4.08.2015

Haïku de route-49/ Plain Chinese









Encore un oeil à cette tôle sous laquelle on aurait pu dormir. Je crois que j'avais regardé ce matin sur le balcon de Barstow et qu'il n'y avait plus de place. A Furnace Creek non plus d'ailleurs. On y va. Ma mère s'engage sur la 190, à gauche, un biface attend qu'un géant le saisisse et tranche cette terre comme un cuir mort et tanné et la taille et sans face une veste épaisse et serrée et s'en aille, loin, vers le nord et le gel long. Assez rapidement le moteur commence à avoir de la peine. Ma mère ne peut plus accélérer, elle n'ose pas forcer la machine, on roule au pas, la première côte approche. Nous avons coupé la climatisation. Cela fait un moment que je n'ai plus vu de Call Stop. Et un moment que je n'ai plus vu une autre voiture, que ce soit derrière nous ou en face. On tente de penser à autre chose, on parle d'autre chose ou plutôt, on ne parle pas. La migraine. La chaleur. Le moteur. la fatigue. L'eau tiède. La bière tiède que je viens de déboucher. On cherche juste à se concentrer, elle sur elle et la route, moi sur la voiture, je me coule dans le moteur même si je ne sais même pas à quoi il ressemble. Une forme de magie. On garde les forces.


Nous nous arrêtons un moment sur le bas-côté, frotter la semelles sur la pierraille et penser au moteur. En repartant, je dis à ma mère qu'il faudrait peut-être essayer le S. On ne connaît rien aux automatiques. Je regarde dans le manuel, mais ce ne sont pas les même lettres, c'est assez étrange, mais bon... J'ai quand même l'impression que ça aiderait notre Ford dans les lacets du col qu'on entame, mais ma mère a peur de foutre vraiment la merde et que l'on se retrouve bloquer là, dans la pente, sans bande d'urgence ni Call stop. Je ne peux rien dire. Je n'ai pas mon permis, c'est elle qui gère, mais je propose et elle prend ce qu'elle veut. Je reviens parfois sur ce S, comme ça, de côté, gentiment, sans insister, mais elle garde ce pied sur l'accélérateur qui ne répond pas et la voiture qui peine. Mais, nom d'un chien, je suis sûr que ce S nous aiderait bien.


Le jour descend sur la route qui grimpe. La chaleur, elle, reste dense, massive dans l'air conditionné absent et ces fenêtres qu'on ouvrirait pour rien. On voit enfin, devant nous, une voiture qui se traîne et que l'on rejoint rapidement. L'asphalte lascive et l'accélérateur claqué nous empêche de la dépasser. A l'intérieur, des chinois entassés roulent dans la timorée des côtes et le gps qui, probablement, ne dit plus rien. On se dit, des Chinois, c'est ce racisme gentil qui condense l'Asie et se demande qui peut se payer ce genre de monstre pour se perdre par là. Les Japonais, évidemment voyagent en groupe dans des organisations au cordeau, les autres ne bougent pas. Il faudrait aller dans ces pays-là pour s'imaginer les nuances et dans les traits et dans la chair sentir la descente dans les suds et les vagues sur l'horizontale des cartes. Les subtilités dans les mouvements, les légères divergences dans les rythmes et tout sans paroles, la différence dans les gestes comme entre Rolle et Aigle où rien n'est fait pareil et comme tout est clair comme ça. Mais là, on roule juste derrière une voiture qui peine pire que nous. Des Chinois quoi.




























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