7.16.2015

Haïku de route-69/ Dark green













La 395 penche vers le nord. Le day est cool. Je réessaye la radio. Je fais le tour en regardant les nombres défiler comme des sémaphores paniqués, s'arrêtant sur des prêches en espagnole, en anglais, de la pop mexicaine. Je croyais qu'il y avait des stations comme dans les films avec des musiques faites pour la route. Mais peut-être que je ne sais pas ce que c'est que la route ou la musique. Ses échangeurs ressemblent à des noeuds d'arbres ou des gousses qui poussent ou deux arcs tendus face à face, prêts à s'entre-tuer. Une usine géothermique pointe ses alvéoles le long de Substation Rd, des blocs de légo pour bouffer au sol une chaleur qui tombe toute dense du ciel. Minaret Rd nous longe en nous séparant les pins qui prennent sur la gauche. La vie crie, tâchète de vert la plaine et les Creeks chantent sous terre. Et nous, dans l'habitacle, on est juste bien. J'imagine sur la banquette arrière ma femme et le petit. Il y aurait bien plus de mots. Il y aurait une vie commentée. Mais ce serait chaud. Et ce serait les miens.


La douceur du vert, son éclat, sa rayonnance, ses nuances chaudes et joyeuses, on ne les a vu que dans les jardins inondés par les Creeks pompées, cette jubilance phréatique, les nappes aspirées pour éclore dans les enclos des maisons privées sous les étendards où la vie paraît et explose, abonde sous l'arrosage automatique dans l'orgueil ivre de gaspiller. Antelope Rd s'effondre sur la droite et nous entrons tous ensemble dans une chatte sombre de pins, des centaines de cimes bandées qui prennent le ciel comme un linge de cuisine qu'on refermerait sur un plan de travail. Après tous ces miles où il n'y avait que la caillasse qui osait se dresser face au soleil, la nature vivante, enfin, nous ombre la route. Je me sens comme un puceron dans un champ, une poussière dans un tapis inondé d'halogène, un parasite quelconque en paix dans la touffeur, un être humain qui cesserait un peu de trembler, dissimuler de l'infini. Une balle de flipper qui retrouverait ses bandes. J'étais si petit quand je courais seul entre les rangées de vignes. Je jouais à la guerre en Afghanistan. Celle des Russes. Je rampais entre les sarments. A la montagne je soufflais derrière les troncs. Les sapins sentaient bon. Ils me protégeaient de l'angoisse de la pierre qui fermait le monde et de l'angoisse du ciel qui n'a jamais été fait pour les hommes.


Avec Aymon, on s'était cuité au café El Horreya, à la Sakara et on avait continué à l'appartement. On s'était réveillé le lendemain dans la torpeur du Caire et la tête dans le cul moite sans avoir rien préparé du spectacle de marionnettes que nous étions censé présenté trois heures plus tard dans la touffeur d'une aula d'école devant des gamins qui nous attendaient avec impatience. Je ne me rappelle plus le nom de la femme qui était venu nous chercher. On s'est retrouvé dans sa voiture et je suais déjà mes litres de bière tandis qu'Aymon, dans le silence, les marionnettes dans le coffre, construisait notre improvisation en ramant ses neurones. Je crois que c'était vers Héliopolis. L'extension de la ville dans le désert du nord, dans le désert gagné et la plèbe oubliée de la Upper Class cairote. J'étais une variable nauséeuse et je baignais mes yeux dans l'étalée des quartiers de la mégalopole. Les bâtiments, les immeubles, les routes venaient d'être construites, rutilantes, fraîches, légères et brillantes dans le désert qu'on regardait s'étendre plus loin en sortant les marionnettes du coffre. Et les carrefours traversés et ce dernier carrefour qu'on traversait pour aller vers l'école qui bandait ses fleurs et le vert joyeux et les rouges éclatants, inondé d'une eau si rare comme les chasse d'eau des hôtels de Jordanie, des torrents d'abondance, le factice du riche dans le gaspillage de sa rareté. Ici, le long de la 395, le vert est terne. Il respecte son quota. La nature est moche mais elle ne montre que sa pudeur.






















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