4.05.2015

Haïku de route-48/ Standing on Stovepipe Wells







Ma mère a jamais laché la rampe. J'entends. Je l'ai vue pleurer. Oui, bien sûr. Je l'ai vue au fond du lit. Je l'ai vue arrêtée dans la vie, je l'ai vue faire avec ses peines, ses migraines et même les laisser traîner, j'ai vu la vie vouloir s'arrêter chez ma mère, l'arrêter et nous laisser et  je l'ai vue, la vie, s'arrêter chez mon père, vraiment s'arrêter, j'ai vu la vie morte, sa volonté de mourir et le corps qui suivait et cette tête qui faisait un corps et le désert qui rentrait de loin, comme d'une longue journée et s'étaler entre tous ses mots et sa bouche. J'ai vu le long et interminable chemin que devait faire ses mots, en se perdant pour venir me demander si ça allait. Je l'ai vu le désert. Dans les yeux et les phrases absentes de mon père. Je m'en fous du vrai sable. Je m'en fous des dunes et des roches. C'est la Vallée de la Mort qui est une métaphore de la fin de mon père.



Et nous danserons tous. On part comme on repart et comme on roule. Mon soleil. Les ratés de tôles et ces blagues de cow-boys dans ce pays sans histoire. On y va. C'est tellement beau quand on a pas le choix, quand les filles roulent leurs yeux, quand c'est ma mère, dans mes images de sa Colombie ou de sa Grèce, quand elle transportait des armes ou des faux papiers, quand il suffisait être débile pour changer le monde et que Françoise avait décidé de porter le cauchemar pour tout le monde. Pierre par pierre, caillasse par caillasse, ocre par ocre, son t-shirt, et moi qui ne suis fait qu'à écrire des vers. Les mères, elles se planteront toujours, elles ne feront que des conneries elles partiront toujours et te laisseront toujours et elles seront toujours là, pas pour toi, mais avec toi et elles te montreront leurs mals et tu les détesteras toujours mais, au moins, elles auront joué la partie. La question c'est de savoir si toi tu es capable de jouer la partie.



Un coin d'ombre, ma mère veut voir la carte, je fume, je vais attendre encore pour ouvrir la bière. En théorie, nous ne nous arrêterons plus jusqu'à Lone Pine. Si je sais lire correctement une carte, il devrait y avoir des dénivellations, des cols ou des trucs comme ça et une plaine assez longue, toute droite et puis du vert sur le bas-côté à remplacer progressivement le jaune. Dans le guide, on nous recommande de bien faire attention au moteur et d'acheter si possible du liquide de refroidissement. Je ne sais même pas où ça se met le liquide de refroidissement. Et je suis tellement sûr que rien ne peut nous arriver que je n'en ai pas pris à la dernière halte. On jonglera avec la climatisation et les fenêtre ouverte et on parlera à la Ford comme je parle parfois à ma machine à laver le linge quand elle marque C2 ou à mes caméras quand elles décidaient de flancher un peu. Je me débrouille pas trop mal en langage électrique. Je crois que ça vient du moment où ma mère s'est électrocutée dans son bain quand elle était enceinte de moi.










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