4.25.2015

Haïku de route-52/ 5%Grade-2Miles





Et ce sont déjà, encore, des montagnes derrière la plaine-pont. Et des pics encore derrière les pics. Je ne regarde plus la carte. Je sais que nous sommes sur la bonne route, que c'est juste toujours tout droit et qu'un moment donné il y aura de la vie, humaine, des stations-services, des fast-food, des gens sur des trottoirs, des bars et des motels. Un interminable des lignes. L'Amérique est un interminable des lignes. Les brisées, les vagues. Et celles toute droite d'angles au quatre coins et vers le ciel. L'Amérique est une main gauche ayant, un jour, saisi un couteau, un de ces couteaux de trappeurs à double tranchant pour dépecer et uniquement pour dépecer et qui s'est, dans la paume de sa main droite, tracé ses propres lignes de vie et d'amour et de chance et de mort à côté des lignes du corps. Elle ne les a pas effacées. Elle ne les a pas prolongées. Elle s'en est taillé des fraîches, le long, envers et contre ses lignes de corps. Le respect dans la domination. Respect contrit de protestant et domination coupable et nécessaire de protestant. Moi aussi, j'ai mes lignes.


Nous descendons. On se parle peu. Ma mère semble sur pilote automatique. Elle se masse la temps, calle sa nuque, oublie parfaitement sa jambe gauche. Les virages ouvrent et cachent la plaine-pont, la route-pont comme une promesse vers l'arrêt. La lumière change. Le soleil commence à changer de chaleur. La Ford va mieux, elle respire dans la pente qui l'embrasse. La roche fait l'ombre. 5% Grade. 2 Miles. Des points brillants sur la tranchée droite et des buissons d'un vert plus gorgé. Je pense à ma femme et au petit. Je rangerai les cadeaux dans la valise quand on sera au Motel. Ou demain matin avant de repartir. Il faudra que j'anticipe l'étape de demain. Il faudra qu'elle soit plus courte. Je me rappelle que, hier soir, devant la piscine à Barstow, dans la nuit et la bière fraîche, les Hollandais m'avait parlé d'un lac, pas loin de Lone Pine, Mono ou Monroe, un endroit qui valait le détour sur la route du Yosemite. Je regarderai sur la carte. Plus tard. Tout devrait souvent se faire plus tard.


La route-pont est plutôt bonne. Elle vacille au soleil et se bombe un peu. Au loin, sur le côté, il y a des dunes de sables, presque blanc au pieds des montagnes de roche. Comme une plage que l'eau aurait abandonnée. J'aimerais bien y aller, y marcher un peu, laisser du vrai sable s'insérer dans mes chaussures et me plaindre des grains entre les orteils et la sensation de papier ponce. J'ai repéré une route qui coupait, mais je ne peux pas le demander à ma mère. Je ne devrais même pas y penser. La ligne est longue et les fonds, de chaque côté d'un vert dur, terne, plein, comme des verts de mer froide. C'est une impression étrange. Un environnement écartelé entre les dunes, les montagnes du désert, la végétation qui reprend, la caillasse qui s'accroche, la lumière qui oscille. Un paysage schizophrène. Un paysage qui n'a pas choisi. Un paysage qui hésite à être quelque chose. Et toujours cette ligne qui ne semblait pas si interminable.



















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