5.06.2015

Haïku de route- 55/ Owen's Death














Sur cette plaine détournée, les montagnes font étau sur les tempes de ma mère. On a quitté la gouille creuse et sèche du lac mort d'Owen, mort pour LA. Et les montagnes sont les mâchoires fixes de la mâchoire mobile de la route 136 où les Miles défilent et se compte en battement de coeur, les battements du sang de la migraine et les battements que je tends vers Lone Pine pour que la ville se rapproche de la Ford. En levant l'oeil, nous pourrions rêver du mors doux des nuages, mais elle et moi, nous rivons sur la 136 les Queen-Size et les rideaux tirés qui obscurent les migraines. Nous ne bifurquerons pas sur Dolomite Loop et les baraques aux toits de tôles qui rongent et carrient la montagne. On fuse vers Owen's River ou ce qu'il en reste et la vraie porte de Lone Pine. L'Amérique c'est le décharnement de l'abondance, le déplacement décharné de l'abondance comme les errants au sac dans les toiles de Chagall, les coqs qui rient les réveils des hommes qui se songent survolant les villes qu'ils digèrent.


On passe un pont sans nom après lequel tout devient vert. Mais on le remarque à peine. D'autres lignes claires. Notre vie traverse des lignes claires qu'on ne sait pas lire ou qu'on ne lit pas à temps ou qu'on lit tard ou trop tard. Là c'est juste la vie qui veut bien revenir, celle qui se montre et qui éclot, celle, évidente et sans effort, celle de l'herbe verte et des Kentucky Friend Chicken. Derrière nous, c'était la vie à traquer, la vie en-dessous, la vie glissée entre les roches, la vie rare. Eastern Sierra Interagency Visitor juste avant le croisement avec la 395. Le pharynx d'où l'on vient, le larynx de Lone Pine. Le golf en face, comme s'il fallait un golf pour être. Des trachées vertes qui languissent vers le Comfort Inn, les prémice et la route qui décide d'être S Main street. De la verdure et des terres-pleins décharnés, des salves en bordure, quatre, cinq voitures parquées dans la poussière à côté d'un entassement de ferrailles rouillées avant le croisement pour Burkhart Road. L'Amérique, enfin.


Je ne sais pas d'où peut bien venir Quing Ah Rd, Pah Ha Vitch Rd, Haiwee Rd. Une ville de vétérans? Mais on s'en fout. Pour l'instant, c'est juste trouver le Mt Whitney Motel. Je gigue les yeux à gauche et à droite. Ma mère est en pilote automatique. On passe le Trails, E Inyio Street, E Muir Street, le Portal. On s'arrête en face du Mc Donald, de l'autre côté de la rue. Je sors et je cours. Je théâtre parce qu'il faut faire et montrer et parce que je ne sais pas, ni où, ni quoi et que dans la Ford, les derniers mètres lourdent. Je fais un bout dans Muir, je prends Hay Street. Je sais que ce n'est pas là. Je fais comme si. Je me fais comme si. Mais les cartes sont là et je sais et je sens que je sais, je sens le sûr, un sûr su et je retourne vers la voiture et montrer ou plutôt jouer, mon sûr, un sûr sans savoir, un sûr senti et je dois le jouer sans doute ni hésitation dans la voix parce que les mètres comptent et qu'il faut un su sûr pour repartir. Tu manges ton senti et les yeux dans les yeux, tu le certifies. Et l'autre sent ton su et y croit et la Ford redémarre jusqu'au bout de S Main Street.











































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