9.19.2011

L'origine des langues/2- La séparation et le lien

Et dans ce jeu de pensée, l'observation de l'enfant ne pourrait nous être d'aucun éclairage parce qu'il est immédiatement propulsé dans une phase d'apprentissage mimétique et que ses découvertes se déclinent dans un transfert d'acquis
alors que ce qui nous intéresse, nous, c'est le processus qui s'appuyant et dépassant cet acquis mène à l'invention.
L'acquis chez l'hominidé antelangue représente pour lui la totalité de son expérience et l'unique modus de transmission d'un et dans un immédiat au contour vacillant. C'est la limite de sa survie. Et de la survie dans un groupe restreint.
L'état et l'action dans ce présent flottant conditionne le geste et le cri. Un lexique succinct se suffit à la succession des immédiats du besoin et l'habitus est progressivement à même de palier et d'instinctiver le geste en cri et mimique.
Le prédicat simple est conditionné par l'expression simple d'une émotion aussi basique que vitale qui générera une action déployée dans un temps toujours présent.
Et les pronoms personnels caractérisant uniquement la présence, le sous les yeux, pourront se matérialiser au travers du geste ou de l'individualisation d'un timbre de cri ou d'une élaboration mimique personnalisée.
Nous nous trouvons encore à un stade où l'idée est impossible, où l'abstrait n'existe réellement pas mais où l'accroissement de la taille du groupe créera à l'interne comme à l'externe une extension dramatique des problématiques et une évolution vitale vers un utile différencié.
Les hypothèses de Jean-Marie Hombert et de Christophe Coupé nous proposent une intuition fondamentale dans le passage d'un langage complexifié à la proto-langue.
je cite :
"...un événement me semble présupposer le langage de manière solide. Il s'agit des premières traversées maritimes. Nous avons tenté de montrer que les traversées maritimes sur une distance d'au moins 100km, c'est-à-dire nécessitant un voyage d'au moins trois jours et trois nuits, ne peuvent aboutir sans le langage. Nous avons étudié le cas du passage d'homo sapiens du Sud-Est asiatique vers l'Australie. on ne fait pas un tel voyage en se laissant dériver. Cela exige un projet longuement mûri, avec un accord sur la nourriture à emporter, le nombre de passagers, la construction du bateau. On trouve là un ensemble de facteur qui selon moi prouvent de manière convaincante l'existence d'un langage complexe. Or la présence de l'homme en Australie est attestée il y a 50'000 ans. Ces traversées ont certainement eu lieu quelques milliers d'années avant."

Ce voyage originel que nous devons penser comme une succession d'échecs, lentement, ardemment, difficilement résolus ne pourrait avoir été effectué sans l'élaboration d'un système de cris complexifié et d'un dépassement de la gestuelle et de la mimique simple.
Si nous insistons sur cette question de l'échec, c'est qu'il devait y avoir, bien au-delà de la simple curiosité ou du simple esprit d'aventure, une nécessité aussi vitale que fondamentale pour le ou les groupe(s) concerné(s) de quitter une terre qui pour lui ou eux devait sembler achevée et de s'établir sur une autre terre, très éloignée et surtout séparée par une frontière qu'il(s) devai(en)t considérer (et qui l'étais) comme infranchissable et qu'il(s) s'estimai(en)t seul(s) capable(s) de franchir.
Les difficultés qu'induisent un tel voyage sont évidemment multiples. Mais une des questions centrales est de savoir, non pas forcément ce qui a motivé cet effort répété à résoudre l'échec, mais ce qui a poussé homo sapiens à le poursuivre et le consolider non par l'abandon du projet, mais bien en s'y tenant et en atteignant le but fixé.
Et c'est bien dans l'écheveau de complexités de ce mouvement que réside pour nous une des clés, voire la clé qui nous permettra d'imaginer quels pouvaient être les éléments grammaticaux qui ont conduit homo sapiens à ce doter d'abord d'un langage élaboré, puis d'une proto-langue.
Ce voyage initial, son retour évident et la transhumance qui s'en suivit n'ont pu se réaliser que sur un nombre gigantesque de générations et probablement sur une mécanique de solidarité entre différents groupes.
Cette traversée a dû être projetée, expliquée pour convaincre, élaborée, préparée et construite matériellement. Et ce, nous le répétons, sur plusieurs générations.
Qu'un projet de basse complexité soit mené à bien par l'unique volonté du dominant n'est compréhensible dans un système simple de signe que sur une génération et encore faut-il que le dominant domine l'entier de sa courte vie. Mais le problème de la transmission d'un but, de l'acceptation commune transgénérationnelle de la nécessité d'atteindre ce but, la description-même de ce but, ne peut se concevoir sans une structure sociétale complexe qui nécessite elle-même un haut degré de transfert du message.

Mais pour qu'il y ait projet, il doit y avoir causes et analyses. Ce voyage est d'abord une séparation. Que cette séparation n'ait pu se contenter d'une distance réduite, cela nous pousse à penser que les causes de cette transhumance dépassait les problèmes simples de la taille du groupe et le temps accordé à l'achèvement d'un projet, que cette cause, si importante soit-elle, pouvait encore se déployer dans la durée.
Mais nous pensons que la donnée fondamentale de la séparation vitale a dû, dans un premier temps, être manifeste et que des groupes se sont scindés pour survivre.
Mais que pour une raison encore inconnue, ces groupes ont senti le besoin de garder un lien.
La séparation du groupe initial n'a pas signifié son démembrement et sa perte dans la création de plusieurs groupes différents dans un oubli partagé de lui-même, mais bien dans un continuum divisé, une constante en distance qui se devait de garder un lien permanent entre les différentes "phratries".
Ce lien, c'est le messager. Le vecteur qui est l'entre-deux et l'absent et qui doit corroborer des référents qui se doivent d'être exacts.

Il y a eu un moment où le groupe pour des raisons probablement de cohésion interne, a dû se séparer consciemment. Et pour ces mêmes raisons de cohésion interne, il a dû consciemment sentir la nécessité de préserver le lien.
La complexification du langage dépend non du message, mais du vecteur.

9.15.2011

dieu n'existe pas

Les peuples mythologiques ont toujours su atténué et préservé la violence fondamentale en la répétant méthodiquement mais parce qu'il la réitérait oubliée, enfouie, ravalée.
Le judaïsme théorique su décrypter cette image en la retournant, en nouant sur la victime le noeud de sa peine.
Et le christianisme théorique défit le même en le nommant clairement, revint dans les viscères du judaïsme pour en chier le masque des pères et donner à la violence son nom en effaçant ses ombres.
Il s'agit d'une évolution de la conscience et de la critique qui déconstruit les mystères et marche de plus en plus nu.
Mais l'application a toujours fui dans l'image et les textes, interprétés au lieu d'être lu.
Si tout texte nomme c'est qu'il ne fait rien de plus que moi avec toi, en te donnant existence, il te sort de la durée qui indéfini ou plutôt redéfini perpétuellement pour précisément te finir, c'est-à-dire te déterminer dans un momentané qui est l'entier de ta vie. Nommer c'est artificiellement arrêter, c'est donner une balise, un point/ombre stable qui permet de se définir et de s'opposer.
Satan par exemple, n'est rien d'autre que le monde, la somme de la volonté et de ses représentations, les ombres sur le mur, la maya, la faiblesse, les désirs, le jugement, le comment et le pourquoi sans réponse, le doute abandonné. Dieu son pendant, quant à lui n'existe pas. Ou n'existe que comme opposition. Ni être, ni étant.
Le dieu des textes n'est que la révélation de ses mêmes textes. Dieu c'est l'individu révélé, éveillé.
Il n'y a rien que la vie.
Dieu c'est moi.

Au début était le verbe

Au début était le verbe.
Et il faut prendre ce prédicat judéo-chrétien à la lettre. Il n'a en lui pas une seconde de symbolisme, ni de mystique quelconque. Il est la totalité d'un message qui explose par sa clarté. Et la datation que la Genèse propose, bien que vague, est une datation qu'il faut prendre également au pied de la lettre en regard des considération et de la conscience historique de l'époque.
Notre démembrement de l'animalité est notre naissance au verbe, c'est-à-dire le passage lent et complexe du langage sous-tendant l'état et l'action immédiatement présente, dans un présent vacillant et étiré à la langue qui suppose et impose le développement des sociétés hominidées.
Au début était le verbe. Non l'image. Non son image. C'est à nous dans cette société parfaitement inversée, dans cette société du faux où nous avons sanctifié l'image et relu les verbes anciens comme une image déjà faîte, performante et achevée.


9.09.2011

L'origine des langues/1- L'état et l'action

Nous n'entendrons probablement jamais le son de la ou des langues alpha. Et ce n'est certainement pas si grave que ça. L'intérêt de ce présent article consistera à tenter de dégager des pistes afin de retrouver la généalogie du "comment", d'essayer de se demander quelles furent les premières syntaxes et plus particulièrement de s'interroger sur ce qui a poussé les hominidés à se détacher progressivement du langage animale pour se doter d'une ou de pré-langue(s), puis de langues à proprement parler.
Qu'est-ce qui a nécessité le passage et comment s'est-il manifesté? Quels sont les outils grammaticaux qui se sont développés les premiers?
Nous ne possédons que des agrégats de connaissances variées et nous ne sommes versés dans aucune discipline particulière des sciences humaines. Nous essayons sur cette question de penser à nu. Peut-être que ce qui nous semblera être des découvertes seront des évidences pour certains chercheurs.
En simple, nous cherchons à nous amuser à penser.
Au-delà de la naissance de la et des langues elles-même, la question de la genèse de la pensée et de ses développements ultérieurs, de l'évolution de la taille de notre cerveau, de l'extension de la durée de l'enfance, entre autre, est sous-tendue à cette problématique.
Nous estimons que l'émergence d'une pensée complexe est proportionnelle à la complexité du médium de transmission du message.

Le paradoxe pour le linguiste, c'est qu'il n'est pas en possession des outils nécessaires à la quête de son Graal. Il ne pourra se passer de l'intervention de l'anthropologue, de l'ethnologue, de l'éthologue, du paléontologue et du biologiste.
Il n'y a pas eu de pensée, ni de langues qui soient issues d'une immaculée conception, rien n'a pu surgir entièrement fait d'un néant quelconque, ce sont les conséquences d'un effort constant déterminé par des nécessités. L'enjeu est de réfléchir sur les causes potentielles. La question de cette genèse n'est pas de chercher à comprendre le comment, mais le pourquoi. Les outils grammaticaux qui ont peu à peu émergé sont les conséquences de ce pourquoi.
Il s'agit à notre avis d'aborder cette question sous un angle fonctionnaliste. Nous pensons que le principat de l'humanité sauvage comme de l'animal en couple ou en groupe est l'action et que cette action découle de la conscience d'un état, état qui définit une situation qu'il s'agit de gérer.
Et cette action doit se porter dans deux directions opposées et complémentaires. A l'intérieur du groupe afin d'assurer sa cohésion et sa pérennité et à l'extérieur du groupe pour les données fondamentales de la survie (chasse, cueillette,...). Ces deux directions créent des intersections comme par exemple la défense ou l'extension du territoire ou encore la migration.
Toute société animale s'est trouvée confrontée à ces mêmes problématiques et la question est de savoir, non pas pourquoi le passage du langage à la langue ne s'est pas produit , mais bien qu'est-ce qui a poussé certains groupes de grands singes à complexifier ses systèmes de signes. Ces groupes ont dépassé le stade d'une structuration simple de leurs sociétés basée sur la séparation entre un dominant et les autres et une répartition établie des rôles et des fonctions.
Nous pensons que nous devons aller au plus simple pour comprendre cette genèse. Nous devons réfléchir à la portée du geste et à ses limites. Je peux montrer un arbre sans avoir besoin de sonoriser un signifiant "arbre". Je peux me montrer moi-même sans avoir besoin de sonoriser un pronom personnel. Je peux gestualiser, mimer certains prédicats simples.
Dans une question aussi basique que "Qui fait quoi" (toi attaque lui/moi aller là-sur cet arbre/...) le sujet ainsi que le complément peuvent se suffire d'une succession de gestes, probablement répétés. Pour le cas du verbe, nous pouvons imaginer pour certains la possibilité du geste ou d'un son ou des deux réunis. Mais c'est dans le moteur de l'action, le verbe que la structure se complexifie et nous pensons que la nécessité de l'action était la préoccupation fondamentale autant des sociétés animales que des sociétés pré-hominidés et hominidés. Mais nous pensons également que cette nécessité ne se portait que sur l'action présente, le besoin plus ou moins immédiat ainsi que sur l'expression d'un état qui nécessite en français par exemple ou en allemand ou en serbe ou... déjà l'élaboration d'une phrase simple mais qui peut se résumer comme nous l'avons dit, à un son ou un mélange son/geste et où la répétition de ce son ou de ce mélange pourrait avoir valoir d'intensité (d'une certaine manière une fonction adverbiale).

