4.01.2015

Haïku de route-45/ Rough Diet of an old fat American










Un monstre de camping-car. Une douzaine de voitures. La nôtre et l'ombre impossible, les deux cabanons de toilettes. La route pente et se craquèle et offre aux virages des bancs pour les pauses. Oh mon dieu dit ma mère. Moi j'ai besoin de pisser. "J'y vais déjà, tu me rejoindras". On monte alors vers l'éponyme, je rejoins ma mère, les jambes nous lourdent, l'air qu'on avalle est comme un vieux big mac, chaque banc n'est plus une station de la croix mais une station des i-phone ou de tout ce qui prend des images. Je ne sais pas à quoi m'attendre, je n'ai pas vu le film. Ma mère a son bandana avec les têtes de mort et moi, la casquette Bagdad, les touristes vont et viennent et mitraillent au sommet, sur le point de vue. Je crois que le film parle de contestation et de toutes les conneries de 68. Enfin, je vais pas tout mettre dans l'eau du bain, je me suis quand même fondé sur ses conneries.


Le lent flou brumeux s'étend, la génèse des plis comme l'instant figé de ce qui nous endort et nous relève, l'histoire cachée, le drapé où nos néants vont et viennent. J'aimerais voir nager des silures dans les plaines du désert. Devant nous les vagues figées de Zabriskie semble une femme grasse alanguie, une obèse qui aurait maigri trop vite, assommée par la mort, les creux gras effacés et les restes, embaumés sur un trop plein de peau. Le retour dans la vie, là, dans ce confin du monde, dans les temps répétés de l'opulence qui finit un jour ou l'autre par avoir honte d'elle-même. J'aimerais pouvoir planer en cercle au-dessus des vallons avec une lance longue à la pointe de diamant et la glisser dans les sillons d'onde et l'entendre me chanter les mondes sans hommes. Mais dans l'air sans air ne transpirent que des ohhh et des ahh et des clics et des graviers râclés, divers langues et parfois des silences souriant de dents blanches qui prennent la pose.


Deux filles dansent et sautent et se figent en changeant de point de vue, réglant l'appareil photo sur pieds, dans des sourirs de lunettes de soleil. Elles sont enjouées, toutes riches de leur jeunesse, flottantes et cherchant sur ce fond de ballet sec, à s'assurer dans l'image d'elle-même, l'éternité pour laquelle elles se savent destinées, l'orgueil des seins fermes. Une fiction. Je les prends en photo dans ce dancefloor scandaleux du réel. D'autres touristes autour et sur le muret de pierre qui chevauchent les draps d'un matin sans amant, des bras qui s'écartent et d'autres encore qui contemplent patiemment et se déplacent lentement d'une vue l'autre. On ne regrette pas ce court détour avec ma mère. Le spectacle est très beau, le lieu est très beau, la chaleur terrifiante. Elle me dit qu'elle redescend, que c'est splendide mais que ce n'est plus possible. elle me demande de ne pas faire trop long. Je la regarde s'éloigner et je fais une dernière fois le tour du muret. Puis je la rejoins avec mes longues jambes pleines de varices gonflées.


















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