2.22.2012

la bilariose pour les enfants/9

Chapitre 9


Des fois, j'aimerais bien être un homme pour lui mettre la réponse sur la gueule à Greta. Moi j'étais tranquillement en train de regarder les moineaux . Alors j'ai pas remarqué quand elle est s'est levée. Quand je sors des moineaux, je la vois assise deux marches sous moi à faire de l'humour avec Johnny. Elle me fait le clin d'oeil « raboule-toi » qui  a toujours manqué de discrétion, vu qu'elle le fait avec les bras, les mains, le menton, en disant « raboule-toi » et le clin d'oeil pour faire complice. Moi, je me tâte, forcément. Johnny lui aussi se retourne en souriant. L'a pas l'air d'être trop choqué par l'affaire, alors je me dis que ça peut pas être plus foireux que la normale et je me lève tout dans ma contenance, c'est-à-dire en me grattant la tête, en oubliant les bières, en remontant les chercher, en en décapsulant une, façon Faye Dunaway, en ratant la première gorgée et la deuxième marche, puis en remontant dans un rire un peu crispé pour finir par m'asseoir à côté de Greta et d'un chien. Ca peut commencer pire, mais j'aimerai pas tant être à la place de la personne qui commence pire. Faut que vous sachiez, bien que vous vous en doutassiez que j'ai jamais causé avec Johnny dans l'auparavant et je sens qu'il y pas des masse de garantie que ça se refasse dans l'après. M'enfin. Faut savourer l'instant présent, chose que je manque pas de faire puisque je rote de joie les deux bières précédentes. Dans certaines cultures c'est bien vu pour signifier combien on apprécie la qualité du repas. C'est ce que je fais remarquer d'ailleurs et Johnny dit qu'il savait ça. Alors je compte, un point pour moi. Je sais pas si le fait de se taire et de ricaner de temps en temps fait des points parce que c'est ce que j'ai fais pendant une heure. Après ça vaut plus, puisque Johnny est parti. Avec Greta. Elle m'avait pas dit qu'elle avait déménagé près de la gare, mais même entre meilleurs amie, on a des jardins secrets. Moi j'ai dit que j'avais quelque chose à faire enfin quelqu'un à voir, enfin un truc que j'avais oublié de faire et que je devais voir quelqu'un pour qu'il me file un truc pour faire le machin.
Quand ils sont partis, j'ai compté jusque à dix et j'ai rien fait que regarder quelque chose droit devant moi. Au bout d'une demi-heure de sinistrose, je suis allé dans un bar. Au fond.

2.11.2012

Sur les peintres/3 Pascal Duquenne ou l'absurde digéré

Pascal Duquenne en s'étirant sur plusieurs zones de la création ne se disperse pas, mais s'affine et se précise. Il est comme un cadre qui se déporte, une pensée qui pour mettre à plat sa densité, multiplie les gros plan et ce, on pourrait dire, pour établir une conscience détaillée.

