6.03.2015

Haïku de route-61/ Miguel Totem Cafe



















On a rien à faire vieux ici. Le café a merdé. Une normale américaine. J'ai tout empaqueté, ma mère aussi. Je me casse en deux et reluque sous les lits, deux fois, une habitude des angoisses banales. On ne laissera rien à Lone Pine. Tôt encore mais la lumière déjà bien pleine et la chaleur qui monte avec le vent de la neige d'ouest. Cet air parfait quand la ville est loin. On est pas trop motivé par le petit-déjeuner chinois, la conscience, elle nous arrête un peu sur le départ. Si on prend, ça mourra dans le coffre, si on laisse, ils jetteront. C'est idiot tout ça. On prend du temps, on le perd pas, on le prend juste à se demander quoi faire. Un temps pour la conscience. On sait que ça finira mal. Mais  on n'arrive pas à basarder et s'en foutre tout simplement. Le frigo, chez ma mère, il est vide comme la diète. Je n'ai jamais compris à quoi il servait depuis la mort de papa. Lui, quand il cuisinait, il faisait l'assiette en plus, il faisait des restes et il gardait les restes qu'on jetais rarement. La pénurie de mon père, celle des camps de Sibérie. La pénurie de ma mère, celle de la pauvreté suisse. La nourriture forme la jeunesse.


On l'abandonne sans la jeter, finalement. On laisse les raviers encore bien pleins sur la table et on ferme la porte. On est beau et prêt, lent à ramper quand même, on est, avec ma mère, des matins de cafés. On charge la Ford qu'on laisse à l'ombre et on prend la Main pour se mettre du ventre et dire au nerfs de reprendre la journée. Le bleu vient du désert, lavé par l'air en brise fraîche, juste douce sur nous qui remontons la rue principal vers le Miguel Totem Cafe que j'avais repéré hier. Je lui montre le Double L, le supermarché où on ira chercher de quoi manger sur la route et de l'eau, le chinois-américain. Je lui demande comment elle a dormi. Elle me répond que plutôt bien. Je lui demande comment va sa tête, elle me répond que beaucoup mieux. C'est le sommeil. Et c'est surtout cette brise de montagne, celle de neige, l'air d'en-haut, qui a léché la neige, l'air blanc. L'Amérique roule et s'arrête aux feux. J'ai l'impression que le ciel ne sait pas quel bleu choisir et le vent quelle langue parler. Lone Pine. L'entre-monde. Nous marchons sur le Styx.


Totem Cafe. Steaks, Ribs, Seafood. Une enseigne en bois, avec un arbre. Un pin. On entre sur le sol dallé. Les tables en bois sont vides. Une femme derrière le bar arrange les verres. Bois dur et massif des tables, les chaises sont disparates. En arrivant, on a longé le jardin-terrasse à l'herbes rasées, courtes. Un chef indien, taillé dans le bois, le regard loin de tout, des roues de chariot qui tiennent une table, un espace long et vide vers le bar et une commode à souvenirs. Personne à l'intérieur. Je demande si on peut s'installer dehors. Je réponds au traditionnel "how are you doing". Well, toujours well. Je meure de faim. Une table est prise sous les parasols qui ne servent encore à rien par des trekkers assez jeunes, une fille assez jolie. C'est rare. Ni totem, ni statues à l'extéreiru, pas de regards perdus. Une barrière de ranch qui préserve du Styx. Les parasols sont plantés dans les tables en plastique. L'ouest sauvage s'est civilisé et à croisé Ikea ou un pendant à l'extérieur de Miguel. On ouvre les classeurs du menu, plastifiés eux aussi. Je vais me faire un plein ventre.






















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