Nous définissons alors deux axes qui pourraient pré-déterminer la frontière que nous cherchons à entrevoir entre le langage et la langue.
D'un côté la nécessité fondamentale de l'action à l'intérieur comme à l'extérieur du groupe et d'un autre côté, comme initiatrice de l'action, l'expression d'un état.
Mais nous insistons sur un point fondamental. Cette double nécessité de la transmission d'un message se trouve enclose dans un cercle dont le centre est le sujet qu'il soit individualisé ou caractérise le groupe dans son ensemble et dont les deux extrémités de son diamètre, ses limites sont constituées de deux variables correspondant au passé récent et au futur proche mais qui représente en définitive cette zone trouble, floue, intangible que nous appelons le présent.

9.01.2011

L'éternité, l'alternative et les squats genevois/1

Escale en pays trop connu. Qu'a-t-on envie d'y faire? Et quel soleil par contre... A l'inverse.
Je longe l'Usine, ce qui redeviendra le Rhône, l'apex du Léman, la Jonction puis je reviens.
La décharne qu'est devenu Artamis.
Oui. Qu'y faire? Qu'y faire à part retourner pas à pas sur d'ancien lieu, pélerinage vers jeunesse sous couvert de s'en défaire.
Cette démarche quasi religieuse est apologie de l'ennui de vivre, l'effet néfaste de l'éternité cherchée dans la pierre, dans les bitumes et ce retour en arrière en fait comme une éternité abolie.
Le Mamco ouvre à midi. Quelle alternative dans une culture qui ne se réveille pas le matin, lorsque c'est dur et que vaporeux nous sommes justement poreux et sans entrave, prêts à prendre comme me disait une amie à Berlin et les films à absorber sans défense les yeux en décollage.
J'enlève ma cravate, déboutonne ma chemise, oui je viendrai alors plus tard, donc oui je ne viendrai évidemment pas. Je laisse faire le soleil sur cette terrasse, encore 6 heures allusives, prisonnières au risque des abus d'envie dans Paresse et Complaisance.
Je n'ai étrangement appelé personne alors que j'avais bien entendu besoin de voir tout le monde.
Je me lève, je traverse la plaine, les cages du cirque, je remonte les Philosophes. La façade refaite a perdu sa corne, sur la porte de la Cave 12 un digicode, sur la porte du Bistrok la plaque du docteur Schlaudorff, chirurgien plastique, reconstruction et esthétique.
Je recule. Oui. Tout est reconstruit, un léchage esthétique et fonctionnel, une couche de vernis, un lissé plastique. Tout colle. Tout est logique et achevé.
Place de Jargonnant, j'ai évité la vieille ville et la parade de la protestance upper classe, je longe le jardin anglais, traverse le pont où l'on a tracé sauvage une piste cyclable.
Paquis putes déglinguée sous un soleil de tanne et remontée vers les grottes où j'avais déjà vécu la fin de la Sibérie et le reste. Un long temps amorphe et sans réaction devant la porte décapée au clous luisants du 10 bis.
Que reste-t-il à moi, là, de tout ça, s'il n'y a pas de destination? Un enchevêtrement de situations.
Je rentre dans Bruxelles où tout est si simple et officiel, naturel quelque soit le théâtre que l'on se donne.
Non je ne suis pas si libertaire ou si libéral que ça. Je crois aux contraintes et aux salauds nécessaires.
Pour devoir réagir. Je ne crois pas que la maison de repos soit un paradis ni même une simple éventualité à prendre comme dans le "Procès-verbal".
Quelle est l'alternative ici?
Je la préfère, même débile ou naïve comme elle a su l'être quand j'ai aimé la mépriser.