On pourrait de ses nuits ou de ses jours vaporeux, diffus déduire une mise en espace absente, au mieux brumeuse, un non-monde où ses figures, personnages, corps évolueraient sans contexte et sans situation.
Je pense que c'est tout le contraire.
Chez Richard Moszkowicz l'espace est une masse asphyxiante, un paysage qui chute en nous. Mais chez Pascal Duquenne le vide apparent est aussi prégnant que les scénographies chez Beckett et ses nuits sont aussi terrorisantes qu'elles l'étaient lorsque l'électricité n'existaient pas encore, où les villes n'étaient pas engorgées de néons, où les ténèbres et les peurs naturelles qu'ils engendraient, étaient le lot quotidien de l'humanité.
Et ses lumières pâles, crémeuses et blafardes sont l'image exactement symétrique de la vraie nuit, la blancheur angoissante des chambres d'hôpital ou des toilettes publiques, néonniennes et carrelées.
L'espace manifesté dans son absence formel est un choix significatif. Le noir et le blanc flou existe réellement. Il suffit parfois, simplement, d'éteindre la lumière ou de l'allumer.
Et le traitement en gros plan choisit par Duquenne oblige à l'isolement et ce noir et ce blanc se décale alors vers le vide, non pas vers le rien qui suppose toujours quelque chose, ni vers le néant qui est toujours une distance, mais bien vers ce vide tellement dense et présent où l'être n'a d'autre choix que d'être.
Parce que les figures de Duquenne ne sont pas (toutes) marquées par la terreur ou l'angoisse. Elles sont diverses bien entendu, mais elles sont mises en scènes, consciemment et l'on a parfois l'impression d'êtres inconscients de leur(s) milieu(x) ou de leur(s) condition(s), de personnages curieux, prêts peut-être, désireux, oui, du monde, de ce qui pourrait advenir, confiants presque ou appliqués simplement à faire ce qu'ils ont à faire.
Et en eux, tout ce qui peut s'approprier le monde, yeux, bouche, sexe est représenté par des trous noirs, enlacés dans le corps comme un écrin et une plongée. Ses figures semblent être absorbées par le monde comme à leur insu, on pourrait dire naïvement, alors qu'en fait, elles le tranchent.
Il n'y a pas de justification, mais un état, une absurdité digérée et dans ces regards une résignation victorieuse.
Oui, ce sont des trous noirs, les mêmes que ceux qui interrogent la physique, qui amoureux transits de la matière et de la lumière l'avalent sans effort et dans la joie.
Et si les corps qui portent ces yeux, ces bouches, ces sexes ne sont pas lisses mais vibrant, c'est parce qu'ils ne peuvent être achevés, mais toujours en train d'être, en construction, en mouvement.
Les toiles de Duquenne nient le rien, le néant, la perte, l'absence. Elles ne jugent rien, ne condamnent ni n'approuvent rien.
Et elles ne disent rien.
Elles montrent.
Un état qui advient toujours dans un espace qui n'a pas de sens.
Toutes ces figures sont vivantes et elles ne demandent pas autre chose.


Sur les peintres/2 Richard Moszkowicz ou les mots apaisés sur la masse-monde

Je ne ferai pas ici l'historique du CRéAHM, vous trouverez au bas de cet article un lien menant à leur site et bien que vous fassiez ce que vous voulez, je vous enjoins vivement à aller le visiter.
Je parlerai peut-être dans un autre texte de cette incompréhension qui me tient quant aux qualificatifs "brut" ou "différencié" dont est caractérisé le travail de maints artistes, tant les choix, les trajectoires, les traces ou les signes stylistiques suivis par eux sont multiples, disparates, longeant, traversant, décalant ou aveuglant les mouvements artistiques qui ont marqué le XXe siècle.
Et je ne ferai dans mes critiques aucune différence d'appréciation ou de niveau entre les travaux de Richard Moszkowicz ou de Pascal Duquenne  et ceux de Twombly ou de Tuymans. Il n'est pas innocent non plus de faire remarquer que Wölfli est entré au Kunstmuseum de Berne. La question n'étant pas de savoir si cela lui est profitable ou non, mais bien d'en finir avec une frontière qui n'existe pas.

Cela précisé, attaquons.

