1.13.2016

Haïku de route-107/ They are slick Wet or Dry






























Ça vient et ça danse et c'est une fin en soi qui s'écoule au tympan, un début, un milieu et une fin qui s'effondre, un fleuve debout qu'on regarde d'abord par les oreilles qui sont notre troisième œil. Il y a un styx dressé derrière les arbres, un styx à mourir dans le mantra des trombes ou un léthé à effacer la meute et à achever les souvenirs d'enfance. On reprend le sentier qui devait être bien agréable quand il n'existait pas encore, qu'il était à peine taillé et qu'il n'y avait personne dans le parc qui n'en était pas encore un. Devant, le chemin continue vers un autre parking et nous prenons le coude, à gauche, en frôlant d'autres corps qui descendent l'étroit que nous remontons et là, Brideveil Fall. Ma mère et moi, on les a toujours aimées ces affalées où les murmures d'eau sont hurlés, le souffle liquide et continu et cette crinière bleue d'argent qui vacille, plus bandante que le câble tendu de la pisse-vache, cette volute de crins qui rend la montagne en un cheval lourd de titan. Mais ce n'est rien des chutes d'Island et les longues larmes des déserts de lune, rien pour ma mère qui, un peu larguée à Rio, dans ces années folles, avait descendu le Brésil en avion vers les températures étouffantes et l'humidité qui cascade les corps pour aller voir, seule et bien seule les 275 sauts d'Iguazu, cataractes guarani, i et Kuala, les grandes eaux tombant de partout avant de rentrer dans son hôtel première classe rongé de cafards. Brideveil Fall n'est pas la gorge du diable, juste une belle langue qui m'attire et le bruit de l'eau qui tombe.


Les vieux, les trop gras, les invalides, les timides et ma mère s'emmassent dans la goutte du point-de-vue, mitraillant ou respirant la chute qui dégringole et se décline en terrasses de gouilles, points, points-virgules, double-point de roches et toute la ponctuation d'une phrase d'eau qui cherche à reprendre son sens après un trait de cri. On prend la pose. On s'adosse. On se serre. On libère l'espace, on se bouscule, on ne regarde rien, ses pieds ou le sentiers en retournant vers les parkings et les cars. On est trop proche les uns des autres pour que la chute puisse couvrir l'extase so amazing, les cheeses et les équivalents asiatiques ou espagnoles. On entend peu les émerveillées en tigrinya, swaza,en shikomors ou en sango, les zones arides du tourisme de masse. Dans les parkings, dans les cars, autour des cars, sur le sentier et sur le point de vue, on engorge plutôt du nihongo, des ryukus, du guanhuà, du wuyu, du jiasu, du yuayu, de l'hindi, du bengali, du telougou,du tamoul ou de l'ourdou, les lianes, les plaines et les coulées hispaniques, les brassées des frontières américaines du Mexique et toutes les nuances nasillardes des trachées grasses des grandes plaines aux rauques texans. J'ai envie de sortir du bruit du monde en entrant dans le bruit du monde. J'ai envie que mes pieds voient l'eau après avoir vu la neige, se disent les galets des gouilles après le sable de la mort, glissent sur les rochers trempes après la piscine de Barstow, les cloaques de Mono et la salle de bain de Lone Pine.


Ceux et celles qui ne sont ni trop vieux ni trop gras, ni trop invalides ni trop timides mènent une gigue hilare et hurlante, mal assurée, grimpant, en groupes parsemés, les sous-chutes de la chute. Et ça monte dans les hauts, ça pointe et vacille et se flashe et se "hi", les gestes sourds et la bouche violée d'eau. "J'ai envie de monter", "ça te dérange pas?", "Non, mais tu fais gaffe, hein!", "T'inquiète pas, tu gardes mes chaussures?", "D'accord, mais tu fais pas trop long quand même, d'accord...". C'est tellement proche, tellement là quand elle tombe que je ne peux pas vraiment faire long, juste faire le singe et trouver la voie entre la masse humaine plus qu'entre les terrasses. "Danger, Climbing and scrambling on rocks and cliffs are dangerous. They are slick wet or dry. Many injuries and Fatalities have occured". Je lis la pancarte dorée et sa rongée. Son haut droit gratté, le bleu et les griffes de blanc, les trouées à gauche et le je-m'en-foutisme des touristes qui passent la rampe.  Je laisse le sac de bouffe à ma mère, j'enlève mes chaussures et les pose sur le sol et je fais comme tout le monde, con dans les cons, masse dans la masse, joyeux et niais dans la niaiserie et la joie. C'est comme un gamin, les pieds pour la pierre et les doigts et les mains pour la pierre et l'eau glacée entre les tranchées de la pierre rèche et de la pierre acide, de la pierre-lame et de la pierre caresse, la pierre-femme, la pierre-autre, amie et amour. C'est parti




















































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