5.26.2015

Haïku de route-58/ Chinese Food on the Styx






Je sors du Double L et reprend la Main de l'Entre-monde sous un bleu en balance, jauni et granuleux dans l'est du désert, lavé et soyeux dans la tranche du Mt Whitney. La journée tombe. Je traverse la rue et longe le Lloyd's of Lone Pine, passe le Subway et j'entre dans le parking du Joseph's Bi-Rite Market. Je pousse les portes, déjà fermées, regarde à l'intérieur, un vieux me rejoins, "Already?". "Seems to..." Un caddy bourré sort, la porte tenue par un employé, en rouge qui nous jauge. On négocie. Le vieux négocie. On s'arrête pour trois fois rien, on entre, trace, prend, paye et on vous laisse tranquille. Le jeune regarde autour, s'assure que personne ne guette, qu'on est bien les derniers à se faufiler et nous laisse entrer. Paysage naturel du supermarché américains, modèle transvasé, idéal, universelle, comme une ville. Je fonce l'allée, bifurque la perpendiculaire, vers la ligne de frigo du fond. Je prends deux Lits, les litres et me dirige vers les caisses avec un arrêt au fruit. On se retrouve avec le vieux, juste devant moi et la caissière qui alpague le jeune qui rentre les dernières choses qui traînent à l'extérieur. Elle grasse et nasallise une fin de journée dans les bottes. On paye. On sort.


Je n'ai pas besoin de finir le repérage, le Double L m'a tout dit. Je retourne au Motel avec le menu et les opportunités en tête, j'ai de quoi proposer, je sens que ma mère va tendre en Chine. Je n'ai aucune idée de l'heure. J'ai laissé mes montres dans mes 14 ans. Les swatches que m'offrait Michel, celle avec les hommes de Lascaut et la dernière, je crois, celle en liège, pour garder mon père au poignet et pour qu'il rythme mes heures d'ennui en classe quand, de la pointe d'un crayon, j'essayais de passer le temps en creusant ma table pour une tanière où me réduire. Je repasse devant le Double L, tanière sombre d'oiseaux morts, tués par les chats, bouffés par les pies, caverne de plume dans cette ville tranchée entre les mondes et les extrêmes, fendue par les bandes passantes, telles nous, ville interrompue où les oiseaux ne sont plus que des plumes à boire dans les antres sombres. Je frappe à la porte, ma mère m'ouvre. Je lui donne les fruits. Elle semble un peu reposée. Son sombre à elle, de chambre, qui tamise la migraine. Elle prendra le chinois. Je bois une Lit dehors, en fumant, avant de repartir.


Je reprends le chemin. Presque un habitué. Le double L, Joseph's Bi-Rite, je traverse Withney Portal Rd, j'évite le Season's et je passe la barrière en bois du Merry Go-Round. Un lion sur une stèle chinifiée posée sur un simili-mur de pelleux cimentés m'accueille d'une pleine colère, son regard bas sur moi, l'enseigne au néon pointille le nom du restaurant, une plaquette en bois me welcome et un lampadaire faux 19e à trois lampes me scie les yeux. J'entre. Quelques tables remplies, du vide. Un serveur se jette sur moi. La part asiatique et fonctionnel de Lone Pine. Je demande un Take away et descend rapidement pour une fois sur la carte, je choisis vite, riz et nouille, boeuf et poulet. Come back dans vingt minutes, assez pour boire un verre ou errer. Je ressors. Plus de bleu. Le noir a pris le ciel et l'enseigne le rassure de ces néons; Le "Margie's" haut qui trône, l'étoile de la modernité, dans son verdâtre laiteux électrique surplombant le "Merry go" en igné artificiel et ce carrousel qui fait l'entre, sans lumière comme la ville qui fait l'entre et se terre et tourne sur elle-même, en burger entre les roches et le retour du faux feu, l'orangé acide du "Round" sur le soleil diodé BAR, B-Q, LAMB, STEAKS, RIBBS. J'ai moins soif. Je vais faire un tour sur le Styx qu'est la Main Road sentir dans la nuit les masses rocheuses qui pressent la ville comme un point noir.









































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