7.18.2015

Haïku de route-70/ Crestwood Rest Area





C'est la première fois du voyage que la nature parvient à cacher le ciel. Le premier tronçon d'un ciel en parcelle et le bleu qui se repose sur un nid d'aiguilles. Une lame de lumière suivant la ligne blanche de la 395. Oui, c'est la première fois que le ciel s'absente. C'est le contraire de la booze. Ou une autre image. L'alcool nous calle sous les pins, nous protège de la lumière toujours trop vive et du ciel toujours trop loin. Non. Moi, en fait. Je ne sais pas comment vous buvez. Moi je bois parce que le ciel est trop clair et le désert trop présent et en même temps trop habité. Je bois pour des océans d'arbres à me border dans l'après-midi. Et il y a toujours, à un moment donné, un verre qui éclaircit la touffeur, toujours un verre qui découvre la clairière, toujours un verre qui met les choses au pas et rend la normalité plus normale, la refroidit un peu. Les verres, les premiers, m'ouvrent à des possibles incroyables de n'importe quoi. Mais il y a toujours un verre qui me ramène au monde, qui fatigue ses tentatives de le désirer, il y a toujours un verre qui me réveille. Alors il ne me reste plus qu'à respirer un bon coup, soulever de la fonte et nettoyer le merdier.


Mammoth Scenic Loop. Des routes qui s'enchevêtrent dans toutes les directions. La sève de la civilisation coule dans les bois. On a besoin de pisser. La route est nue de Total, Exxon et autres depuis quelques temps. Un panneau nous indique un aire de repos. Ma mère ralentit. Il semble qu'on va devoir chevaucher la route. L'aire se trouve sur notre gauche. Elle s'engage prudemment dans l'entre-deux. Elle trouve tout ça bien dangereux. C'est comme couper une autoroute sans feux ni stop. Mais ça va, le traffic n'est pas trop dense. Elle flippe un peu quand même. "Mais, ils sont fous quand même". Oui, oui. Vas-y. Jette-toi. C'est toujours D. C'est facile pour moi. Facile de m'énerver. De ne pas comprendre. Facile de glisser sur l'autre, ne pas faire l'effort de prendre sa place. Passer mon permis de conduire par exemple. Imaginer que j'ai 70 ans par exemple. Imaginer. Prendre du temps pour imaginer au lieu de prendre mes nerfs pour m'énerver. Mais je n'arrive qu'à rêver. Je n'ai jamais su imaginer. Je n'ai pas d'imagination. C'est quand même un peu con pour quelqu'un qui veut être écrivain.


On se parque dans un nuage de bitume au milieu d'une nuée d'arbres. Deux autres voitures. Un camping-car. Crestwood Rest Area. On sort. Les toilettes sont grandes. Hautes. Propres. J'entre dans une cabine. Je recouvre le siège de papier. Je regarde la porte. Je sens la fraîcheur passer dessous, remonter vers moi, ma puanteur. Je retourne vers la voiture, ma mère voudrait manger le raisin. Je retourne dans les chiottes le passer sous l'eau. Je regarde l'affiche. OMG! Your phone is turning you into a Zombie! Mobile Zombie. Behavior: Stares blankly at their mobile device, brainlessly chats or texts away. Survival Tip: Never talk or text on a cell while driving. Other notable Zombie Types : Day Dreamin' Zombie. Glam Zombie. Grubbin Zombie. Party Zombie. Il y a parfois un peu de vérité dans une publicité, même si elle n'est faite que pour la prévention routière. Elle doit du vrai. Elle doit avaler quelques couleuvres. Mon téléphone ne semble par reconnaître la Californie. Je vis sans lui et sans y penser. Je pourrais retourner au monde d'avant sans problème. Internet pourrait disparaître. Les téléphones mobiles disparaître, je sais que ça ne me ferait rien. Et c'est tellement bon de le savoir.




















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