12.19.2014

Haïku de route-22/ Michel Viala dans le Mojave






















Ce sont des coins comme ça, où tout le monde vient, dans nulle part, où l'on pourrait s'installer et perdre son nom. On viendrait voler des vieilles histoires et regarder du rien moite et terne et une route qui mettrait un cinéma qui s'arrêterait pas, juste devant, avec des chaises. Maman en jeans. J'espère qu'elle a pas trop chaud. Ce matin encore, on était à Inglewood dans le taxi qui nous menait vers la Ford. C'est fou comme tout passe plus lentement quand les espaces changent si brutalement. On resterait ici pour ne pas perdre le contact avec les mondes qui vivent si vite et qu'on voit aux nouvelles le soir. Et on resterait ici pour avoir un peu de rien lent. L'Aiguille file pas si loin derrière et devant la montagne avec juste des rochers en relief sur la carte. C'est ma mère qui a réservé à Inglewood, mais pour le reste on a rien prévu. C'est le pays des Motels. Le pays de la route simple. La route ouverte. On va aller en trouver un.


On retourne sur Dagget, retrouver l'Aiguille et rouler vers Barstow, la ville des transits, coupée par l'Interstate 15 et la 40, la pause Burger pour Vegas ou avant de rentrer à LA. Un ville à moi, une ville de gares de triages, une ville-pont, une traverse dans le Mojave. Il n'y a pas de raison de vouloir y vivre, normalement. J'aimais, plus jeune, passer des heures sur les escaliers des gares à boire une bière et regarder les gens passer, revenir de quelque part ou aller quelque part. J'ai rencontré l'écrivain Viala avec qui j'ai partagé une bouteille de mauvais rouge dans le hall de la gare de Genève-Cornavin quand il était encore un clochard et que ses anciens copains faisaient leurs carrières dans la suissitude ou plus loin. Il avait déjà tout écrit ce qui sera publié par la suite sous le titre "Théâtre incomplet". Joué et monté. Puis faire comme la vie se passe, dans sa ville. C'est pas grand chose les liens, on croit que c'est tissé à vie et que jamais personne ne nous lâchera. C'est pas facile d'arrêter de croire à l'éternité de certaines choses. Etre oublié, c'est le truc le plus simple au monde, le plus évident et le plus commun. J'ai oublié tellement de gens.


La route n'est pas très longue. Nous ne sommes pas très fatigués non plus. On entre dans des rues qui ouvrent Barstow, maisons de un étage aux toits de tuiles lie-de-vin et aux murs jaunes, les couleurs du Mojave urbanisé, Centennial Park, le carrefour avec le tank comme un statue joyeuse et accueillante, revenu d'Irak probablement, la base n'est pas loin. Speed Limit 25, on longe lentement, on regarde les enseignes. Ma mère a toujours son bandana avec les têtes de mort. On continue à presque sortir de la ville, on revient, une avenue avec des blocs de magasins et des motels, des restaurants et du soleil en haut.














































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