12.12.2013

Nouvelle 23/Une journée réussie

Il pense dans les arrêts de jours,
12 secondes à Mandela,
8 secondes à la Syrie,
14 secondes aux clodos,
3 secondes à l'Ukraine,
13 secondes au chômage,
8 secondes au front national,
6 secondes au front de gauche
11 secondes à l'air qu'il respire,
6 secondes au racisme,
4 secondes à ce qu'il mange,
14 secondes à l'art en général
12 secondes à ce qu'il a lu et oublié dans le journal,

il passe dans les arrêts des jours,
beaucoup de temps à publier ses pensées,
plus de temps à relire ses pensées,
plus de temps à lire les commentaires,
plus de temps à attendre les commentaires,

entre temps, il pense à sa copine,
plus de temps à penser à son travail,
puis à repenser à sa copine,
puis à repenser à son travail,

entre temps il achète,
à manger au prix de 12 minutes de son temps de travail,
un ticket de métro
à 10 minutes de temps de travail,
un pantalon à 3 heures de temps de travail

entre temps il désire
un voyage à 30 heures de temps de travail,
un i-pad à 25 heures de temps de travail

entre temps il offre un café à un collègue à 8mn de temps de travail
en écoutant 42% de la conversation dont il ne se rappellera que 12%
le reste, il le passe à penser à ce qu'il a rêvé, posté, pensé et désiré.

En s'endormant, il considère, malgré quelques frustrations, sa journée comme réussie.

12.09.2013

Statement(s) 2/Un geste











Un geste


Il y a une joie du monde, éthérée et solitaire, sans signe, ouverte et absorbée, un rien qui s’ouvre par l’oeil sur une totalité sans nom et sans sens.
Mais c’est l’essence de notre vivre ensemble qui se détermine par ce que l’on se signifie et le médium que l’on oppose à l’autre pour se dire son langage et tenter de le transmettre sans trop de secondes décalées.
Tout est sous-tendu par le sème et l’émerveillement primal n’en transparaît que l’écho. A quel degré de précision est-ce que tu me comprends?
On peut imaginer qu’avant le verbe qui dit, il y avait le doigt qui pointe, avant la parole, le geste, avant le mot, l’image nue.
La richesse qui interprète est alors un vertige où l’échange rampe dans des canaux de nuit et d’argile.
La bouche alors cherche à cesser de creuser pour avaller un vouloir et le recracher.
Et c’est le mot qui montre et le verbe qui agit descendant de cellule en cellule nous ouvrir une perspective par une histoire.
La critique est dans le mythe parce que, dans tout ce qu’elle ajoute, elle retire un même pour s’ouvrir le monde.
Ce que mes images présentent, c’est un nu.
Ma photographie est un geste.
Les titres transfèrent un manque et décuplent l’information, ils participent, dans l’interprétation, des multiplications du vrai. Ils sont dans cette supercherie, la critique d’un monde où le vrai n’est plus seulement un moment du faux, mais où le vrai est devenu une possibilité réel du faux.



















5.27.2013

Oh ma joie

Nous devons nous faire et nous y faire. C'est le terminus conscient de l'activité artistique en particulier et de la fin de stock de notre être au monde.

Il y a deux velléités à concevoir et à subir, joyeux et conscient qui d'abord sont notre commun à la vie et notre cercle dans la création. Ce n'est pas du pompeux, c'est l'achévement de la logique d'aristote et de toute la chrétienté appliquée dans la langue et le quotidien et la fin de la pensée séparée qui est autant politique que religieuse, qui est donc culturelle et donc uniquement politique dans la recherche d'un commun qui nous finirait pour nous suffire.

Le devoir est de vivre.

Mais dans ce devoir nous sommes partagés parce que nous devons à la fois produire alors que tout est terminé, que nous devons pensé alors que tout est dit et théorisé.

Wittgenstein nous arrête parce qu'il a raison et Debord nous entrave parce qu'il a raison.

Et ce sont des pensées qui se posent avant de les découvrire eux. Parce que nous sommes réveillés et que tout est clair. Parce que jeunes nous avons senti et compris les enjeux et que nous n'étions que trop tard dans tous nos désirs et nos poses.

S'appliquer à être, dans deux infinitifs qui me nient, être le maître de mon temps, de ma force de travail, être historiquement et me définir contre, tous les mensonges et vaticinations de la lutte à être et la joie de définir la joie et la montrer et la supprimer même du collectif pour un jardin à se réveiller et des rivière à s'écouler, sans romantisme, hors de ma prose, dans la réalité.

Et en même temps, s'appliquer à disparaître, exactement au même moment où ce qui me fonde m'achève, ce qui me prend me livre, ce qui me génère me fait fondre. Simplement se concentrer à s'effacer, se préparer à la disparition que nous sommes.

Etre et disparaître en même temps.

Je ne vous crée rien. Rien de ce que je fais n'est fait pour vous. Tout ce que je fais est avec vous et malgré vous.

La guerre est totale. Et perdue, bien entendu, mais ce n'est pas son but. Je ne suis pas là pour vous gagner. Si tu crées, tu disparais et tu vis.

Si tu fais juste pour être, tu es un soldat du régiment.
Si tu fais, tu es un franc-tireur conscient de la guerre, de son amour pour toi, de la fin de toi et tu le fais dans un seul but, parce que le seul but de cette guerre, c'est la paix et la seule raison de cette paix, ce n'est pas l'amour qui est un outil de la haine, mais la joie qui est absente de tous les dogmes et de toutes les religions.

Je veux être joyeux. Après plus de 20 ans de combats, je ne veux que ça.

4.22.2013

Invitation au voyage

























Rien de neuf non plus au constat des distances abolies et de l'ailleurs devenu plus proche que l'ici.

Mais quel intérêt à l'ailleurs lorsqu'il n'est plus qu'un duplicat de l'ici?

Dans le spectacle organisé de la ville, dans l'urbanisation qui a remplacé l'église par le mall et qui gère la différence du même, une avenue de Londre vaut une avenue de Paris, une banlieue de Prague vaut une banlieue de Madrid et un building de New-York ceux de Dubai.

Dans la consommation globalisée, les marchandises se ressemblent et les différences que l'on pouvaient encore croire ostantatoires il y a de cela quelques décennies, se nivellent et se reproduisent.

Ce n'est plus simplement l'objet ou sa mise en scène, c'est l'ensemble de l'opinion sur l'objet et sa mise en scène qui n'ont plus aucune critique, encore moins de rejet.

Que le citoyen ait disparu pour faire place au consommateur et que l'idée soit devenu un pouvoir d'achat sont des constats trop simples mais qui suffisent parfaitement parce que l'entier des logiques de ce système est simple.

Dans cette perspective il n'y a plus aucun sens à aller ailleurs. Le dépaysement est impossible parce que les moyens qui permettent le déplacement nous ramènent toujours dans un environnement qui nous sécurise (trajet vers l'aéroport, mêmes routes, mêmes périphériques, mêmes voitures, mêmes halls, mêmes portiques de sécurité, mêmes starbucks, mêmes avions, mêmes nourritures, mêmes atterrissages pour mêmes villes ou mêmes hôtels aux mêmes lits).

C'est d'ailleurs le but.

Dans un monde de la matière rare ou se raréfiant, il s'agit de créer les contextes d'un rester chez soi consommable.










































Abondance

C'est un même toujours renouvelé parce que le fond de la recette est simple et ne demande rien de plus. Ce n'est pas la fin de l'histoire, mais sa pause parce qu'elle est suffisante et qu'elle se contente d'observer son manque et l'attente de la satisfaction de ce manque.

L'économie de la qualité n'est pas a retrouvé parce qu'elle était une division, une simple inversion, mais toujours une autre satisfaction d'un autre manque.
L'économie de la quantité qui a pu jubiler dans l'abondance réelle et se reproduire par une globalisation d'un même manque pour se maintenir dans une même satisfaction toujours plus appauvrie ne peut se perdurer que dans la création continue de nouveaux désirs, toujours dans la même extension de nouveaux vides à combler, mais cette fois-ci, virtuels parce que ce qui se raréfie dans la matière semble infini dans l'immatériel.

C'est l'enjeu principal de toutes les formes du capitalisme d'aujourd'hui (spectaculaire, spectaculo-bureaucratique, bureaucratique, théologique) de rendre réel le virtuel et de multiplier les strates de la séparation.
L'échec de second life n'est que provisoire parce que la vie réelle avait encore quelque chose à nous vendre, c'est-à-dire à nous faire désirer.

La logique est une accélération sans fin de la création et de la production d'un nouveau ou pseudo-nouveau (tablette et nabilla) mais qui doit toujours pouvoir se ménager un temps de latence pour générer l'ennui et régénéré le manque. Nous ne seront bientôt plus assez nous-même, c'est-à-dire que nous ne nous suffiront plus nous-même pour suivre ce rythme et la nécessité de se dédoubler rejaillira, de nous créer un double aussi frustré et content que nous.

La logique de l'abondance matériel se mêlera à son extension, l'abondance virtuel et l'interzone dans laquelle nous nous trouvons déjà.

La vie humaine qui n'a cessé d'être séparée de la vie jusqu'à être séparé de sa propre vie continuera à glisser vers le plus flou, le plus absent. L'aliénation du travail, puis celle des loisirs, puis celle sociale par le développement des voitures, se concrétise aujourd'hui par l'enfermement volontaire et l'interaction qui ne se suffit que d'un échange par l'intermédiaire d'une machine.

