2.09.2016

Haïku de route-114/ Yosemite Valley Chapel

















Ma mère a la même impression. On a avaler de l'air fade. Encore un car, moins grand celui-ci s'est garé pendant qu'on regardait la South Drive et la North Drive en finissant de mâcher notre air. J'ai le sachet en plastique plein de cellophanes et de PET dans ma main droite. Je cherche mes cigarettes en remontant dans les brindilles vers le chemin. Je sors mon paquet, je le tiens avec la droite, le sachet à deux doigts, je sors une cigarette de la main gauche et je l'allume sur le bitume du chemin au milieu de la nouvelle transhumance. Je sens mon souffle à nouveau. Je sens l'inspiration, l'expiration, les poumons et les côtes ouvertes, j'ai conscience des allées et venues comme sous la chute, la chaleur, la douceur du goudron dans mes bronches, la douceur du bitume sur le chemin qui remonte. Le souffle de l'air, tout léger, fait descendre la fumée sur le groupe qui marche derrière moi, j'inspire en souriant et je souffle en direction des nuques qui se traînent devant moi et de ceux qui redescendent vers le parking. J'asphalte l'air de tout le monde. Je goudronne leurs narines. Je m'en fous qu'ils n'en pensent pas moins, je m'en fous qu'ils fassent des mines, qu'ils tronchent quand on se croise. L'Amérique c'est le goudron. Ce n'est que le goudron, partout et pour tous les pores.


On repasse le croisement, on retrouve l'allée balisée de pierre. La route ne semble jamais s'arrêter. On attend un peu au passage piéton. J'en profite pour enfourner mon cellophane et mon PET, le plastique qui les recouvre dans un sac plastique d'une autre couleur enchâssé dans une structure en fer-blanc ou autre métal pas encore recyclé. Ma mère a déjà traversé. Je la rejoins à la Ford. Il faudra, je crois que j'attende une autre journée pour voir une jolie fille. Le soleil est haut. Sur la façade du Capitan des gens grimpent ou font une pause dans le vide pour manger un bon sandwiche. Elle est bien la South Drive, personne ne klaxonne, tout le monde se traîne et tout le monde trouvera une place. On est parti pour glisser quelques miles. Ma mère n'avait pas rêvé la course dans la Mort et les journées à entasser les bornes. Je ne vais rien forcer. Je n'ai rien à forcer. Je n'ai qu'à me taire. Quand on a pas son permis, on est content d'avancer un peu plus qu'à pieds et de ne pas avoir à trimballer sa valise. On a décidé de se faire un présent à sauter des puces et, malgré les meutes, à goûter la vastitude. On vit un soleil plein, un air à lécher, une Ford encore toute propre où je languis mes jambes et où ma mère oublie sa gauche le genoux relevé contre la portière.


Ma mère couche son profile sur la Merced River qui nous longe avant de nous boucler pour nous Sion. Moi j'étire le miens sur Cathedral Rock qui s'affale son oeil lourd sur le Drive. La rivière nous fait des infidélité. Elle remonte après la plaine du Capitan qui nous tranche son Drive à lui. On ne prendra pas le chemin vers Cathedral Beach Picnic Area. Si on avait su, on aurait échangé les brindilles pour du gravillon et du sable de torrent et j'aurais partagé mes varices dans le cours d'eau à mâcher mon thon en matant la Capitan Morain. Ce sera pour les kilomètres de prochaines fois à toujours vouloir revenir quelque part. La Merced coude vers nous. Elle minaude en jolie salope pleine des neiges derrière les arbres, s'éloignant, revenant, partagée entre South Drive et North Drive, s'offrant à tout le monde comme une parfaite garce d'amour. On devine les carosseries qu'on deviendra bientôt, là-bas, de l'autre côté et j'oublie de regarder Sentinel Fall. On roule doux, pas tout à fait au pas, gentiment, comme tout le monde. On ne prendra pas la Four Miles Trail. On ne s'arrêtera pas au Swinging Bridge Picnic Area. Ma mère a le temps de regarder un peu. Elle sourit. Elle semble avoir oublier les 5 minutes qui était une heure. Elle semble aimer. Elle semble prête à s'arrêter encore un peu, prendre encore un peu de là. Et là c'est le parking de la Yosemite Valley Chapel.



















 

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