3.02.2016

Haïku de route-121/ A Swiss Day



















On prend la tangente, encore une fois. On roule lent, on prend le temps de le regarder passer. Toutes les voitures prennent le temps, il n'y a que les bus qui courent un peu. Cet après-midi d'air lisse joue le film au ralentit. La route courbe. La Merced tâte la South Side Drive, la lape, la frôle dans les coin et revient nous voir. Elle est gorgée. Elle a pris tout mai. On aurait bien pris un café, comme d'habitude. Ma mère aime bien boire un café après sa sieste. Un café plus petit que celui du matin. Quand elle est seule dans son appartement, elle se fait la petite cafetière italienne. Au matin, c'est la grande. C'est plus problématique quand je viens. On ne fait que des grandes cafetières et alors le café part plus vite. Il est compté et elle doit retourner en chercher. Parfois elle anticipe et il y en a vraiment assez pour mon séjour. C'est mieux quand elle anticipe, parce qu'elle déteste par dessus tout aller faire les courses bien qu'elle s'échigne à y aller les samedis matins et les lundis comme tout le monde alors qu'elle est à la retraite et qu'elle pourrait se simplifier l'existence en y allant les vendredis après-midi par exemple et les mardis matins. Mais non. Je le lui fait souvent remarquer, mais elle répond toujours "qu'est ce que tu veux.... C'est comme ça!" Et la conversation s'arrête là parce que c'est comme ça.


Bref. On aurait bien envie d'un bon café. Même un mauvais. Et on a dépassé le Curry Village et tous les villages sans y penser et maintenant que tous les magasins et les stations sont dernière nous, on y pense mais comme la North side Drive, tout comme la South Side Drive sont à sens unique, on ne peut pas rebrousser chemin et sur la carte, il n'y a rien avant quelques miles. On n'a pas penser à s'arrêter, tellement on venait de s'arrêter et que ce n'était pas possible de penser si vite à s'arrêter de nouveau. Je sens que j'ai marché. Il y a une léthargie qui m'avale et sur la route qui s'avance devant moi, mes yeux veulent se clore. Les journées sont si longues quand les minutes ne se ressemblent pas et que le même s'éteint de tous les autres, de toutes les autres choses, illuminées. C'est quand une chute d'eau est différente d'une autre chute d'eau et un arbre différent de celui à côté de lui et l'asphalte même, là sous nous, différent de l'asphalte du matin et quand on voit bien que la North Side Drive est différente de la South Side Drive. Dans les yeux qui se closent, ce sont des sens qui s'ouvrent. Mais je dois tout de même bien les garder ouverts. Ce serait quand même bien dégueulasse de m'endormir quand ma mère tient le volant de sa main droite, la joue appuyée sur sa main gauche, son coude contre la vitre. Je la regarde et derrière elle je regarde la Merced qui revient et qui s'ébroue. Plus loin sur la route, il semble y avoir un chemin de terre qui descend vers elle.


Je propose à ma mère qu'on s'y arrête et qu'on le prenne pour les pieds nus dans l'eau froide, à défaut d'un café. Et elle est d'accord, sans rechigner. On roule depuis à peine dix minutes. Ce ne sera que notre septième arrêt de la journée. On hoquète. On frustre la Ford. On lui fait miroiter des tracées chaque fois qu'elle sent le D et le pied droit de ma mère. Elle doit s'exciter. Elle doit s'ébrouer quand on claque les portières, frétiller ses lèvres de gomme sur la langue d'asphalte. On fait la pute avec la machine. Mais on a tant tendu il y a deux jours dans la vallée de la Mort. Hier c'était pour nos jambes, reposer les pneus pour les mettre, elles, sur les berges de Mono et le long de la rue principale de Lee Vinning. Aujourd'hui, on balance. On contente tout le monde. Un peu de nourriture pour les roues, quelques caresses pour le moteur qui a faim de route et on se caresse nous, pour nos jambes, nos sangs de jambes, un peu, dans les sentiers et les rochers, pour nos pieds sur les brindilles, les roches plates et l'eau froide et pour nos culs à asseoir sur des souches ou sur le sol sec sous des arbres en printemps, sous un ciel de soleil doux. On joue au compromis. Ce truc merveilleux qui rassemble et consolide et contente en frustrant tout le monde. On coule en somme, un jour suisse dans le parc du Yosemite.











































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