6.21.2011

des litres

Le monde m'aspire et me rejette comme une image inspirée
une de plus.
Ma paresse et mon angoisse comme une jubilation avortée, toujours de peu et le bonheur aussi scintillant qu'éclatant.

Travailler oui, travailler, remplir du papier, des litres de papiers, des litres de scènes, des litres d'écran
et les préciser, les revenir, les remettre,
des litres.
Et marcher, marcher vers n'importe où, des litres de marches, des litres de pas. Construire des souffles pour vouloir en pleine puissance tous les plus tard.

Essayer d'être méticuleux à construire un quotidien pour se donner le contexte des ailleurs, des autres choses, bâtir consciencieusement l'habitude pour avoir une écorce à décortiquer, des surprises en gestation.

Ne pas lâcher une seule seconde, gérer les pertes, adorer la faiblesse pour la prendre à revers, danser en somme.

6.18.2011

Tu as de la chance

"Tu as de la chance" 
quelle phrase inepte, subissante, quelle phrase si pauvre, quelle vie en attente...


Il n'y a jamais eu une seule seconde de chance dans ma vie, rien qui dépendrait d'un Fatum quelconque, encore moins d'un dieu, plus quelconque encore.

"Quand tu veux tu peux"

quelle marque de volonté mince et terne qui dans sa sémantique alignent entre le vouloir et l'action tant d'étapes incertaines, vaseuses, miel indécis, soudure hésitante, tremblotante avec cette part de soi qui toujours cherchera à nous faire éviter la vie.

Quand tu veux tu fais.

Chaque mouvement comme terreau de toutes ses conséquences, dramatique jouissive de l'effet qui seront tant de nouvelles causes d'une vie en devenir. Peu importe que l'on agisse à gauche et que les portes s'ouvrent à droite, tant qu'il y a des portes.

Nous sommes cette urgence d'une physique, d'une chimie qui nous constitue et qui est la totalité des coups dont nous caressons le monde.

Combien d'atomes échangés dans une poignée de main, dans un baiser, combien d'électrons dans tous les frôlements des rues, combien de particules partagées même sans contact?

Le Faire déplace l'univers.

Quel dieu alors plus puissant que mes paupières s'ouvrant au réveil?


Et si je fais le bien c'est sans retour attendu, ni là, maintenant, ni dans quelque paradis ou vie ultérieure, ce bien donné me détermine un état et une conscience qui me construit immédiatement en joie et en puissance. Et les réactions qui s'ensuivront.


Agissant je suis l'éternité des possibles, la résurrection permanente de la vie.

 

6.16.2011

sur le théâtre/3 -d'un projet en cours




Nous respecterons en les modernisant les règles de la tragédie grecque, en particulier celles édictées par Sophocle.
Nous auront trois comédiens qui porteront directement l’action (H1, H2 et F).
Un Coryphée commentant et participant parfois à l’action (H3).
Un choeur formé de deux marionnettes de taille humaine assise sur le devant de la scène.
L’action sera par moment dédoublée et/ou renforcée par des scènes projetées sur un écran.

Il n’y aura pas de scènes à proprement parler mais des Tableaux composés comme des plans-séquences cinématographiques où les actions se dérouleront entrecoupées des commentaires du choeur et des actions/commentaires du coryphée.

Le prologue s’étalera sur les 4 premiers Tableaux où l’enjeu de la tragédie sera présenté en même temps que l’on montera le décor. Le texte sera dans un premier temps porté par un membre du public (volonté d’effacer la différenciation scène/public, création d’un espace tragique unique) puis par le metteur en scène (hommage à la tragédie pré-sophoclienne) et enfin par le coryphée. Le tout étant également une volonté de mise en abîme du théâtre (avec en parallèle la montée du décor, la présence/participation du public et celle du metteur en scène).
Les épisodes quant à eux, tout en étant coupés de stasima, suivront l’ordre de la tragédie classique.
Les Tableaux 5 à 9 seront l’exposition de la situation initiale.
Le Tableau 10 représentera l’élément perturbateur. Le double meurtre figuré y est le symbole d’une état qui fatigué de durer, doit exploser.
La fin du Tableau 10 et jusqu’au Tableau 12 consisteront en stasima.
Les problèmes se poseront et chercheront à se résoudre dans un crescendo dramatique du Tableau 13 au Tableau 22.
Dans les Tableaux 23, 24, 25 et 26 les liens essayent de se renouer sous le regard du coryphée.
L’action se dénoue et s’apaise à travers le mariage et les deux suicides symboliques des Tableaux 27 et 28.
Le Tableau 29 décrivant l’Exode.



