6.28.2016

Haïku de route-129/ One day like a for one one's



























J'ai l'impression que cette journée en a duré quatre. Je somnole, je sirote, ma mère roule. On regarde la plaine qui s'ouvre, noyée de vergers, des jaunes sur le sol et des verts plus clairs, plus gris, plus secs et sales. Le soleil me brûle la joue. Je ne vois pas les yeux de ma mère derrière ses lunettes noires. Je devrais peut-être m'en acheter. Je verrai ça à Fresno. On trace sur la ligne. J'aimerais rêver à Babylone mais je regarde vers grand-papa et je regarde vers ma mère. Elle est petite fille, elle a 8 ans et conduit la Ford. C'est elle l'enfant et moi le vieux qui flâne sur la ligne droite et claire de la 41 et les vallonées d'un mois de juin qui arrivent et cramera des forêts plus au nord plus tard. C'est comme ça le temps, on croit qu'on est qui on est et que ça ne fait que vieillir et pourrir et se lasser en ne sachant ni ne comprenant toujours jamais rien à rien. Mais ce sont de belles conneries. On passe notre vie à voyager dans le temps et laisse quelqu'un te raconter du temps crevé et enterré, il sortira de tombe ce temps et il te glissera dans tous les Babylones qui te font mettre une chaussette et pas la deuxième. On flotte et coule et on s'envole et on rugit et rampe et on ne vit qu'ailleurs, tout le temps toujours. Voilà pourquoi on boit, on se came, on se bat, on se frappe des murs ou des gueules, parce qu'il n'y a que la douleur qui nous ramène un tant soit peu à aujourd'hui, à une ou deux seconde de maintenant. Si tu ne sais pas ça, tu es un fantôme. Et le monde est peuplé de fantômes. Moi je ne suis qu'un zombie qui trace un bon moment avec ma fille, ma mère.


C'est bien de voir la carte se réduire. C'est bien de se rapprocher. Parfois on est juste fatigué et ça peut être beau ou bien, on aimerait juste prendre une douche. On dirait en voyant les arbres et les herbes et le reste qui poussent que l'eau est bonne et pleine en-dessous et gorge tout. On voit les cascades du parc et l'eau qui tombe sur la plaine. On croit que c'est comme ça, que c'était comme ça et que ce sera comme ça. Même si tout est sec et terne, tout est là. Il y a des durs qui pensent que tuer un homme c'est un truc qui se fait et qui prennent des voix graves pour raconter la vie et la mort. C'est dingue comme on est tous des gosses et qu'on pense tout loin en nous que rien ne change, ni n'advient et que rien n'est fini avec des histoires de ciel et de regarder cette étoile ou l'oeil du pauvre con de frère dans le fond de sa tombe. Cette éternité des mystagogies. La civilisation. C'est probablement le truc le plus ridicule, le plus minable et le plus pathétique que notre race de singes a su inventer. Je suis sûr que si j'étais resté un singe, j'aurais été super bien dans la Ford à regarder ma mère derrière ses lunettes de soleil conduire vers Fresno. Les touts de ce monde sont mes riens. Un jour, nous avons décidé de nous parler. Alors on inventé le temps. Et tous les liens logiques pour s'expliquer, s'opposer, se conditionner.  Un jour, on a voulu plus. On a voulu s'étendre, étendre le groupe, l'étendre dans l'espace. On a voulu voir du pays. Ce jour, on aurait dû se bourrer la tronche et tout oublier le lendemain. La première erreur des hommes c'est d'avoir étendu les bras. Depuis il n'a jamais su les refermer. On aurait juste dû fermer notre gueule. Mais elle est devenu une bouche. Pour mentir et avaler des beef burger.


Prends cette route ou celle-là, prends les toutes, prends. N'hésite à aucun carrefour. J'hésite à tellement de carrefour. Ma vie ne sera plus jamais la même si je prends à droite, plus jamais la même si je prends à gauche. Et même hésiter et rester planter là, comme un idiot, c'est déjà une autre vie. C'est dingue ce que les gens ne font qu'aller et attendre ou faire comme il faut, bien comme il faut, en suivant la ligne. L'Amérique, c'est nous. La ligne claire. La ligne finie et infinie, la ligne sûre. L'Amérique a pris un chalumeau et a brûlé toutes les lignes de ta main. Tu n'as même plus la possibilité de prendre un joli rasoir et de te rajouter un peu de temps, un peu d'amour. Moi, je rêve d'un fusil et de mettre le doigt à travers ma vie. J'ai des mots d'eau moi. Des mots d'airs. Je ne sais pas parler des plaines sèches. C'est chiant comme l'Oberland bernois. Comme la Belgique. On longe des talus et des barrières barbelées et torves. Il y a la lumière par contre, elle brûle encore ma joue. On dirait que le soleil veut pomper toute l'eau de la Californie et la brûler tout doucement. Il y a des fleurs blanches parfois. Elles sont rares. Elles sont toutes petites. Il y a à nouveau ces panneaux qui nous demandent de dénoncer les conducteurs ivres. Un camping car arrêté sur le bas côté. J'ai envie de cuisiner des champignons. Avec de l'ail et des poireaux. Et du vin blanc. Et y mettre un peu de poulet et faire tout ça revenir lentement, réduire l'eau des champignons, puis réduire le vin et puis adoucir la crème à feu très doux. Et puis mettre la table et m'asseoir et appeler ma mère et mon père mort et mon frère et ma femme et le petit et mes amis et ouvrir quelques bouteilles et regarder tout le monde manger en fumant une cigarette.
















































































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire