3.05.2017

Faire la fête/ Comment se débarasser d'un type chiant





On est fun. On regarde Arte et Hanouna. On ne va pas s'emmerder avec Marx et Luckàs. On lit les séries "Désobéir" au Belga ou au bar du Matin. On sait que "Libération" est de gauche et le "Figaro" de droite. Le "Gorafi" c'est tellement vrai, qu'on le partage en cuisant les oeufs pour le brunch.


Comme, on est social-démocrate, on va voter Macron pour pas voter Le Pen et on, si on lit les 4e page des journaux, on va se dire que les ouvriers et les employés de Caterpillar ont bien fait de suivre les syndicats. D'ailleurs la prochaine discussion dans ton entreprise, c'est pour avoir une plante verte dans ton open space.

Charleroi sera peut-être dans les play-off et il y a de la bisbille à The Voice.

Les ennuyeux qui me parlent des victoires du capitalismes dans les années 50-60 (mixe Taylor-Ford), dans les années 80 (le chômage comme normal) m'emmerdent. Hier soir, il y avait un concert super.

L'Europe elle a raison, parce qu'il n'y a plus de guerre en Europe.

Les syndicats ont raison, parce qu'ils ont négocié des compensations à ton renvoi.

Et pour les employés des services, tout va bien, puisqu'il n'y a plus qu'eux à ton service.

On a bien rigolé l'autre soir. Il y avait un type, il devait avoir 19 ans, il nous a parlé de "lutte des classes". J'étais en train de faire un hoummous maison et on prenait l'apéro avec un excellent vin à 8€50 du Carrefour. On l'a un peu laissé parler, j'avais mis le triptyque de PNL, c'était cool. Il était si vieux, qu'on l'aimait bien.


Il venait de Suisse et avait vécu à Paris et à Berlin.  Aujourd'hui à Bruxelles. Il nous a dit. Il n'y a plus d'usines chez nous. il n'y a plus d'ouvrier. Nous, on trouvait ça cool. Parce que le travail à la chaîne c'était pas très cool.
Il nous a fait un peu chier avec ses discours sur les partis socialistes qui faisaient tout pour nous précariser et qui ne savaient plus comment ils s'appelaient. Je l'ai fait taire en lui parlant du dernier vernissage de X qui montrait, dans des installations où il filmait des pièces carrées de plâtre noir, le solide de la pensée fragmentaire.
Il est parti bouder dans son coin avec le Gin Tonic que j'avais préparé (grains de poivre et fins morceaux de pommes).
Je n'aurais pas dû lui donner à boire. Il s'est oublié. Putain, la fête était cool! Qu'est-ce qu'il vient faire chier avec des trucs des années 60 (j'ai hésité à lui proposé un bon RO de C, mais j'aurais plutôt dû ne pas laisser Patricia, qu'on appelle Gigi, l'inviter, je saurai pour la prochaine fête).

Comme mes amis sont éduqués, on l'a un peu écouté.


"Le prolétariat ( quel mot so old school!) n'existe plus. L'Europe a décidé. Nos usines, après qu'on a séparé le travail et despécialisé les activités, qu'on a insisté sur la technologie, l'ingénieurie, foutu loin le travail séparé, qu'on a fait de l'Europe, le modèle, géographiquement éclaté, de l'usine des années soixantes (division "penseur"-ingénieur-ouvrier qualifié-ouvrier masse), en séparant géographiquement, dans la distance physique, ce qui était physiquement réel dans les zones de production (Peugeot/Fiat, ...) dans les moments les plus rudes des Beautés privées de la reconstruction post-guerre. La victoire du capital était totale bien avant 89, Maastricht confirmant la stratégie.

En 69, le discours de la lutte et les possibilités du capitalisme, du moins en Italie, se trouvait quasiment au même niveau.
Aujourd'hui, le Patronat a 30 ans d'avance.


 Et nous l'avons plus écouté. Le Hoummous était prêt et nous avions de la bonne coke.
Pauvre type, il parlait tout seul. Par pitié, je lui ai servi un autre Gin Tonic.


On entendait de temps en temps des trucs du genre...

Personne ne comprends qu'il a aujourd'hui une nouvelle classe. Qu'il faut rattraper l'ultra-libéralisme qui lui, n'a jamais abandonné la lutte.

La peur tient les CDI. La précarité tient les CDD. Ils acceptent tout. Il y a des entreprises qui n'engagent plus, elles t'offrent des contrats externalisés, 6 mois renouvelables pendant des années.D'autres qui t'offrent un contrat où elles prennent en charge les cotisations patronales mais où tu es payé à l'heure prestée et où tout les employés sont en concurrence. Il y a les stages, les stages prolongés. Il y a le chômage de masse accepté, défendu qui est l'armée de réserve du Medef et autres organisations patronales, il y a les gens à la rue et il y a les réfugiés qu'on accepte politiquement par mauvaise conscience et comme recrues éventuelles de l'armée de réserve.

Voilà la nouvelle classe.

Voilà celle qui ne sait pas qu'elle est une classe. Voilà la séparation entre col bleu et blanc, col tout court contre sans col, sans col contre "à la rue" et "réfugiés".


La nouvelle classe doit se savoir comme une classe. Elle doit se rappeler des luttes et savoir que ce que l'ouvrier a gagné sur l'Etat et le Patronat, ces deux entités l'ont récupéré au centuple.

Et avant tout, la nouvelle classe doit se parler. Doit se reconnaître.
La prochaine étape est la robotisation.

Soit des millions dans la rues, soit la guerre de guérilla, soit la société des micro-conseils.


Ce type glosait et glosait. Je venais de mettre Beyoncé . On s'amusait bien. Je l'ai foutu à la porte.









Lotta Continua!
















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