1.21.2014

Dieudonné ou une question de temps

Ce n'est pas un problème de dire, encore moins d'interdire.
Ce ne sont ni les mots, ni le rire créé qui sont le problème, mais l'écoute et la réception de l'écoute.
Une question de bagage.
Dans une société où l'on devrait pouvoir tout dire, l'on devrait pouvoir également tout entendre,
je veux dire
avoir les outils nécessaires pour faire dans cette écoute, la part des choses
et se compartimenter, une histoire d'histoire et donc une histoire de temps.

Il n'y a pas de problème Dieudonné. Il fait ce qu'il a à faire sur un terrain qu'on laisse volontairement en friche depuis tant de temps.

Qui est Faurisson?

Que s'est-il passé en 42?
En 39?
En 33?
En 22?
En 18?
En 17?
En 14?

La compréhension de l'histoire, ce n'est pas une capacité à répondre aux questions de "Questions pour un champion". Ce n'est pas une accumulation sans lien.

Il y a eu un temps où l'on s'interrogeait sur "comment traiter, concevoir, penser l'Histoire". Est-ce une question de point de vue? Dois-je interpréter les fait? Les rendre tels quels? A quel point je désobjectivise mon propos en le disant?

Il n'y a pas un problème de public non plus, pas de décence ou d'indécence à y aller, à y rire. Il y a un comment du rire, une question de distance, de nuances et de capacités à se sécanter et ce, entre autre, par une certaine forme de connaissance.

Il y a un échec dans le temps.
Bien entendu, en généralisant, il y a clairement un problème du savoir, du comment de la transmission, de ce qui est présenté (en histoire, en géographie, en mathématique, en logique, en philosophie), de comment ce qui est présenté est entendu, abordé, digéré.

Un problème socio-économique qui dérive l'intérêt, neutralise l'analyse, oblige à réagir.

Mais avant tout, il y a un problème de temps.


Parce que, le fait de réfléchir est un fait d'arrêt, un mouvement dans la station, l'analyse est une extension par réduction, un mouvement dans l'étendue, toujours un temps pris.

Parce que ce monde-ci ne peut pas perdre son temps. Il doit courir.
Il doit se protéger.
Il doit se lever.
Il doit réagir.
Il doit être en phase de réaction.
Il doit être là.
Là.
Il ne peut se perdre à s'étendre. Il ne peut se perdre à se perdre.

C'est cette vitesse obligée qui crée dans les talk-show ou les pseudos-débats, l'impossibilité spectaculaire de développer une critique, mais uniquement de se positionner par réaction.

Lorsque l'on légifère à chaud, quel que soit le sujet, on légifère aujourd'hui pour demain. Et ce que demain nécessitera, nous n'en avons aucune idée. Mais le choix répressif, d'interdiction manifeste toujours un échec, précipité, un manque du dialogue dont on ne pèse aucunement les conséquences.

Je répète, il n'y a pas de problème Dieudonné. Il y a un problème majeur de société où le spectacle a faim et mange toujours entre les repas.

Parfois, en tant que professeur de français, je me pose la question.

Est-il encore nécessaire d'enseigner le passé composé, l'imparfait, le futur et le conditionnel
dans un monde qui n'a décidé de fonctionner qu'au futur proche et au passé récent?



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire