2.12.2016

Haïku de route-117/ Lower Yosemite Fall


















La chute s'affale sur une terrasse enlargie de blocs polis sur les faces frappées d'eau. Et tout est tranchant en-dedans et sombre dans l'abondance du vrai printemps. Je sors de l'avenue qui mène à la Lower Yosemite Fall. Elle bégaye. Elle adore tellement s'écraser, qu'elle s'écrase deux fois. Mais j'avais des amis qui aimaient tellement s'écraser dans la vie, qu'ils le faisaient bien plus souvent. L'accès semble bien plus facile qu'à Brideveil. J'arrive au pont qui fait office de point-de-vue. Il est bondé. Je regarde des gens qui s'engagent dans les roches pour approcher le lieu où l'averse explose. Sur le pont les gens font toutes sortes de choses. Mais globalement comme dirait Francesco des Orteils en l'Air, ils stagnent. Tout le monde devrait connaître Francesco, surtout les bâtard qui lui ont rogné la gueule un jour parce qu'il bave un peu et qu'il fait différent dans la vie et dans le train. Sur le pont, les gens matent autant la chute que ceux qui se tendent vers elle en s'enjambant tant bien que mal entre la terrasse. Ils se regardent aussi. Ils regardent leur famille ou leur groupe ou leurs enfants, ils regardent ceux qui ne font pas partie de leur famille, de leur groupe ou de leurs enfants. Ils regardent leur smartphone, ils regardent sur les écrans de leur appareil photo l'image de la Lower Fall à laquelle ils tournent le dos. Et ils font tellement ce qu'ils ont à faire et ce qu'ils font tout le temps que j'arrive pas à m'empêcher de les regarder faire et être et que je les regarde autant que je regarde la chute. C'est comme ça qu'on est tous pareils.


Je slalome entre les phalanges dessoudées, expectorées des bus garés dans le parking en face du passage piéton, là, en-bas sur la North, les filaments d'êtres, éparpillés des voitures, parquées entre les bus dans le même en-bas, toutes ces traînes, toutes ces perles humaines dans le vrai toc du tourisme avec moi qui les tranche pour atteindre l'entrée de la terrasse, qui les tranche des yeux dans cet hautain que je fraie entre eux, toc parmi le toc, vrai vrai dans le faux, faux vrai dans le faux, vrai faux dans ce vrai si vrai qu'on ne devrait que s'en extraire et où on vaque, même parmi le même, clic dans le clic des photos que tout le monde prend de tout. Mais c'est fou ce que ces gens parlent. Ils parlent, parlent, parlent, hurlent, s'alpaguent, rient, grassent et parlent. Est-ce qu'ils parlent autant, enserrés dans le pop-corn du dernier blockbuster? Est-ce qu'ils parlent autant dans l'allegro molto de la Fête à Bagdad ou dans les interminable réunion préparatoires à des réunions qui ne serviront à rien? Est-ce qu'ils parlent à leur femme ou à leur homme pendant que leurs enfants leur parlent et à leur chien pendant que leurs homme ou leur femme leur parlent? Est-ce qu'ils hurlent des "Yeah!" et des "Cheese!" dans leur amphi ou dans leur open space? Je dois être un peu con. Ici je me dis qu'il y a un son d'eau et un son d'air, un son d'eau qui s'effondre dans un écroulement permanent et un son d'air entre les pins qui bandent durs pour piner le soleil de mai.


Oui, ça devrait être un chant de silence où apprendre à se taire c'est se parler tout seul, parfois même à voix haute dans les rues ou dans les entre-wagon ou sur les quais des stations de métro à n'importe quelle heure, c'est un chant à te donner pour que l'on ne chante pas ensemble, c'est un chant à donner pour demain, pour que l'on ne s'emmerde pas trop. J'ai dit que je ne ferai pas trop long. J'ai promis. J'ai traversé le pont et la foule comme je traverserai cette station de métro à huit heure, dans une danse presque sans contact, dans les livides, l'abattu, les mentons dans les yeux, les cernes comme des pellicules sur le visage, entre les pas fouettant la bande de gauche de l'escalator où se tiennent toujours deux-trois connards amorphes de la bande de droite. J'ai attendu derrière des nuques bien taillées, derrière des t-shirts au corps, j'ai fait la queue derrière des dorsaux durs alors que j'aurais préféré traîner derrière des mini-shorts hispaniques pour passer le troncs et je les suis encore dans les premières pierres et la voie évidente. On distingue bien que ça s'ouvrira plus loin, quand il y aura le plateau de roche et les lacs minuscules, ces petits poèmes d'eau qui ne perdent pas de temps à stagner, qui tremblent un peu, contractant la rime que les touristent piétinnent avant de reprendre le flot d'eau en s'enfilant en prose vers cette garce de Merced. Oui, il y a des chants qui ne concerne personne. Je les dépasse dès que je peux. En fait je suis là que pour être là.




























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