Nous ne respecterons pas les 3 Unités, les considérant comme une forme de cloisonnement alors que la tragédie contemporaine se doit à nos yeux d’être aussi distendue, étendue, délitée et hâchée que le quotidien qu’elle cherche à montrer, à décrire, à analyser.
La scénographie simple et épurée répond à la diversité de l’espace, tandis que le temps intégrant l’action à la façon de Pialat sera déterminé par les jeux de lumière et l’évolution psychologique des figures représentées par les comédiens.
La tragédie par essence traite de la noblesse de ses personnages. Ici l’on peut parler de noblesse de caractère, en entendant par là, non l’expression d’une haute valeur morale, mais l’Idée-même au sens platonicien des topoi principaux qui déterminent l’Homme moderne, dit citadin et civilisé.
L’inéluctable fatalité ici ne dépend ni des Dieux, ni d’un Fatum quelconque, elle est inhérente à la condition humaine, propre à l’homo individualis, viscéralement ancrée en lui, déterminée par lui. Elle est une question de liberté qui, pour nous, signifie se donner les moyens du choix, choisir et assumer ce choix.
Ici face à la pléthore des possibles que la société leur propose, les trois protagonistes, comme terrifiés, ne choisissent rien ou plutôt préfèrent choisir de continuer ce qu’ils étaient.
Nous sommes loin de Pindare, de Goethe ou de Nietzsche, plutôt dans un pythique résigné par le confort et le désoeuvrement.



6.14.2011

la bilariose pour les enfants/2

Chapitre 2.


Aujourd'hui nous sommes le 4 juillet 1997, le jour de la fête de l'Amérique dont je n'ai rien à foutre vu que je suis suisse de naissance et de père.
Un temps j'aimais bien le premier août, pour les lampions, mais comme on dit, j'ai passé l'age. Les feux d'artifice, c'est Maurice qui me les fout dans le con quand il me culbute dans son studio sans cuisine. Maurice, c'est un copain d'enfance presque aussi moche que moi, mais qui n'a vraiment pas de chance, vu que lui, il travaille. On ne s'aime pas comme dans les films mais quand y a besoin d'un coup on est toujours là l'un pour l'autre. Il a toujours des histoires à raconter pour quand c'est fini et qu'on fume. 
L'autre jour, il m'a parlé d'un type qui avait raboté la porte de sa chambre avec un tournevis cruciforme sans la dégonder. Mon papa m'achetait toujours deux-trois pétards bisons qu'on allait faire pèter au bord du lac vers les nids de cygnes, mais aujourd'hui j'attend pas le premier août pour les fumer avec Greta. C'est dire si l'on s'en branle du premier août.
D'autant plus qu'on est le 4 juillet et que j'arrive pas à mettre l'oeil sur Johnny, bien que j'aie fait toutes les terrasses où il traîne d'habitude le matin. Vu que j'ai plus de sou sur mon natel, je peux pas appeler Greta, c'est pas qu'elle aurait été d'une grande aide, mais c'est ma meilleurs amie et c'est toujours utile quand on s'emmerde et qu'on arrive pas à mettre l'oeil sur l'homme de sa vie.
La dernière fois, elle s'était fait embarquer dans une discothèque pourrie de la Côte par deux noirs qu'elle avait finie par traiter de sales bougnoules, parce qu'ils lui avaient dit qu'elle était belle, alors qu'elle est presque aussi moche que moi et qu'elle déteste les menteurs et les hypocrites qui ont des bites à la place des yeux. Greta c'est une fille de principe, mais complètement nulle en géographie. Bougnoules pour des noirs…

