2.15.2016

Haïku de route-118/ Face A-Face B















On est tous là parce qu'on avait à être là. On s'enfoule sans stress, sans souci, sans gène, on se colle entre le pont, on se partage en se niant doucement. La Lower Yosemite Fall c'est un mall comme un autre, une grande place comme une autre. Après le tronc et la grande roche ça s'espace et on s'éparpille tous, assez pour ne plus avoir à s'attendre et à se frôler. On se répand. Mais on reste tous toujours à l'oeil, soumis, pas loin, au regard de l'un d'entre nous tous. La tombée est une terrasse de pierre assez étendue, mais pas suffisamment pour que l'on puisse s'éviter des yeux. Où que je regarde, quoi que je regarde, où que nous regardions tous et quoi que nous regardions tous, il y en a au moins un dans le champs. Il faut baisser les yeux pour voir que de la pierre. Je regarde la cascade, je regarde les autres qui regardent la cascade et on se regarde tous un peu se regarder et regarder le cascade. Trois types, la vingtaines se détachent de leur groupe où les filles ont des cheveux attachés. Ils ont des habits vraiment cool avec des couleurs qui vont bien ensemble. Ils ne portent pas de sacs à dos comme les vieux qui sont restés sur le pont et qui doivent changer de couches toutes les demis-heures, une couche pour le matin, une couche pour avant midi, un pour midi, un pour après midi, une couche pour l'après-midi et toutes sortes de trucs pour ne pas se perdre et ne pas se désydrater. Je regarde les trois types sautiller sur les rochers et se rapprocher de la tombée. Ils gueulent des trucs. Sûrement des trucs cools. Et leurs potes leur répondent.


J'enlève mes chaussures. Je ferme les yeux. C'est comme si j'avais pigé le truc. C'est comme si c'était comme ça. Mais je ne retrouve plus la scène, juste une phrase fermée. Là, les yeux fermés, c'est une chanson perdue. J'entends toujours les trois types qui gueulent, les gens sur le pont. j'ai déjà froid au pied. Je pense à ma mère qui m'attend sous son arbre. J'ai déjà à nouveau faim. Et je sais que ça n'a rien à voir avec elle, que ce n'est pas de la faute de la Lower Yosemite, qu'elle est belle pour elle, qu'elle est belle d'être elle avec sa chute qui hoquète, la beauté drue, dense et maladroite. elle n'y peut rien. C'est pas comme ça qu'elle vient l'absence. Il n'y a pas un supermarché de l'absence où on n'aurait qu'à la prendre, la scanner et l'avaller. On peut y mettre toutes les fautes. Les trois types ou les mini-shorts, le cellophane, la South ou la North, Fresno ou ma mère qui m'attend. Je rouvre les yeux. Autour de moi, sur le pont, sur la terrasse de caillasse, les gens sont scellés de vie et ça coule d'ivoire dans leurs yeux, jaillis dans les vapeurs de soleil. On pourrait tous s'applaudir et se taper sur l'épaule et s'embrasser et se faire des hugs, on pourrait tous se dire que c'est fait, ça y est, c'est fait. On est bien. On est là et on est ensemble et on est heureux et on a pas envie de se massacrer. C'est fait. Mais ce sont des conneries. Ce sont mes conneries. Personne ne va applaudir personne. Personne ne va massacrer personne. On se regarde parce qu'on est dans le champ. On est content parce qu'on est là. On fait putain ce qu'on à faire. En fait, non. Ils font ce qu'ils ont à faire. Et j'aurais tellement envie que les gens ne soient que gras et que moi, je les survole sur des semelles de vent. Mais je me gèle les pieds au milieu de gens manifestement heureux dans un monde manifestement parfait.


Le mal n'est pas qu'un mauvais diable. Enfin.... S'il existait. Il faudrait laisser passer l'espace dans l'espace de la Ford, savoir le laisser juste passer sous l'espace des arbres, contre un tronc, devant une garce douce qui s'écoule au lieu de mettre ses jambes dans le temps et de courir presque sur les avenues d'asphaltes à piétons et à chaise roulante pour retrouver une absence qui était venue sans qu'on ne lui demande rien. Ce que les chutes te racontent, elles n'ont plus de silence pour te le répéter: " Ce n'est pas moi, ni elle, ni aucune autre". J'ai pris un tiens pour deux je me ferai avoir toujours et toujours et je m'emmerde presque à me forcer à me remplir les yeux pour trouver tout ça si beau et ne rien regretter, ne rien avoir à regretter, ne rien à penser devoir regretter en fermant les yeux encore une fois pour attraper ce train de l'absence. Mais c'est comme tous les bus que j'ai raté à vouloir vivre un extraordinaire quelconque en étant alors quelqu'un de quelconque dans les rues plus ou moins diurnes ou là, face à tous ces quelconques qui sont vraiment heureux, parce qu'ils ont là, exactement ce qu'ils attendaient et qu'ils le vivent exactement comme ils doivent, exactement comme il se doit, exactement comme on le leur a appris. La vie, elle est simple comme un sandwiche de Crane Flat, elle est simple comme un cellophane que l'on déballe pour du thon ou un jambon gouda où tout a le goût qu'on s'attend à ce qu'il ait. Tout devait avoir l'air tellement si clair quand rien n'était établi et c'est tant tout le contraire que j'ai l'impression de vivre à l'envers de la vie. Les chutes sont là. Elles s'effondrent. L'eau coule. Les pierres sont immobiles. Les gens prennent des photos. Les trois types gueulent. les mini-shorts sont sur le pont. Elles regardent la cascade. Pas moi.























































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