4.27.2015

Haïku de route- 53/ Electricity











La Nadeau Trail s'achève et les virages reprennent dans des côtes plus douces. Quelle crevée. Le soleil s'abaisse un peu et les façades de roche enrichissent l'ombre, en bribe. Mais ça chauffe toujours. L'air est lourd et plein. On force sur les cordes d'asphalte et ces paysages qui s'ouvrent et se referment, cet air pour les yeux qui s'étendent et s'aveuglent, se libèrent et s'enferment. On s'arrête finalement. Elle n'en peut plus. Les lignes droites vont arriver. Les call stop vont revenir. La fin de route, ça multiplie la fatigue. La migraine tabasse. La tempe tape. Le moteur sue. Elle dit. Je n'en peux plus. Il faut que je m'arrête un peu. Elle se parque sur le bas-côté. On reste un moment dans l'habitacle. Derrière les lunettes de soleil, elle ferme les yeux et se masse la tête. Puis elle sort chercher l'ombre derrière la voiture et s'y accroupir un moment. Des gens nous dépassent détendus dans l'air conditionné d'une route qui semblerait facile.


Je la laisse alors. Je vais faire quelque pas dans le désert qui bleuit. Le sable et la caillasse, des monticules et des fentes. J'imagine des serpents. J'imagine devoir faire attention. Je marche doucement, je regarde le sol et autour et le plus loin possible. Je respire et je fume. Je ramasse une pierre pour le petit, une vraie pierre de la Vallée de la Mort. Je marche encore un peu. je regarde le silence. Vous ne vous rendez pas compte du silence. Il n'y a que le vent dans ma chemise qui l'empêche à la folie ce silence. L'absence de la route, l'absence des sonneries, l'absence du disque dur qui tourne, l'absence des ondes, l'absence des souffles, des nez, des gorges, le silence de la pluie sur les feuilles des arbres, des pneus sur les routes de pluie, le silence de l'eau et le silence des oiseaux. Chez moi j'aime sortir le matin et fumer sur la terrasse avant les heures de pendulaires, entre les trains, juste avec les oiseaux.


Je ne sais pas si j'ai peur ou si c'est doux. Il y a un temps où ce silence-là devait régner. Avec les bêtes. Il y avait un temps où la peur était réelle et se résolvait dans l'action, pas dans le canapé d'un psy. Un temps où entre la peur, il devait y avoir des moments comme ça. Des moments qui ne savaient pas vraiment ce qu'ils étaient censés être, quelque part dans le doux, dans l'intervalle du doux. Et la nuit aussi. Un temps de vraie nuit, avec ce silence, ces cris de silences, ces vents de silence et tout le sombre de la peur et toutes les images qui sortent du sombre de la peur. Un temps d'esprits et d'ombres. Un temps qui n'avait pas d'autre choix que d'être un temps d'esprits et d'ombres, de disparitions et de retours, de terreur à résoudre dans du bois taillé et des entrailles de boeufs. On ne pense pas le passé, l'histoire et les peuples et les croyances et les structures si on ne se rappelle pas, à chaque seconde de l'analyse ou de la critique, à la nuit et au silence de la nuit. Ce n'est pas Nietzsche ni les Lumières qui ont tué dieu. C'est l'électricité.





























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