la bilariose pour les enfants/1

Chapitre 1
Johnny Nash n'était pas flic. D'ailleurs Johnny Nash ne s'appelait pas vraiment Johnny Nash. Il s'appelait Roger Plantaz. Il vivait à Luins, un bled comme un autre au milieu des vignes.
Il ne croyait en rien, n'avait aucune ambition et passait son temps assis sur des terrasses, des bancs, des marches d'escalier, sauf en hiver où, ma fois, par la force des choses, il devait se réfugier à l'intérieur, à regarder le monde passer ou à fixer des points que personne d'autre, pensait-il n'avait fixé avant lui. Il voyait la vie comme une ville à traverser et c'est ce qu'il faisait d'ailleurs, en ce moment précis.
 Moi je m'appelle Gina Calle-feutrée, je suis moche en général, grosse et amoureuse de Roger Plantaz. La plupart du temps, comme je fous rien de ma vie et que je suis payée pour, vu que j'ai réussi à me caser à l'AI pour une histoire de dos ou de genoux, je me souviens même plus, je suis Johnny Nash ou plutôt Johnny Plantaz dans ses pérégrinations diurnes. Quand je n'ai pas le temps, parce que dès fois j'ai autre chose à foutre, j'engage un détective privé qui ne me coûte rien puisque c'est ma meilleurs amie, Greta. Elle, elle n'a pas la chance d'être à l'AI comme moi, mais on peut pas la plaindre vu qu'elle est au chômage.

La distance

La distance rend les choses claires, le temps limité, évidentes.
On dépasse le choix, les calculs du choix.
On sort des vaticinations.
On connaît tous les groupes, les bandes, les rencontres qui nous arrêtent, les discussions que l'on prend et dont on se fout, mais pour nourrir le temps ou essayer de se sentir seul en commun comme deux vieux dans un cani qui boivent sans rien se dire.
Ces espaces effroyables de l'ennui où l'on s'oblige à s'intéresser, à écouter, à participer à des choses, des moments, des conversations ineptes ou fades ou vides ou celles si répandues qui reviennent si souvent.

Il y a toujours la déception, un goût triste de ne pas voir, de ne pas avoir eu le temps d'entendre, de sentir certaines personnes nécessaires parce que le temps était trop court et que l'on ne voulait pas faire de l'amitié un agenda d'hommes d'affaire mais simplement pouvoir avec certains étaler le temps.
Oui, une odeur qui manque, des conversations avortées depuis des années. Oui, c'est chiant et ça pèse au ventre.

Mais l'évidence est si belle quand le temps est si court d'entendre des voix qui doivent résonner et des histoires communes qui deviennent de l'Histoire, la nôtre.
Oui. Pas de choix, parce qu'avec la distance il n'y a pas le choix, qu'avec l'urgence il n'y a pas de choix.

Après il y a des envies, des désirs qu'on ne comble pas, des arrivées que l'on tait, des rues qu'on évite pour éviter de se faire dire
"va te faire enculer"
Et quand on nous le dit, ben voilà.

L'amitié comme l'amour sont des pensées constantes qui essayent parfois de se manifester, de se créer corps.

6.09.2011

fédéralisme/ Pour la recréation de la Yougoslavie

La paix perpétuelle est une notion inconnue de l'Histoire.
Celle qui prévaut actuellement en ex-Yougoslavie dépend directement de plusieurs facteurs et d'un processus dont les ex-Yougoslaves sont absents.
Que cette paix soit artificielle nul n'en doute. Elle a été déterminée par l'Europe en majeure partie, bien aidée et probablement conseillée par les Etats-Unis d'Amérique et ce au moyen de bombardements, de sanctions, de promesses d'éventuelles intégrations futures au sein du marché commun.
Rappelons également que, sans en être la cause directe, elle a été, cette Europe, le déclencheur du conflit à travers les prises de position de l'Allemagne dans un premier temps puis de la France.
Après avoir abandonné les enclaves bosno-musulmanes de Bosnie-Herzégovine, après la visite de Mitterand à Sarajevo, elle s'est ingéniée à inventer la paix, en bombardant Belgrade, en imposant des frontières, principalement en Bosnie, en reconnaissant dans sa majorité le Kosovo, en imposant des conditions à l'intégration européenne entre autre en exigeant qu'on livre à la Haye les principaux auteurs des atrocités de la guerre.

Il n'est pas à se demander si telle ou telle action a été bonne ou mauvaise. Je suis allé à la Haye. Je n'aime pas la justice des vainqueurs, mais les bouchers et leurs fonctionnaires ne peuvent ni ne doivent être oubliés par l'Histoire.

Non le problème est autre.

Aucune cause n'a été interrogée, aucune racine analysée. Ici en tout cas.

