6.25.2015

Haïku de route- 64/ Back Dead in Silence




La nature n'accouche pas de nos délires. Heureusement. Elle ne fête pas ses morts, ni ses guerres. Elle enterre, elle charogne, elle pourrit, elle transforme et nourrit. Le sable fait ce qu'il a à faire, comme la pierraille, la caillasse, la neige de la Black Mountain. C'est moi l'homme qui y voit de l'écume dans le ciel. La mort nous rôde. Je ne crois pas que je reverrai oncle Jo. On le savait en agitant les mains avant d'amorcer la descente de la colline de Redondo. On a traversé sa vallée et j'ai marché sur le Styx à la recherche d'un chinois à l'emporter. On la voit, brandie dans les tissus étoilés au vent, le long des terre d'hommes, au front des jardins taillés, lissés. Et on s'avance dans la vie, dans les temps rares qu'on passe ensemble avec ma mère en sachant que ça finira bien un jour. Et tout cela sans réelle tristesse et sans mot, dans ces silences qu'on partage sans gène. Je ne sais pas si vous connaissez des gens avec qui échanger du silence, doucement et joyeusement, calme et bien. Je l'espère pour vous.


Je crois que l'on a aimé mes silences. Ils ont continué à m'inviter en tout cas, de m'accepter dans les après-midi d'après-classe d'hiver quand on allait fumer de la beuh trop forte et boire des Kaiser chez Djé ou chez Fabrice les soirs comme celui où j'étais venu avec écrit en bleu sur mon front "libre", en haut, dans les combles aménagées de son immeuble ou chez le capitaine Thon, shiloms et baignoires, ces heures que je passais plein et plombé, loin et là, à ne rien dire, à ne rien pouvoir dire, à ne rien suivre de dire, tant chaque phrase résonnait dans l'herbe, tant elles racontaient, abreuvaient, nouaient, dans les échos et les arborescences de tout logos, les descentes de sens, les intersections de sèmes que je grappais et suivait et les conversations qui couraient et que je ne savais pas rattraper, discussions débiles et connes et profondes et ruisselantes où j'étais noyé et filant, rebondissant comme une balle au ralenti qui ne touchait jamais le sol.


Je sais très bien pourquoi j'ai touché le front de mon père et caressé ses mains dans la chambre claustophobe au sous-sol du funérarium de Nyon. J'avais eu, sur les quais de la gare mon frère dans mes bras dans une fois rare en sortant du train long qui m'avait conduit de Bruxelles via Paris et lui m'avait amené dans le stockage des peines et m'avait laissé seul avec papa, m'attendant au pied de l'escalier sous un éclairage décent. On s'était peu vraiment touché dans la vie avec mon père. On faisait pas les choses comme cela. On ne se montrait pas à nous comme cela. Mais pau-delà de lui et par lui, c'est la mort elle-même que je voulais toucher. On doit la toucher la mort. Dans la vie. Au moins une fois. La mort par la peau c'est une caresse sur du sable rude dans une aube de nuit froide. Bac à sable des étés de parc au frimat, sable dur en bordure de mer des plages toscanes, sable des sorties de la Vallée de la mort, avant le Styx qui embraie l'orée de Lone Pine. C'est la fête des morts dans le silence de la Ford, les deux seules vraies paix dans un monde encorné, monde de crises et de cris, monde de course où je n'ai jamais voulu rien d'autres qu'on me foute la paix.













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire