jour. Je n'irai ni au Nicely's ni au Bodie Mike's. Je regarde si mes vêtements sêchent sur la tringle de douche. Je regarde dans la salle de bain de ma mère. elle se prépare dans le néon du lavabo. Elle est en pyjama, se regarde dans la glace. Elle a déposé ses boucles d'oreille sur le rebord de l'évier. Je prends les bières et l'i-pad et je ressors en fermant la porte. Je m'assieds sur le banc devant notre chambre, en face des fleurs et de la Ford. Sur la droite la noirceur de la montagne, plus noir que la nuit du ciel. Un bon Candy Crush et je sirote en fumant, avec ma femme sur facebook.





































Haïku de route-89/ VACANCY

















Le soir vient et je l'ai laissé venir. Autant le jour se plie que la nuit, elle, se déplie et qu'entre les deux les règnes s'échangent et que c'est en lumière qu'elles s'échangent quand la nuit est déjà sur le sol et au fond, sur l'autre rive et en bas, dans le bush et dans les arbres qui dépassent la crète et les touffes des buissons qui surnagent sur l'écran du lac et se découpent tous en noir dans le ciel encore bleu. Je suis sorti après avoir essayé de replier la carte d'oncle Jo. Je n'ai jamais su replier les cartes correctement, jamais été capable de retrouver le nom de dieu de bon ordre des plis et le début, si on doit commencer vers la droite ou vers la gauche ou par le bas vers le haut ou l'inverse, en accordéon et dans quel sens? Ma mère est sortie fumer une cigarette devant, pendant que je m'échigne sur cet saloperie de carte qui troue déjà un peu et que de toute manière je devrai redeplier demain alors parfois on se dit "mais merde et à quoi bon?". Je lui ai raconté les magasins dont elle se fout et les deux restaurants dont elle se fout tout pareil. Elle n'a pas faim. Le jour est déjà dedans en Belgique et le petit l'aura encore long à faire ce qu'il veut avant que la semaine ne reprenne. Je ne sais pas s'il est chez son père ou chez sa mère ni s'il faut beau ou pas ni si je lui manque et combien et comment. C'est en pensant à tout ça que je suis sorti alors que la lumière en haut et ici, en bas se pliait doucement.


L'homme n'a pas tellement de patience. Ils allument ses néons alors que le jour suffit encore. Le VACANCY du El Mono, le MO du Lee Vinning sans le TEL, SHELL en orange et nous, tout en rose. J'ai traversé la route. Ma mère n'a pas voulu m'accompagner. Je crois que le désert l'a bien trop prise et oncle Jo aussi. Le désert dans le corps et Jo dans le reste. Dans la famille, on ne dit rien ou alors tout, mais en peu qui est, certes, déjà quelque chose mais jamais assez et toujours déjà trop, parce que lorsqu'on dit peu et puis qu'on ne dit plus rien, il reste un reste, dans la tête et les nerfs et le ventre et dans les migraines et les aigreurs et les rougeurs sur la peau. Il reste un reste qui traîne et râcle et pousse à faire quelque chose, mais n'importe quoi, quelque chose d'autre, de toutes manières autre puisqu'on ne sait pas ce que c'est et cet autre, ce sont souvent des belles conneries que l'on fait. Et ces conneries n'ont pas de mots. Elles ont bien une musique, un truc qui rôde, un truc en notes parce que les notes n'ont pas de mots et qu'elles parlent aux nerfs et au ventre, qu'elles parlent aux ulcères et aux rougeurs sur les peaux. Je n'aurais pas dû arrêter le piano parce que le solfège me faisait chier. Mes parents auraient dû me forcer, m'obliger. On aurait pu parler avec ma mère, probablement beaucoup mieux. Elle qui joue si joliment.