Il y a des proportions à garder, évidemment et des situations qui pourraient se ressembler sans avoir ni les mêmes causes et encore moins les mêmes conséquences. Mais la Yougoslavie comme la Belgique comme les ex-républiques soviétiques, comme l'Espagne, comme... sont des constructions arbitraires, stratégiques, imposées. Elles n'ont jamais été la manifestation de la volonté des peuples.
En quelque sorte la Yougoslavie c'est Tito. Même si on a pu idéaliser Sarajevo comme une réalisation d'un vivre ensemble voulu, Karadzic y a fait ses études de médecine, Mladic est né en Bosnie.
Mais c'est le joug et la naturel réaction face à lui.
Les volontés de différenciation ou de séparation se manifestent de différentes manières et pour des fins divergentes.
Mais ces séparations sont toujours le démembrement d'une unité factice parce que non-déterminée par la volonté d'une communauté de partager les complexités de la vie avec une autre communauté.
Parce que cette unité factice est issue d'une volonté intérieur (la France par la monarchie), extérieur (la Belgique après les guerres napoléoniennes) ou un mélange des deux (dislocation de l'empire ottoman et austro-hongrois et Titisme).
Comme toute unification volontaire n'est pas forcément gage de réussite, toute unification non-volontaire n'est pas forcément vouée à l'échec mais créera nécessairement des zones plus ou moins violentes de tension.
L'absence de volonté des peuple dans la création d'une unité est une métastase, un foyer cancérigène, bien que la métaphore soit ici mal choisie, un Etat n'étant jamais un corps social ou l'étant mais idéalisé dans les sociétés de type paternaliste, totalitaire ou pré-totalitaire.

Nul utopie ici. La volonté d'un vivre ensemble n'est pas gage de paix. D'ailleurs toute utopie est un fascisme en gestation. Le but est d'essayer d'imaginer le meilleur ou le moins pire vivre ensemble dans une société résolument adulte.

Mais revenons à l'ex-Yougoslavie. Rien n'est réglé. Bien au contraire. La solution factice qui déboucha sur Dayton, Pristina, la fédération bosniaque, la fédération serbe dont la finalité devra être une intégration à l'espace économique européen tiendra ce qu'elle tiendra, Bruxelles prenant en quelque sorte le rôle de Tito. Mais pour qu'une paix, disons parlementaire, s'impose, elle ne pourra que découler d'une vraie volonté de vivre ensemble. Certes des accords bilatéraux entre les Etats nouvellement crées, sous l'égide de Bruxelles ou guidés par des nécessités économiques pourraient inventer une certaine forme d'unité. Mais tangente, bancale, à fleur de peau. Cette unité ou cette paix ne peut être déterminée par une volonté supra-régionale qui plus est, imposée dès l'origine.

Il faut recréer l'origine. Avant d'être Européen, les ex-Yougoslaves devraient redevenir Yougoslaves par libre décision, scellée par les urnes, en créant de juris une fédération d'Etats ou de Régions ou de Communautés ou de Cantons (ce ne sont "que" des questions sémantiques) incluant bien entendu le Kosovo.
Cette remarque vaut pour tous les Etats européens.

Projet Tardieu


Cette pièce en tant que tragédie contemporaine, présente, sans jugement ni parti pris moral, les interrogations, les doutes, la crise de l’homme moderne, citadin et civilisé en nous décrivant sa constante oscillation entre ses désirs, ses devoirs et son ennui.
Elle cherche également à nous montrer son extraordinaire peine à communiquer, échanger, interagir et s’entendre avec lui-même et plus particulièrement avec autrui, cette lutte de soi à soi, de soi à l’autre, magistralement manifestée ici par les jeux de langue et de langage du texte de Tardieu.
Elle est alors éminemment moderne. Un écho à nos problèmes quotidiens, qu’ils soient personnels (relation au sein du couple, familiale, amicale, de voisinage) ou plus généraux (questions d’identité, tensions communautaires tant belges qu’européennes).
Elle met également en exergue notre nudité vis-à-vis de la vie et de l’existence, cette volonté si tendue vers les miracles de la technique et du progrès pour se suppléer aux efforts et aux contraintes, le confort et pour réduire par la vitesse, la distance qui nous sépare de nous mais qui, au final, ne sait, ni ne peut résoudre nos angoisses et nos frustrations.
La réponse apportée par les protagonistes de la pièce est une résignation plus ou moins volontaire au modus vivendi qu’ils connaissent et qui les rassurent. Est-ce preuve de courage ou de lâcheté? Achille ou Pâris? A cette question nous ne répondons pas, laissant à chacun son libre arbitre et le choix d’analyser sa propre existence et d’y apporter les justifications qu’elle mérite ou le changement qu’elle nécessite.