7.13.2015

Haïku de route-68/ Back for More






Ma maman je l'aime, même si on ne parle pas beaucoup et qu'elle m'énerve souvent. Nous n'avons jamais tant parlé, je l'ai déjà dit. Ce n'était pas les moeurs, pas les temps, c'était ainsi ou alors je ne me rappelle de rien ou je me rappelle faux ou ça devait être comme cela qu'il fallait oublier ou écrire sa propre histoire en avançant silencieux. Mais je ne crois pas. Je me suis toujours rappelé. Jamais les mots précis, rarement les mots en fait, mais leurs goûts oui, et surtout s'ils avaient été là ou pas. La communication dans le silence, c'est là, dans cet espace tellement vaste que s'étend la confiance. Ce sont toujours des yeux la confiance, un peu de lèvre à lire mais sans le son, une main sur l'épaule. elle est tacite. Plus vous entendez de mots dans une phrase, plus vous savez qu'on vous ballade. Les parleurs sont des enculeurs. Ils vous enverront des tonnes de baisers et vous embrasseront fort et lentement et souvent et vous laisseront un jour avec le chemin vide ou la maison vide et des tonnes de mots qui vous saliront dans la tête dans l'écho de toutes vos solitudes. L'amour est silencieux.


On passe au-dessus de Mammoth Creek, tout droit à l'échangeur de la 203 qui mène au Meridian Blv ou à la Lake Mary Rd de Mammoth Lakes. Toute cette eau promise, on n'en voit rien. La seule chose qui coule c'est l'asphalte et nous dessus. On est pas très motivé à visiter une station de ski et les sillons habituels dans la forêt, des langues d'arbres et des pistes bleues, rouges avec des noms comme Coyote, Solitude, Wall Street, Easy Rider ou Back for More. On met des mots quand même. On parle de la piscine dans laquelle nous ne voulions pas nous baigner alors que ma mère adore nager avec sa tête toujours hors de l'eau. On parle de la mort qu'on a traversée, des arbres qui viennent, des voitures monstrueuses, de la graisse des Américains alors qu'elle et moi nous sommes des os et son corps de gamline à elle. Encore ma main, par la vitre, je tête l'air qui mute la Sierra Nevada, un air qui a pris entre les troncs, un air d'écorce et de neige. Je joue au gamin qui vole, la paume sur le filant d'air. J'aimerais être assis sur le balancier d'une vieille horloge dans une salle à manger où tous les miens, famille, amis seraient assis à manger dans un long ensemble que j'observerais heureux et oscillant dans le poids de chaque seconde que je savourerais.


Je crois bien que j'ai pris toute la tendresse de ma mère les quatre, cinq premières années de ma vie. Je dis pas que c'est l'arrivée de mon frère qui a tout changé, qu'il m'aurait volé quelque chose ou des conneries comme ça. Je crois que j'ai épuisé ses bras, ses cuisses, ses jupes à m'y accrocher tant et tant et à hurler le reste du temps, à vivre terrifié hors d'elle, à vivre terrifié par ce monde que je devrai boire dès que j'ai pu, terrifié des autres et des bêtes, entre lesquelles je ne faisais aucune différence. C'était évident que ça ne pouvait pas durer. Elle m'a pris un jour dans ses bras et m'a jeté dans la mer. Probablement pour que je lui foute la paix d'abord, puis pour que je vive un peu, quand même. J'ai recrié un peu à l'adolescence. Maintenant je crie à l'intérieur de moi des mots silencieux qui vous disent : Hey, allez-y! et que je fais voguer sur un océan de bière et de vin. Et ça doit être ça le laisser-aller. Prendre ceux qu'on aime et les lancer dans le monde. On reste pas loin. On tient le frigo. On assure un toit. On fout les gamins dehors dès qu'on peut, on s'inquiète dans le ventre, en silence et on laisse la porte ouverte ou alors on fait un double des clés quand on devient vieux et que la peur monte.























Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire