5.30.2015

Haïku de route-60/ Day Dreams



Retour par l'aube. Les yeux ouverts avant le filet qui passera entre les rideaux.Je sors du lit, mais j'y reste encore. Je me lève mais dans de la tourbe de rêve. J'ai fixé mes yeux, après le réveil, gardé serré, fermé pour ne rien perdre, comme la chambre noir, quand on ouvre la porte au pire moment. C'est là qu'on gâche les rêves et qu'on les efface. En ouvrant les yeux trop vite. Je suis resté dans le levé sans oiseaux, les paupières bien callées pour ne rien laisser filer. Les rêves sont des eaux fuyantes qu'il faut transformer en mare. Et vivre ensuite la journée, les pieds dans le biotope de cette mare. Je ne sais plus si la tourbe, c'est le lit ou l'intéreiur de mes yeux que j'emmène sous la douche, en fermant la porte doucement pour ne pas réveiller ma mère qui dort toujours. J'ai pris un des slips que j'avais lavé et fait sécher à Barstow, une chemise encore vierge, le rêve demande ce genre de chose. Et l'eau. Chaude d'abord, et froide pour en sortir, de tout, de la nuit et pour y entrer, dans le jour qui veut bien.


Mais ça reste. C'était d'abord une impression. Une impression qui chutait. J'ai pris le tracteur et j'ai fui Rolle par la route du lac, mais c'était déjà là. Une brume très sombre qui avalait derrière, une brume de nuit qui prenait le jour comme de l'acrylique noir répandue au rouleau sur la toile où le tracteur se traînait. J'ai essayé. Mais j'ai été absorbé. J'ai réapparu dans les vestiaires d'une arêne souterraine, je bandais mes mains. Mon adversaire assis en face de moi faisait de même. Il ne me regardait pas. Il était énorme. Sa tête était un noeud énorme, un noeud de chair qui bandait ses mains. Nous nous sommes retrouvé sur le ring. Il voulait m'absorber. Il devait m'engloutir et moi je courais en rond. Le public me huait. Et j'ai fui. Dimitri m'a accompagné à travers les couloirs jusqu'au hall immense et sombre de ce qui ressemblait à un palais de justice. Il m'a enfourné dans un taxi qui m'a conduit dans une périphérie dévastée par des bombardements. Il faisait très beau. Très chaud. Des enfants jouaient. Il ne restait qu'un immeuble debout. Avec un balcon au dernier étage. Je me sentais bien et suivi. Je me suis retrouvé sur ce balcon et la vue dégagée sur rien et les ruines.


La lumière est venue, tombée vite comme la noirceur sur Rolle. Je sors fumer une cigarette, les cheveux encore trempes, le corps encore cougné. Je devrais m'étirer plus. Mieux. Je regarde le Mt Whitney. La poussière sur le parking. J'hésite à aller nager dans le bunker d'eau verdâtre. Je n'hésite pas longtemps. Je regarde mes mails. Je suis toujours sur ce balcon. La nuit est venue. La pièce s'est remplie. Et plus elle se remplissait moins j'avais envie d'y être. Je crois que le monstre contre lequel je devais me battre c'était moi. Mon moi monstrueux. Et il avait gagné. J'avais fui. J'avais fui sans lui. Je me demande où il est. Je me demande qui est là. Je me demande qui de nous deux s'est réveillé ce matin et hésitait, là, à aller se baigner dans l'eau verdâtre. Je fais un Candy Crush pour ne pas penser. Il semble qu'il n'y ait pas de petit-déjeuner ici. On ira dans la Main. J'entends ma mère émerger, je vais essayer de faire un café. Je me retourne pour voir si la ville n'a pas été repeinte en noir.



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