Dans les peu de mots on se dit par exemple "ça l'a touché" et on dit "on a bien fait" et on dit "quelle chaleur" et on répète plusieurs fois "ça va, ça va" et on s'arrête par là; en général, on s'arrête par là. Et après, il y a le temps et le paysage qui fait comme un même qui s'étend lentement et on a beau chercher et chercher encore, se tirer les yeux sur le monde qui défile, on ne trouve rien et c'est donc à la tête de s'occuper comme elle peut et au corps de se répandre, mais d'en-dedans seulement, parce qu'enfermé dans la Ford, les jambes, à part se les croiser et se les décroiser, elles ne peuvent pas aller très très loin. Je suis sorti avec les néons qui s'allument. Il y a une famille de femmes devant la station Shell qui regarde comme moi le jour plié et la nuit se déplié. En bas, ça descend vers les buissons. On devine dans le dense, le Lee Vinning Creek Trail et juste dessous nous, du merdiers rouillé. Le lac fait comme une nappe de glace et du pétrole coule sur les montagnes à l'est. Le vert qui se répandait vers les berges a pris du charbon et les crètes qui se collent encore au soleil sont toutes humides et bleues comme les yeux de mon père. Le ciel va du rose d'un premier verre de vin blanc à la couperose des décennies de picole. Puis le sombre.


































11.06.2015

Haïku de route-88/ In the Meantime
























C'est toujours le jour et la nuit et sortir d'un cinéma à 13h en août, c'est toujours alors ainsi avec la lumière d'ainsi et ce n'est ni la bière ni le film qui montent cette impression c'est toujours juste la lumière qui sublime ou salope la vie. Les films en noir et blanc ne sont pas des films en noir et blanc, ce sont des films en nuance de gris, en descente de blanc et en montée de noir comme quand on sort d'un bar sombre et qu'il fait encore jour, même si le jour se plie ou qu'on sort d'un cinéma à 13h ou qu'on se saôule la gueule un lundi vers 8h du matin au buffet de la gare. Je sors du Bodie Mike's lent mais sans ivresse, même pas gris, je sors sans nuance et quelques tables vides sur la terrasse du Nicely's. Je sors d'un bar sans chair parce qu'il n'a jamais su prendre quelque chose qui tiennent à ce bled, un bar sans aïgu et sans ambiguïté, un bar pire que tempéré, un bar qui ne peut offrir rien d'autre qu'un match des world series sans passion. Je rentre au Motel. Ce n'est même pas une ville à mourir, une ville où l'on viendrait mourir. Je suis même persuadé que c'est impossible de mourir ici ou alors qu'on y meurt tiède comme on y vit tiède. Mais c'est la ville idéal pour faire la sieste et pour que ma mère y fasse sa sieste et pour les oiseaux qui viennent s'y reproduire en avalant un max de crevettes.



Je croyais le temps lent mais le temps passe. Mon ventre est tiède. Je n'ai pas faim. Alors que ça devrait venir, que ça devrait même être déjà là. Mais non. Ma mère est toute bien. Ca me fait plaisir. Le lit confortable et la tranquilité. Elle est debout ou réveillée depuis un moment déjà. Elle a bouquiné, fumé une cigarette dehors devant les fleurs et la Ford. La chambre est minuscule. On ne tire aucun plan pour la soirée. C'est une journée à ne pas vraiment vivre, une journée dans l'intervalle entre la Vallée de la Mort et la montagne, le sable et la neige, ici, dans l'entre-deux du sel liquide. J'ai toujours envie de plus, j'ai toujours peur de rater, peur de rater de la vie, coupable de dormir. Elle, ma mère, elle s'en fout, les choses passent comme elles devraient passer et pour être demain il faut bien être aujourd'hui et y être plus ou moins bien et y faire la sieste et y prendre le café le matin et regarder les nouvelles le soir. Ce qui se dure est ce qui se respire et se souffle et s'attend si possible dans des lits confortables.