La vraie vie n'est pas ailleurs, elle n'a jamais été qu'ici et maintenant.

3.29.2013

Exemple de léthargie méthodique

A la question posée à cinq employés de moins de trente ans, travaillant dans une compagnie d'assurance de simplement savoir comment ils allaient, je reçus des "oui" proche de "ouais, des souffles ricanés et des haussements d'épaules.
Lorsque je voulus connaître plus avant les raisons d'une telle motivation étouffée, je n'eus droit qu'à un mutisme gêné et souriant.
Quand je leur demandai s'ils étaient heureux dans leur quotidien professionnel, j'entendis des "bof", d'autres haussements, d'autres ricanements.
Je cherchai donc à savoir s'ils pensaient rester dans cette compagnie pour, disons, les 20 prochaines années. Seule la femme, enceinte, répondit par la positive, satisfaite des conditions proposées dans cette compagnie, visiblement certaine que ces mêmes conditions ne changeraient jamais, conditions donc idéales en rapport à ses aspirations.
Pour les autres, ils répondirent vaguement, "non" sans plus de précision.
Je poursuivis donc le questionnement en leur demandant à tous ce dont ils rêvaient à 15, 16 ans.

Je ne reçus aucune réponse.
Aucune.
J'abaissai l'âge à 10-12 ans.
Je ne reçu à nouveau aucune réponse.

Plus loin dans l'échange, deux de ces employés m'apprirent, qu'ils disposaient chacun de 180 heures de congé possible, sorte de crédit formation assuré par le gouvernement. Ils me dirent qu'ils n'escomptaient nullement en profiter, en tout cas pas dans la totalité, ni l'un ni l'autre n'avaient réussi à concevoir la possibilité de travailler presque une année en 4/5 au frais de l'Etat, n'existait pour eux qu'un profond sentiment de gêne à l'idée, soit d'"abandonner" à leurs collègues une partie de leurs tâches respectives, soit de profiter du système.
A la question posée aux autres de savoir ce qu'eux feraient dans une telle situation, un seul, sembla prêt à les utiliser intégralement et ce, même en bloc,
les autres feraient pareillement que les autres.

Ni la culpabilité, ni la gêne ne sont affaire de moral ou apanage de religions. Ils sont des constructions naturels de tout pouvoir.

Au-delà, la léthargie, l'absence de perspective, le contentement, la résignation non construite, sans critique de cette génération est la réussite totale d'une situation construite et maîtrisée par la civilisation de la marchandise.

1.24.2013

Permeke/ Le Peintre Transitoire

On peut avoir connu profondément et se perdre en translation. On peut user jusqu'à la corde, ravaler sur des décennies, compter jusqu'au dernier coup de pinceau et cartographier.
Et on peut attendre les derniers jours, qu'il fasse froid, avoir bu un peu et se faufiler entre un groupe âgé en fauteuils roulants.
C'est pressé et très tendu et ça doit aller et venir en parlant à haute voix et contraindre les mots qui reviennent

"cubisme", "die Brücke"

"La Maternité" c'est Michel-Ange désossé, le dessin préparatoire présent et séparé dans l'abondance de la masse et le gras. Et les violences hallucinées des coups d'huile et le rendu, global et assuré, fondu, bardé, compartimenté.

Quatre ans pour cet amour soeural, tendre dans leurs traits gras, les cheveux lâchés et laissés, sans détails. Autour encore, où sur chaque toile les étapes se marquent, la finesse du dessin puis les tombreaux d'huile comme une patate délicatement tranchée et trempée dans la friture pour être savourée comme un met fin.

L'enjeu et la rigueur pour la maîtrise de l'équilibre des masses et c'est un légère lame de jaune, un son sourd de blanc, par là qui apaise et dépose la chair aussi confortable que tourmentée.

Quelques toiles trop colorées ou des marines longues et ennuyeuses, probablement pour que Permeke puisse se réoxygéner. Un terminus de toile illuminée puisé dans les réserves du "Brücke", avec loin encore, du Kokoschka, même et dans "L'arrachement de pommes de terre" des espaces délimités comme du pré-Rothko et les couches successives de genres successifs qui font de lui, un peintre transitoire.

Rien n'est jamais, ni laissé, ni effacé, mais recouvert en transparence, pour marquer une haine de la perte quelle qu'elle puisse être, une absence totale de gaspillage. Et par là une drôle de forme de futurisme paysan et là du miel dans la mélasse des ciels et intérieurs de Flandre jusqu'à la passe morne et molle, lasse de la cinquantaine qu'il retourne et achève en revenant encore plus loin à lui dans "Le Pain Quotidien".

Puis quand c'est fini, on refait un tour pour s'arrêter et se graver "Pêcheur" au fusain, 1921 et "Les moissonneurs endormies".