6.30.2015

Haïku de route- 65/ Ideal Zurich




Tinemaha Reservoir. Une sêche maigre où l'eau montre qu'elle n'a jamais été bleue. Est-ce que tu pêchais Richard dans la Baker Creek, vers la source de la Big Pine Creek? Nous roulons et il n'y a que la carte posée sur mes genoux qui soit liquide. Où est ton eau Californie? Les bleds aiment décidemment les noms de filles. Les rues s'appellent Myrtle, Olivia, Juniper, Betty Lou. Les filles se tracent en courbe, elles sont les repères de ces trous entre les montagnes, elles sont les trous vaticinants de l'ennui et des bars du coin. US Hwy 395. J'aimerais que ma famille, ma femme, le petit et mes amis me recouvrent, s'étalent sur moi, en montagne et m'étouffent comme quand j'avais 7 ans et que je m'étais retrouvé dans la cours de l'école de Mont-Sur-Rolle, à la récré coincé et paniqué sous des gens dont je ne me souviens même pas. La route est légère ce matin. J'ai éteins la radio qui voulait encore prêcher, Klondike Lake. On appelle "lac" n'importe quoi.


Dans la trille verte de la Owen's Creek, sur la droite, plus loin, au pied de la Black Mountain, sur la 168 qui mène à Deep Springs, il y a Zurich, un ban de terre caillouteux sans rue, sans maison, sans rien. Un Zurich idéal. Quelle tristesse le pays où je suis né. Quel ennui. Vous en rêvez. Vous le fantasmez. Lisez Dürrenmatt. Ramuz. Chessex. Lisez-nous. Et même eux sont incapable de transcrire l'ennui, le vrai ennui rance de la Suisse. Le vrai ennui dégueulasse de la Suisse. Zurich. Ici. Au bout de cette route. Un rien. Dans rien. Au milieu des montagnes. J'ai envie de danser. Tous mes amis se sont maqués avec des filles d'ailleurs. Tous. Yemen, Algérie, Guinée, Pologne, France, même la France, putain, même la France est une sortie de route acceptable. Elles nous font respirer ces filles, elles nous font croire dans la réalité, elles nous y ramènent. Elles nous font un monde. Elles sont nos ailleurs. Tous mes potes se sont maqués avec une étrangère. Et ils sont bien heureux.


En y regardant bien, toutes mes copines aussi. Espagnoles, Tunisiens, Français encore. On ne savait vraiment pas vivre ensemble. On était nos miroirs chiants, fatigués, nos rêves ratés, les permanences de la classe moyenne ratée de la Suisse. On a tous voulu autre chose. Ceux qui se sont contentés sont des cons et pourrissent lentement jamais trop loin de là où ils sont nés, se sont saoulé, mais décemment, là où ils n'ont jamais pris d'héro, jamais d'ecsta ou juste comme ça, fou fou, un soir par-ci par-là. On s'est tous barré d'une manière ou d'une autre. Dans un autre pays, avec la came, dur ou douce, avec les filles, avec les deux, avec les trois, avec tout. Et on est mort. On s'est tué. Pour de vrai, sur des routes ou des chambres glauques ou des couloirs d'asiles parfaits parce que suisse. Pour de faux, en se faufilant, en bluffant et le ventre rongé parce qu'on a toujours là, cette salope de conscience. C'était pourtant pas compliqué, une caresse, une ouverture. Une légèreté. Une histoire. Un truc qu'on aurait pas dans le cul. Moi j'aime ma femme. Elle est Belge.






























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