5.12.2015

Haïku de route-56/ Orange Leather 77




Whitney Portal, Mountain view, Bush et Willow. On traverse finalement la route avant le passage piéton et on longe les bâtiments. Ma mère s'arrête mais je lui demande de rester dans la voiture. Je cherche la réception. Je prends le passage entre les bâtiments. Elle est là. Je retourne vers ma mère. On se rembarque sur la Main, elle manoeuvre et on passe le piéton. On se gare dans l'officiel, en plein soleil devant les murs ocres aux quarts d'arche en bois stylisée et les systèmes d'aération.. Je savais bien. Au bout de la route, le dernier Motel sur la gauche, sur Main Street en face de la station Mobile. On avait des fruits dans le coffre. On verra plus tard. Je marche vers la réception, l'I-Pad dans la main, je regarde le bunker de piscine, la cage minable d'eau verte au bord de la route et les chaises blanches toutes en plastique. On dirait la porte d'une maison. Le desk est minuscule, les clochettes au plafond m'annonce. Elle doit être Vietnamienne ou Cambodgienne comme les noms de rues à Keeler. Je lui montre la réservation. Tout est en ordre. Mes papiers. Je paye de suite le King Size. On dormira ensemble. Je ressors. Je souris. On prend tout ce qu'il y a dans le coffre, nos valisettes et le vivant tiède. On aurait pu rester où on s'était parqué.


De plein-pied à Lone Pine. J'ai la bougeotte comme d'habitude. J'ouvre la porte. Un couvre-lit épais en damier à fleurs pâles. Le micro-onde noir sur le frigo blanc et la tv noir qui surplombe et les câbles noirs qui coulent sur le mur blanc en face du lit. Un grand miroir au fond avec un néon crachant dans cette chambre sombre d'un soleil toujours là, les rideaux tirés et l'évier, les linges empilés, le sèche-cheveux fixé au mur et la machine à café que je ne comprendrais pas. Dans la salle de bain, une grande baignoire qui offre des perspectives à remous, énième image du rêve américain qui ne fonctionnera pas, plus tard dans le soir quand j'appuyerai sur tous les boutons. On se divise l'espace restreint pour étaler ou ranger nos affaires. Je dormirai à droite. Ma mère à gauche. A coté de la porte il y a une petite table ronde en faux bois, contre la fenêtre et deux petits fauteuils au beau vert pin terne qui fonde l'orange cuir 77 du mur où ma mère s'installe et sourit de l'enfin en mangeant du melon tiède dans une barquette en plastique. On laisse la porte ouverte. On ouvre les tentures. On laisse le diaphane des rideaux et le néon au fond.


On allume l'abat-jour aussi. On change les lumières. Ce soleil trop plein d'aujourd'hui, un peu trop ample et trop gorgé pour nous, nous qui n'aurions rien à faire là. Enfin moi surtout. Ma mère c'est le sud, c'est une peau de Toscane. Une peau de Toscane née entre les montagnes dans cette ville d'Aigle qui a raté le lac et qui porte un nom trop haut pour elle. Un désespoir cette ville, mouroir à toute envie. On se réveille le matin avec un rêve à mettre en vie et, à peine sorti, on ne peut rien voir sans lever le nez et se casser la nuque à prendre un peu de ciel. C'est suicidaire une ville au pied des montagnes, ça coupe les jambes avant de les avoir mis en marche et même si on buvait toute la vigne, il y aurait toujours ces falaises pour nous redire la réalité et cette évidence de l'homme qui n'aurait rien à faire là. La montagne c'est un creux d'air, ça sert à faire descendre les vents puis à les faire remonter et fermer les ciels. C'est comme Lone Pine. Entre les montagnes et les montagnes, celles des fourneaux et celles des gelures. Je ne sais même plus si je me suis douché avant de sortir voir quoi et comment. Je crois que oui.






















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