On regarde sur l'I-pad assis sur le lit, le col de demain et on déplie sur le lit les cartes d'Oncle Joe. On imagine des points et la vastitude du Yosemite. On laisse la porte ouverte pour l'air. On regarde dans des livres qui disent ce qui est beau et ce qui vaut la peine et on y décompte les ratable et les inratable et les distances et les détours entre les inratables et je fais avec un bout de papier une règle pour mettre les cm d'échelle en kilomètre à conduire pour ma mère. Mais je tournicote dans les lacets du col et des routes de la carte. J'estime. On discute. On se dit. Je lis à haute voix les mots des livres qui disent le beau et je dis "si tu peux" et je dis "si tu le sens" et encore "ce serait pas mal là, si c'est pas de trop" et que "moi, comme je conduis pas, alors un peu ce que tu veux". Je mets des "mais" quand même, des trucs qui ont l'air vraiment très bien et des plans a et des plans b, des éventualités. Rien n'est vraiment long mais tout est col, lacet, montées et descentes et virages et boucles. Mêem si ma mère connaît Finhaut et la Forclaz qui sont des routes qui n'endorment pas, qui font conduire et presque aimer conduire, il faut qu'elle conduise et que tout sera bien trop et qu'il faudra couper dans le tout. Et il va falloir prévoir la nuit. Dans le parc, c'est du délire et quasi plein partout. Je regarde les portes de sorties et les proches dans les portes de sortie. Puis on se dit qu'on décidera demain matin.































Haïku de route-87/ Solitude at Bodie Mike's

















Ce bled me fout dans l'entre-deux. Je suis flottant. Je n'arrive pas à faire la sieste, je suis à la fois tendu et amorphe. Je n'arrive pas à savoir si je perds mon temps ou si je le gagne ou si j'y récupère quelque chose ou si je devrais y rajouter quelque chose pour le garder et en faire une suite de seconde réussie. Dans les bars, il y a deux solitudes qui se déclinent chacune et qui se font même parfois des manières pour se rencontrer. Il y en à deux parce qu'il y a deux manière de s'asseoir qui sont deux hauteurs et deux perspectives. Il y a l'assise dans la salle à boire et les tables de l'assise avec leurs situations et le fait de bien savoir à quoi et à qui on va tourner le dos et comment on va faire face et aussi par où la lumière doit venir et ce que l'on veut éclairer de nous et ce que l'on veut laisser dans l'ombre et ce qui doit vivre et bouger dans la pénombre. L'assise assume. Elle se montre en se coinçant les jambes sous la table et ainsi on se décide à rester, de se poser vraiment en s'entravant et ainsi, pour un temps. Les yeux sont comme les yeux de ceux qui sont commme nous et alors, dans nos îlots séparés, on est tous égaux et que lorsque on se regarde, les rapports de force ne viennent pas de là.


Au bar, par contre, assis sur les tabourets ou accolé, debout avec un pied puis l'autre appuyé sur la barre en bas, le long, quand il y en à une, on peut évidemment y rester des heures et même parfois plus longtemps que ceux des îlots, posés, les jambes calées et coincées sous les tables. Mais on y est transitoire, on y est précaire, on y est sans vouloir y être ou on fait comme si et on toujours prêt à ne plus y être, on y est toujours éventuellement et comme féré, mais pas dans les filets de l'assise avec les mailles de jambes sous la table, non, féré mais avec toujours la possibilité, d'un coup sec, par un mouvement brusque de se désharnacher de l'hameçon. Au bar, au centre, assis ou accolé face aux pompes, on s'y installe parce que celui ou celle qui va-et-vient y revient toujours et que de chaque côté on a laissé bien d'air pour, on ne sait jamais et que cette solitude-là est un fade mensonge qui ne sait pas se digérer. Au bout, à chaque bout, c'est souvent dans le sombre et il faut souvent lever la main parce qu'on y est vite oublié comme on a décidé de l'être. Ce sont dans les bouts que se font les amants et les conspirations. Et de là, du bar, assis sur les tabourets ou accolé dans le précaire, on tombe sur le monde des assis tout en leur tournant le dos. Le bar, c'est l'arrêt plus ou moins long des nomades, l'assise, la pause des sédentaires.


Ca boit peu ou ce n'est pas l'heure. La salle au fond a des angles que je ne vois pas. Je ne me rappellerai pas la musique, ni des écrans, ce qui leur passe. Je m'assieds au bar, à deux tabourets à gauche des pompes. Il n'y a personne derrière le bar. J'attends un peu. Un homme, jeune, grand, mais moins que moi, surgit d'une autre salle, par un couloir, dans mon dos. La musique recouvre le brouhaha de la terrasse, bien qu'elle ne soit pas bien loin; tout ce bruit pour moi. Je crois que je prends une bière locale, une grande. Il est tout à fait possible de rester des heures sur un tabouret sans dossier, dans un bar sans personne, sans vraiment rien écouter ni vraiment rien regarder et même sans serveuse dont il faut toujours tomber amoureux, sans boire vite, sans vraiment penser ni vraiment réfléchir, sans vraiment construire quoi que ce soit de pensé ou de réfléchi et même sans rêver vraiment à des choses dont on voudrait pourtant vraiment rêver. Il n'y a personne au bar. La barmaid est un barman qui ne reste pas. La musique est merdique, les écrans qui attirent toujours l'oeil passe des choses qui ne resteront jamais dans cet oeil ni dans l'autre, il n'y a pas d'ours empaillé, ni d'indien sculpté dans du bois, ni de tableaux, ni de posters, ni de cartes postales, il n'y a rien de particulier écrit sur les sous-verres, rien de dessiné, pas de couple baisant violemment contre le comptoire ni de type tranquillement assis auquel on a tiré deux balles dans la tête. Il n'y a que moi à boire un verre dans le jour qui se plie.

















































Haïku de route-86/ Le bar de l'Acropolis




















Un ours empaillé. Un faux ou un vrai. C'est déjà plus petit ici, plus engoncé et la lumière. Dans l'autre, Le Yosemite Trading, l'ambiance était orange de bois trop verni, ici c'est blanc comme d'un blanc suffisant. Je regarde encore. Je refais le tour. Mais les cadeau ne se réfléchissent pas, comme les souvenirs d'ailleurs. Mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir être sûr d'avoir bien vu et bien senti et bien hésité. Je m'arrête devant l'ours. S'il est vrai, il était vivant et mis là, debout alors qu'on ne meurt pas debout. Etre empaillé, c'est resté mort de manière bizzare. Je salue et sors et je marche un peu. Mais pas trop. Il reste encore des millions d'années pour cela. Le printemps tiède, l'asphalte de la 395 et les maisons basses de planches vernies ou peintes parfois en rouge érable. Je n'achèterai rien ici, ce serait comme des cadeaux tièdes. Avec ma femme on marche parfois la main dans la main, j'imagine que je marche avec elle, la main dans la main pourtant je n'ai jamais aimé ça, même si avant elle, je ne faisais jamais ça ou à contre coeur. Avec elle c'était la première fois, malgré la gène. Avec elle, je n'ai vécu que des premières fois et j'en vivrai encore d'autres.


Les gens semblent tempérés. Le temps est tempéré. C'est une rue de petite ville tempérée, une rue qui était et sera une route et entre cette route, dans cette rue, il y a un restaurant ou deux restaurant mais comme si l'autre était plutôt un bar après les lignes jaunes qui traversent la rue. Je repasse devant. La terrasse ne désemplit pas. Un muret de brique et une courte volée de marche que je monte. Je me demande si les gens attablés sont d'ici, s'il y a des gens d'ici et s'ils sont aussi tempéré que leur ville. Ma vie, en gros, et encore jusqu'à présent ne l'a jamais vraiment été. Je ne dois pas avoir les gènes ou c'est dans les nerfs ou c'est parce que j'ai été électrocuté dans le ventre de ma mère. J'ai toujours eu le rêve de l'or. Celui des cités que l'on pille par le plomb et clui du plomb que l'on couve et que l'on réchauffe en buvant dans sa chambre ou dans des cafés. J'ai écarté les bras pour cet or et je me suis écarté la tête et j'ai mis sur celle de ma mère pas mal de cheveux blanc et dans son ventre pas mal d'angoisse. Ici, dans notre route, je vais essayer de ne pas trop m'éloigner, de ne pas trop me distancer ou pas trop longtemps et de rester là, le plus possible, là avec elle, en me tenant la tête dans les chevaux qu'elle me tire dans tous les sens en me répétant quand il le faudra : "Ne t'énerve pas contre ta mère".


La première fois que je suis entré dans un bar pour y boire, ça devait être ke Churchill Pub, à Rolle. Je ne fumais pas encore à cette époque-là, pas de cigarette en tout cas. Mais ceux qui m'ont vraiment marqué comme les premiers bars à boire vraiment, c'étaient le Pub de la Gare, à Nyon et l'Acropolis de Costas, à côté du gymnase dit du CESSOUEST. Là on y jouait et y riaient après les cours ou à la pause de midi et on marquait à la coche les pintes bues pour la gratis et la gloriole. Depuis, je ne compte plus les portes passées, les tentatives et les fidélités. J'ai passé plus de temps dans les bars qu'à baiser, plus de temps qu'à draguer, plus de temps dans les bars, seul qu'accompagné. Le tempéré que je quitte en entrant dans le Bodie Mike's qui fait plus bar que le Nicely's, c'est le tempéré de la ligne tendue, le tempéré des funambules, d'Aristote. Je n'attend pas une folie, une excitée en entrant dans ce bar, je ne cherche ni la furie, ni l'enthousiasme mais le tempéré vague, le tempéré flou, indéterminé de Pascal. L'obscurité se fait contre la lumière de dehors dans le jour qui se plie. Le bar-restaurant est tout en longueur et s'avase au fond en salle à manger. Une langue noire vers un gosier noir avec des néons qui font comme la lampe d'un ORL.







































11.05.2015

Tout se recycle sauf la Coke (pour le reste il y a Hanouna)



















Il y a toujours ces boucles et ces boucles de boucles et ces gens qui regardent et attendent et prennent et regardent et rient et attendent les boucles là et les boucles suivantes et les boucles passées, en laissant, lâchant, vendant, revendant, donnant, prêtant les boucles d'avant, les boucles d'avant les boucles d'avant. Toutes ces choses qui sont, qui étaient, qui viennent et reviennent et qui viennent et reviennent et sont et étaient dans les yeux, pour les yeux ou dans les oreilles ou pour les oreilles et pour les mains et avec les mains et dans les mains et bientôt piur le nez et dans le nez même si la coke ne se recycle pas encore. Ces choses qui sont devenus des boucles de choses et qui reviennent parfois de loin ou qui viennent de loin, retournées et remises et repassées en boucle, recyclées et recyclées dans un recyclage du recyclage (sauf la coke, entre autre), en attendant un nouveau qui devrait mais devra en fait, être plus brûlant que le nouveau d'avant et plus créatifs et plus créateur pour le nouveau suivant qui sera toujours entre un boucle ou des boucles d'ancien.


Il/elle me disait qu'il/elle ne supportait plus y depuis x temps, x années, x mois. Elle/il me disent depuis x années, x mois qu'elle/il ne supporte plus y depuis x années, x mois, que c'est toujours la même chose depuis x années, x mois que c'était déjà la même chose il y a x années, x mois, qu'il y avait beau dire mais que depuis x années, x mois, y ne comprenait rien, décidemment rien et moi, j'écoutais peuis x années, x mois ces choses, ces mots, ces plaintes, ces critiques, ces ressentis, ces ressentiments qui lui/elle devait absorber et avec lesquels il/elle devait vivre, choses, mots, plaintes, ressentis, ressentiments que lui/elle semblait découvrir depuis x années, x mois ou semblait redécouvrir depuis x années, x mois et qu'en gros, y faisait bien chier depuis x années, x mois. Et lorsqu'un jour, j'ai décidé de ne plus être là, physiquement là ou par mail ou par téléphone, de partir ou simplement de ne pas répondre ou de ne simplement plus venir, me déplacer, être présent, de ne plus répondre pas même d'un hochement de tête compréhensif, que j'ai arrêté de m'arrêté un instant ou un moment plus ou moins long pour penser, y penser, y réfléchir et proposer quelque chose, de tracer des traces, de présenter des causes et de descendre vers des évezntualités, des possibles, des choses en fait, plus ou moins simple à faire, du moins, plus ou moins simple à réaliser, à comprendre et à intégrer, elle/il m'a demandé ce qu'il se passait avec moi, pourquoi, tout d'un coup, je devenais si absent, si négligé ou si hautain ou si froid ou si insensible, si ailleurs et si peu concerné et slaud alors et alors enculé, parce qu'il n'y a qu'un enculé pour arrêter du jour au lendemain d'être là alors que y m'a encore dit que z.


Le fait que depuis x années, x mois, je n'ai pas cessé de considérer le problème comme un problème, de l'écouter come un problème et pas n'importe quel problème un NOUVEAU problème et pas une énième émanation du même problème, un énième fois la même histoire qui, depuis le début souvent et même parfois avant même le début appelait une réaction qui est devenue la même réaction ou des dégradés, les déclinaisons de la même réaction ou des mêmes options de réaction et qu'aucune des propositions, des options, des réactions proposées n'avaient été prises en compte, considérées, envisagées, juste écoutées et acceptées poliment, mais jamais tenues comme une possibilité à tenter, ce fait-là, venant parfois d'un il ou d'une elle qui se la jouait militant, qui se la jouait détaché, qui se la jouait radical, qui se la jouait critique, qui se la jouait "on ne me l'a fait pas", qui se la jouait "ahhh le monde de papa/maman", qui se la jouait "ahhhh la pensée bourgeoise", qui se la jouait simplement parce que se la jouer était le début et la fin de leur compétence, ce fait-là dénotait en fin de compte une paresse pusillanime, un amour du confort et du confort de classe et une manière simple de me pourrir le temps en vivant, sans effort particulier, une tragédie à leur échelle, une tragédie propre à la classe qu'ils avaient choisi en la niant.


Ce ne sont donc, ni x ni y le problème et ni x ni y l'inconnue. Le problème c'est lui/elle, c'est-à-dire, le connu, ce qui est connu et ce, dans une sitation connue et plus que connue et ce, non pas parce que lui ou elle, le connu ne m'ont pas écouté, moi, l'autre connu du truc mais parce que ni l'envie, ni le courage de tenter quelque chose, d'essayer de résoudre le problème n'existe nulle part. Le problème n'est pas le problème.


Le Capitalisme n'est ni le problème, ni la solution comme le marxisme n'est ni le problème ni la solution comme aucune des religions ou quelconque délire en -isme n'est le problème ni la solution. La prise de conscience elle-même n'est ni le problème ni la solution. Elle, elle est au pire un possible qui peut devenir une étape ou un palier. Le problème et la solution c'est d'abord de commencer. Mais même cela n'est qu'une étape ou un palier. Le problème et la solution, ensuite, c'est de continuer et le courage de l'un comme le courage de l'autre. Même si, à nouveau, il ne s'agit que d'une étape ou d'un palier.



La question qui n'est ni le problème, ni la solution mais qui est également le problème et la solution, c'est le courage. Cet inconnu et sa fidélité. Celle de poursuivre.






Pour le reste il y a Cyril Hanouna.



































11.04.2015

Haïku de route-85/ The Story of Leroy Vinning
























Lee Vinning n'est pas un vide qu'on traverse. Elle pourrait être un bas pour la montagne qui fait encore la timide qui regarde d'en haut, dans son haut encore pas si haut, mais alors pas ce bas des hommes où la honte se cache et rôde pour ronger, ni le bas des autres hommes, ceux des pâturages qui sont contre le haut du roc, là où tout commence en revenant tout le temps, régulièrement et qui regardent le haut d'en bas. Lee Vinning c'est aussi, encore, le haut d'un lac plus grand que son tout petit et sa toute petite grande rue où le côté qui donne sur le lac n'a pas de fenêtre qui se tournent vers lui; ou petites, fermées, dissimulées. Du côté du lac, les shops, la station-service regarde encore vers la 395 et l'en-face de la route où les terrasses, elles, regardent vers les murs des shops. Lee Vinning ce n'est ni le haut de quelque chose, ni le bas de quelque chose, à peine un milieu, encore moins un juste milieu, ni l'ellipse d'une histoire ratée, ni l'hyperbole d'une zone de transit. Lee Vinning c'est la ville dont le nom vient d'un type qui n'a même pas su s'abattre accidentellement en elle, mais à Aurora dans le Nevada.


A Lone Pine, le monde chaud, les monts du monde chaud et le monde froid, les monts enneigé du monde froid tombaient sur la ville et en faisaient un fond de cuve, un fond de fente, un coin à crasse, même s'il n'y en a pas, un recoin opaque à crasse, là où la poussière, là où les restes, même les bons goût gardés des restes se dissimulent et se collent et ne se râclent jamais. A Lee Vinning, on est dans un entre de palier, un entre de marches à grandes volées, lisse et usé, poli et usé, une langueur de marche à s'asseoir quand la promenade était longue ou sera longue ou que la queue pour ce qu'on est venu voir est longue, déjà et le sera encore mais qu'il faut bien se préparer à la faire ou se préparer à renoncer et si c'est pour renoncer profiter d'un peu de la vue en s'asseyant pour dire qu'on y était ou qu'on y était presque. Je sors du Mono Market et c'est dommage pour la musique et c'est alors l'air entre le frais et le chaud encore et le silence entre deux moteurs qui passent tout droit et un plus loin, probablement en marche arrière sortant ou entrant dans une des Street.


Même quand il ne devrait y avoir qu'une rue principal, il y en a d'autres parce qu'il faut faire la maille pour que l'Amérique des Grandes Plaines et celle du Bayou soit la même quand même d'une certaine manière. Même les petit village, les agglomérations isolées ou les quarties en forme de goutte, on doit les tricoter en dedans pour mettre du droit dans un espace qui n'en offre pas, pour mettre de l'humnité en droit dans des vastes qui n'en ont pas et pour que les murs et les haies soient plus faciles à monter le long de belles lignes et d'angles qui sont siclaires en droit plutôt qu'en courbe. Je remonte la route en direction du Motel. J'entre au Bronze Bear Outpost, l'autre magasin qui vend des objets à se souvenir ou à se faire beau en se souvenant. J'ai envie de ramener quelque chose à ma femme. Mais un truc particulier. Qui soit particulier à elle et particulier à ici et que ce soit quelque chose qui soit elle, mais d'ici. Mais je ne suis pas pressé. Et si ce n'est pas cet ici, alors ce sera un autre, tant que ce n'est pas dans le là-bas où on vit, qui est notre ici et où on connaît tout ou presque et qu'un cadeau n'est qu'un cadeau. C'est plus chère au Bronze Bear, plus chère mais plus fin, mais c'est un fin qui n'est pas le fin de ma femme. C'est plus brut aussi, mais ne b'est pas un brut qui est le brut de ma femme. C'est pas son joli. Mais je réfléchis quand même un peu.




































11.01.2015

Haïku de route-84/ Lee Vinning


















Je prends la 3rd Street vers la 395. J'ai éteins ma cigarette et laissé le mégot sur le rebord de la fenêtre. J'aurais pu le mettre dans ma poche et le jeter plus loin. Des gens sont attablés à la terrasse du Bodie Mike's, on sert encore à manger au Nicely's. Je continue. J'irai peut-être boire un verre plus tard. 4th Street. Il faudrait que j'écrive une ou deux cartes. Il faudrait que j'achète quelques bières. Je m'arrêterai au Mono Market en revenant. Merde c'est déjà la fin du bled. Je pourrais descendre derrière le Yosemite Trading par Lee Vinning Creek Trail, dans les arbres pour rejoindre le lac. Mais je crois que ça suffit. Cet endroit n'est pas fait pour y vivre. Un autre trou, une chatte perdue, un autre nulle part, une interzone sur un lac de mort qui donne la vie. Deux restaurants, je crois, pour les passants et un bar pour boire l'ennui, des boutiques de souvenirs, le poids derrière de la montagne qui s'en vient et la descente vers 700'000 ans de surface plane et bleue et la tranchée de la 395 qui fait la veine et Lee Vinning comme un caillot où s'arrêter pour s'ouvrir vers le col.


Je traverse la route. On est loin des échangeurs de LA. J'entre dans le Yosemite Trading. Je salue. On me salue. Des enfilades de tissus, du matériel de treck, des trucs qui ont l'air chaud et confortable, des traditions indiennnes et des trucs sous verre, plus chères. Je cherche les poignards. Je regarde les lames indiennes, les faux-vrais ou l'inverse. Le petit a déjà un couteau inuit et un simili glaive étrusque pour sa collection. J'hésite. Il y a une autre histoire à touriste. Et je peux revenir plus tard, même demain. Je regarde les étals de pierres. Elles sont belles. Mais j'aurais dû en ramasser une au bord du lac. Le petit aime les pierres, les caillous et j'aime le petit. Il n'y a pas de musique. C'est rare. Je peux jouer les miennes dans ma tête. Je suis flou. Je marche flou. Je marche dans l'interzone de l'interzone. Je vaque. Je suis dans ces moments où il est impossible de prendre une décision, dans ces moments des carrefours où je ne sais jamais où aller, où tout se vaut, gauche, droite, cette rue, cette rue, ces moments que j'ai déjà raconté, ces moments où je n'achèterai rien, où je sais que je devrais sortir, où je ne sors pas, où je sors pour finir et pour finir par aller où?


Je traverse la rue. Dans le Mono Market, il y a de la musique. Un jazz impeccable. Pourquoi pas? Je sais ce que je veux. Le plafond est bas. Les produits étrangement variés, étrangement comestibles, étrangement attractifs. USDA Choice Beef, Fresh Produce, Real Beers & Fine Wines, Looney Bean Coffee & Espresso Drinks, Freshly Baked Pastries, Natural Foods, Hot Soup & Cold Sandwiches, Mexican Staples, Deli Meats & Cheeses, Frozen Foods & Ice Cream, Bulk Nuts & Trail Mix, Health and Beauty Aids, Office Products, Pet Products, Camping Supplies. Je regarde, curieux, je ne prends rien de tout ça. Je prends deux Lite d'un litre et je vais faire la queue. Il n'y a presque personne. Je dis au vendeur que la musique est parfaite. Il sourit. Si les zombies arrivent, je m'arrêterai ici. La première fois en Californie que la quantité passe après la qualité. Au moins, ils essayent. On dirait que ce sont les nulles parts de la Californie qui en montrent  des semblants de vie. L'Amérique discrète des trous noirs absorbera l'Amérique flashy et fancy qui fait tant bander l'Europe. Le monde est mort. Ce sont des trous noirs, des tout petit trous noirs de vie, de joie, des trous noirs lents, des trous noirs en expension lente qui finiront ce monde, ce pathétique monde qui balance entre dieu et le capital du rien.