Je tâcherai de chroniquer le plus d'artistes que je pourrai, mais je n'ai pas choisi le travail de Richard Moszkowicz par hasard, surtout après avoir parlé de Twombly dans un article précédent.
Et il est ici une puissante question de la ligne et de l'enjeu des masses, comme si le texte inscrit au fusain ou au pastel ne cherchait point dans les mots à peine lisibles, la consolation d'une signification mais l'apaisement d'une parole, dite ou entendue, émise ou reçue, transmise et par-dessus tout possible à travers ou plus précisément le long et au-dessus du poids du paysage.
C'est l'extérieur, tout l'autour-monde qui ici est une violence à la vie, une peine-à-la-vie, un pèse-nerf que Moszkowicz applique en premier, en longues et lentes traînée verticale, en chute ou en ascension pénible et ardue, presque boueuse, dans le sens où les pas qui s'y portent sont comme des efforts pour s'en dégager.
C'est le tertre qui nous entrave et nous enfonce, alors que les mots y sont déposés dans une horizontalité adoucie, presque timide, parfois trébuchante, bancale mais toujours surnageant la masse-monde.
Et ce monde est un ensemble de faits, une continuité de faits et ces faits chutent en nous et autour de nous et face à ce vertige, il n'est pas insensé de penser qu'ils chutent pour nous ou à cause de nous.
Ce n'est pas la pensée qui s'efface dans ces lignes à peine lisibles et je ne crois pas non plus que ce soit un appel au sens, une velléité de donner corps, de faire forme à l'absurdité, mais bien de signaler simplement un possible, une étendue où le mot, sans être forcément à même d'expliquer ce qui a lieu ou de le justifier, nous permet, parce qu'il entoure le monde, l'illusion cruciale de pouvoir l'aborder, l'interroger, le jouer, le défaire en quelque sorte et même, d'une certaine manière de le maîtriser.


http://www.creahm-bruxelles.be/ 





2.08.2012

La pensée est une erreur

Nous sommes viscéralement conditionné par les choix que nous faisons ou qui sont pris pour nous.
Mais aucun de ces choix n'en est un. Il nous ai impossible d'agir parce que nous sommes incapables de penser l'action. Pourtant nous agissons en permanence.
Comme je l'ai dit précédemment la liberté est une question, c'est-à-dire que sa manifestation ne peut être une action, mais au contraire un arrêt de l'action.
Une suspension.
Nous ne faisons jamais ce que nous devons faire, comme, par exemple une pierre, l'eau ou un ver, mais ce que nous pensons devoir faire. Or l'entière pensée d'une action ne peut être que la parfaite correspondance d'une entière compréhension d'une situation, d'un état de choses ou d'un faisceau de situations, la connaissance totale d'un état ou ensemble d'états, présupposant la connaissance totale des éléments constitutifs de cet état.
Notre impuissance à agir est théoriquement totale et nous agissons tout le temps et ce, même quand nous n'agissons pas.
L'ensemble de nos actions faîtes, en train de se faire ou à faire ne sont et ne seront jamais un facteur d'évolution, mais bien une dégradation constante de ce que nous sommes au monde.

Ce n'est pas l'homme qui est une erreur. C'est la pensée.

La liberté/ Avoir le choix

En disant que la liberté c'était le choix et l'assumer, j'ai omis de préciser ce que signifiait pour moi cette idée de choix.
Et si ce n'était pas que son illusion ou simplement une question de hasard.
Un fait est ou n'est pas, il n'a pas d'alternative. Et un choix est un acte, il porte une portée, il détermine une conséquence. Il est déjà une suite.

Mais nous sommes toujours restreints. Les circonstances qui précèdent et conditionnent tout choix sont des données impossibles à saisir dans leur totalité et dont il faut se contenter.
Le choix part donc d'un à peine-connu pour se diriger vers un inconnu dont nous ne pouvons que présupposer et espérer en quelque sorte les contours et il est déterminé par un désir ou une volonté dont on doit se convaincre de l'existence sans pouvoir réellement la préciser. On ne sait que si peu de notre forme, on ne descend que si bas en nous. On ne tend que vers une idée d'une idée qu'on a de nous-même.
Tout choix revient alors à un jet de dés.
quelle que soit la précision que l'on peut avoir d'une situation A et l'image que l'on peut se faire d'une situation B à atteindre.
Tout choix est alors inconséquent parce que sa résultante sera dans tous les cas aléatoire.
Si je suis un monde, alors la connaissance de moi-même ne dépasse pas le palier de ma porte et ma connaissance de l'ensemble d'états de choses qui représente ma situation ou une situation particulière est si infime et
 l'impossibilité que signifie le futur (le futur ne sera possible que lorsqu'il sera réalisé)
confèrent à la multiplication des choix éventuels un goût hasardeux.
Et les choix se multipliant, j'augmente la preuve de mon ignorance.
A partir de là, le seul choix qui correspondrait, tant bien que mal, à ma représentation de la liberté, serait le choix unique ou l'absence de choix.

