1.28.2016

Haïku de route-110/ Dharma















Le temps traîne, la famille s'efface derrière et derrière elle, la meute s'efface et devant c'est une autre meute, rocheuse qui fait écûme, une meute sombre et trempe que je ne passerai pas. A l'étage, le soleil jaillit d'eau, le voile brait sur moi, c'est l'air là-haut, celui qui ne me touche pas à cause des arbres. Je suis là, dans un avant-sommet creux de l'amour, les pieds nus, tendus de l'eau froide de l'amour. J'ai fini de faire le singe. Le bloc devant, ce sera pour la prochaine fois. Les dernières grappes de rochers étaient une phrase claire que j'ai suivi du bout des doigts. Je pense encore. C'était la première fois pour ma femme et le petit au chalet. Il a fait beau tout le temps. Antoine et Carole nous avait rejoint une journée. On était monté au torrent. Le chemin, je l'ai encore sous les pieds. C'était une belle journée. On se rappelle des belles journée. Le frère et moi, nous avons regardé vers le haut, plus haut que le grand tronc qui tranche le torrent en deux. C'était déjà avant. On était toujours resté juste là. Ou juste un peu plus haut, un tout petit plus haut. Ce jour-là, nous avons laissé tout le monde, dans le sec, de l'autre côté et les odeurs et nous avons grimpé, pieds nus, le long du tronc et après le tronc, en s'accrochant dans les pierres et en cherchant ensemble la voie avec presque pas de mots, où faire attention et quelques putains et des rires. Le frère et moi, on est monté là où on était jamais allé, puis on est redescendu et nos femmes marchaient dans le sentiers et nous on cherchait encore d'autres endroits où on était jamais allé.


Il y a toute cette vraie vie. La vrai vie des bébés. Cette vraie vie où, à la fois, tous nos drôles d'endroits de la tête où nous ne sommes pas et où on est toujours, toute cette pensée à la fois qui s'est comme oubliée, la chute d'images, la chute d'impressions, cette chute de futurs, cette chute de souvenirs, à la fois, tous ces sauts de désirs, tous ces regards dans le Cessouest, dans les rues de Carouge, à la fenêtre de la Cordelière, tous ces regards qui laisse conduire sans permis, tous ces regards qui apportent à manger au cinéma Rex d'Aubonne, tous ces regards qui dessinent une piste des gorges de Yens à Neuchâtel en passant par le passage sous-voie de Gilly pour la Toscane, tous ces regards dans la ville, dans les villes, dans les trains, toutes ces attentes, à la fois, tous ces appels attendus, tous ces regards attendus, ces voix attendues, ces mains attendues, à la fois, toutes ces flaques de manques, toutes ces pensées flaquées de manques et toutes ces anfractuosités de l'esprit où stagnent, où peinent, où rient de peiner et de stagner tant d'espoirs, tant d'amours, tant de salopes, tant de règnes, à la fois, tous ces cloaques de tant de gloires, toutes les gouilles de tant de désirs, d'anamours, de tant d'ennuis, sans fin et si fort qu'on ne voit rien bouger, pas même les cascades, pas même les cascades d'yeux, de silence, les cascades qui disent rien, les sales cascades où l'on croit qu'on ne vieillit rien et qu'on ne perd rien en perdant tout, toutes ces cascades qui s'arrêtent, là, de s'abattre, qui s'arrête enfin de s'abattre parce que, là, à la fois tout s'arrête de tous les manque, parce que, à la fois, nos drôle d'endroits s'endorment et cessent de venir nous dire si et ça.


C'est cette vraie vie qui est un autre, à la fois. C'est comme un truc qui s'arrête. Un truc où on s'arrête. Un moment où on sent la pensée qui s'oublie d'elle-même parce que la tombée d'eau engouffre la route et la meute, les joies, les cris, les exclamées, parce qu'elle tombe comme on tombe, qu'elle vient comme on vient, qu'elle hurle comme on se branle, seul, le soir ou le matin, qu'elle est le son des pas comme de la peau qui frotte la peau, comme du traffic qui est aujourd'hui comme demain et qu'elle prend l'iris, nos orée de monde, notre rétine et qu'elle s'y glisse et qu'elle y ondule le soleil et qu'elle nous lit la pierre et ces petits atomes de la pierre et ces bosons qui nous pèsent dans l'énergie d'être, qui prend et nous fait lire tout ce qu'il y a devant, cette tombée d'eau, cette tracée d'eau qui est descendue en douceur 16km pour chuter toute l'odeur de l'eau, qu'on sent dans les joues avant de sentir dans le nez, qu'on sent dans le palais, même sans boire, derrière les dents, l'odeur de l'eau de pierre, de l'eau de loin, l'odeur grise de l'eau, de la joie claire de vivre. On sait pas si c'est d'abord les pieds qui deviennent alors une bouche qui racontent cette autre vraie vie. Ils ont été des yeux, puis des mains, puis maintenant une bouche. Ils racontent, nus et font danser les varices, ils font la sieste au sang, ils remontent au coeur, le coeur nu et l'amour sans rien, de rien, l'amour là, de toi. Tout est oublié. L'ici a tout oublié. Maintenant tout s'oublie. Je me baisse. Je bois une longue gorgée. Je gicle mes joues, mes yeux. Je passe ma paume sur ma nuque. Je me baptise. Comme d'habitude. Sans dieu et à moi. Je bois encore un peu. Je suis parti il y a à peine 5 minutes.



































 

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