6.15.2015

Haïku de route-62/ No Pine's Smell in Lone Pine











Des oeufs. bien sûr. Cette omelette californienne est parfaite. Ces avocats qui justifient un peu les oeufs et le fromage étrangement suisse et coulant et les toasts, gras comme il faut. Ma mère est plus légère. J'ai les yeux toujours collés. Elle semble en forme. Je ne lui raconte pas le rêve. Il stagne. J'ai la tête en marais saumâtre. J'ai un peu peur. Je me gave. La journée sera belle. Mai en Californie. Plus loin, les arbres enfin. Je lui fais un topo de la route, les kilomètres, la perspective du lac. Je lui parle un peu de Hollywood, les photos au Double L, les acteurs et les actrices qui sont venus là, ont passé du temps dans l'Entre-Mondes à attendre "action". Riders of the Purple Sage (1925) avec Tom Mix, The Enchanted Hill (1926) avec Jack Holt, Somewhere in Sonora (1927) avec Ken Maynard, Blue Steel (1934) avec John Wayne, Hop-Along Cassidy (1935) avec William Boyd, The Charge of the Light Brigade (1936) avec Errol Flynn, Oh, Susanna! (1936) avec Gene Autry, Rhythm on the Range (1936) avec Bing Crosby, The Cowboy and the Lady (1938) avec Gary Cooper, Under Western Stars (1938) avec Roy Rogers, and Gunga Din (1939) avec Cary Grant. Les western d'après-guerre.


Je regarde les pins, en face, de l'autre côté de la route. Je me rappelle que hier soir je ne les ai pas sentis, pas plus que ce matin. Des arbres sans odeurs qui trébuchent, somnolants entre les maisons et le long des rues, des pins nigauds. Je termine mes oeufs. La serveuse remplit nos tasses de café. Je sauce un peu avec du pain. J'ai deux mémoires. La douleur et l'odeur. Je ne saurai pas dire laquelle est la première. Ma brûlure, je m'en rappelle jusqu'au goût des framboises et le docteur dans une pièce sombre qui m'arrache les lambeaux de ma peau de trois ans agglutinés à la laine de mon pull. Mais l'odeur, c'est quand il commençait vraiment à faire chaud dans la voiture et qu'on avait déjà largement passé Pise, on glissait vers la Californie et mon père qui fumait au volant et de dehors, les pins qui prenaient la mer. Je suis marqué jusqu'entre les tempes, comme si l'odeur de ces pins étaient gravée dans mes oreilles comme le vent par la fenêtre ouverte et les vacances qui commençait et la nausée, encore un peu des huit heures de route. Ici, le long de la Main, en sortant du Double L, à la terrasse de Miguel, en attendant devant le Merry-go-Round, je les voyais se tendre haut, mais sans rien à me raconter. Les pins pauvres et souterrains de Lone Pine.


Il va être temps. J'ai terminé mon assiette. Ma mère a bien mangé. On est soldé de café. On se lève foutre le camp de là. Ma mère paye. Les jeunes traînent leur trek. Une fille relève un genou entre ses bras, laisse une jambe lente, hâlée. C'est joli. On repasse devant l'indien qui fixe derrière le mur. Il fait chaud. On remonte la rue, passons Whitney Portal Rd vers le Joseph's Bi-Rite. Je connais les rayons. On s'engouffre dans l'abondance, entre les caddys. Nous prenons du raisin qui ne sent pas grand chose, de l'eau, des camels. Ma mère fume aussi. Elle est plus parcimonieuse que moi. Elle se maîtrise plus que moi. J'aimerais bien être comme ça, mais j'ai dû rater ces gènes-là. Elle a pris avec elle le nombre de paquets exact qu'elle fumera. Je ne peux donc pas lui en piquer. A chacun sa gaule. Je paye le tout et on retourne au Motel. La Ford est au soleil maintenant. Je vais rendre les clés. L'eau de la piscine est toujours aussi verdâtre. Ma mère confond encore un peu les trucs, l'ordre pour la mettre en route notre Ford, mais heureusement pas le D et le S.


























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