Mais au-delà de ce problème, l'ignorance manifestée dans cette multiplication des possibles de décision est une conscience des enjeux réels de la matrice-monde qui ne peut être aristotélicien, ni manichéen, ni binaire.

Et dans ce sens, la manifestation de la liberté, ne réside point dans l'acte de faire des choix, mais bien dans celui de ne pas en faire.
La liberté n'est pas une connaissance, elle est un doute. La liberté n'est pas une réponse, elle est une question.


2.07.2012

Impuissance

Ni ascendance, ni descendance, c'est vouloir garder toute latitude,
la transcendance est impossible, vidée, notre échelle est notre point-limite étirée au bout des orteils.
C'est l'immanence et l'écart d'où le passé n'a rien de vertigineux et les coordonnées d'un faire.
Au-délà la frontière, non l'inconnu, mais l'irréel, l'enclos du désoeuvrement
et ce qui en nous empêchant, nous contraint et par là-même nous ravit.
Nous ne sommes qu'humains. Et dieu n'est pas mort, il est simplement impossible.
Ce que nous pouvons atteindre est notre surface, nous surnageons.
Le seul idéal est celui qui est réalisable et nous ne pouvons couler qu'horizontalement, dans l'absence, la stagnance, la répétition résignée d'une variable à plat.
Il n'y a rien d'autre à faire que faire.

2.04.2012

Sur Twombly et l'exposition photo-graphique au Bozar

L'intérêt de parler d'un artiste que l'on ne connaît pas ou peu, c'est le pucelage que l'on porte et la naïveté d'une critique qui pourrait ressembler à une fraîcheur.
Avant d'entrer en photo-graphie, j'ai remangé de sa peinture, vite oui, toujours trop vite, oui. Mais attentif.

De certaines photo-graphies produites et présentées qui ne portent et n'apportent rien qu'un flou laxiste et quasi touristique, une nonchalance vacante, une indifférence sérielle, voire une latence enfantine, je ne parlerai pas ou simplement dans l'incompréhension du choix de leur présence sur les murs des Bozar,
photo-graphies tardives, finales, vieillissantes, d'un oeil vacillant et déjà retourné vers d'autres moments de lui-même. C'est un retour ces photos-là, pas un travail.

C'est une ligne Twombly, à priori. Une trace, oui, mais un contenant, un entoure, l'avant-explication ou plutôt l'absence d'explication, l'impossibilité du sens et la question de cette impossibilité. La vacuité d'un fond que l'on atteindra pas, les éléments d'une pensée qui sont une distance à cette pensée et au-delà de Wittgenstein, l'impossibilité même de se forger une image.
Nous ne sommes ni dans la réalité, ni de le réel, ni dans les possibles et en même temps, nous sommes dans le creuset de ce réel, quasi absent, tragiquement intouchable.
Et c'est là que le flou de certaines photo-graphies prennent une ampleur particulière et explicitent une peinture,
là où il n'y a plus d'intérêt à voir les lignes des Untitled de 1970-71, mais bien la coulée, le frottement, l'étirement qui s'étirent de ces lignes, le flou qui est le réel exprimé de ces toiles.
Ce flou qui est pour moi, l'axe déterminant du "dire" de Twombly on l'entend dans les photo-graphies "Lemon" de 2008 et "Flowers" de 2005 qui sont l'écho direct et la ligne de lecture de toiles comme les Untitled de 1985.
Si la ligne est connue, la trace, la tache appliquée, ce qu'il faut sentir et assimiler, c'est bien le flou, le détour,
non le trait mais la traînée
et l'image timide, haletante, gamine
la possibilité de l'impossible
et au-delà, non pas la mise à jour du mensonge, mais l'impossible du mensonge.
Twombly ne parle pas de vérité, ni ne la cherche. Il nous dit que l'on ne peut pas dire, pire, que l'on ne peut rien dire.