3.02.2016

Haïku de route-122/ Mercy in Merced River















J'ai fermé les yeux encore un peu, ce n'est jamais que quelques secondes. J'ai redecendu d'abord les lacets vers Finhaut où s'arrêtait à l'épicerie pour acheter le pic-nic et je les ai remonté dans la ligne droite de la Léchère et les deux ondes du Pas où on tournait se parquer dans les graviers, un peu plus loin que la grande maison. Je les garde encore un peu fermé. Je n'arrive pas à me rappeler si mon père nous accompagnait dans la ballade jusqu'au plateau de Fenestral, s'il était venu une fois ou deux puis avait cessé ou s'il n'était jamais sorti de la voiture avec nous et le pic-nic pour prendre le chemin avec le passage un peu étroit qui menait au rocher de l'ours. Il n'aimait pas tellement la montagne. Il n'aimait pas non plus tellement se baigner dans la mer. Je rouvre les yeux. Je n'ai pas réussi à le voir. On clignote et ma mère se rabat sur la gauche. On se parque. On laisse nos affaires dans la Ford et on descend un chemin de terre trop battu, un sentier de monde battu de trop d'humains sur une centaine de mètre vers le sons des petits rapides excités de la Merced qui rafraîchissent nos oreilles des moteurs lents de la North Side Drive. Nous ne sommes pas seuls. Sur le banc de sable, se retournant vers nous, il y a une femme, les cheveux attachés, en robe légère, bleue à motif, comme dans la trentaine avec ses deux enfants juste assez grands pour courir en riant et en se poussant un peu trop près de la rivière.


Je courais aussi, avant mon frère et mon frère pareil quand il a eu les jambes pour, le long du Besson, le torrent qui tranchait le plateau de Fenestral pour aller après, par les arbres jusque là où j'aimais passer des heures à faire des guerres sans fin sans jamais mourir ou en mourant mais en mourant bien, le fusil à la main ou l'épée pour revenir à la vie, vers d'autres histoires à venir, tout seul souvent, le plus souvent. On jouait au plateau, beaucoup, je jouais, beaucoup avant le pic-nic et que je sorte de l'eau froide les canettes de panaché bilz qu'on m'avait acheté à l'épicerie. J'adorais la panaché bilz. C'était comme de la bière mais tout sucré et elle était toujours bien fraîche. Parfois il y avait Andreas qui me faisait peur et puis mon frère, plus loin et quand on ne courait pas, on construisait des barrages, chariant des pierres, grosses puis des petites pour colmater les brèches d'eau, toute cette eau qui ne savait jamais se tenir tranquille et se soumettre aux pierres et à nos volontés d'enfant qui construisaient des barrages pour arrêter le cours des choses. tous les enfants veulent arrêter le cours des choses. Alors ils construisent des barrages sur les ruisseau, les torrents et les rivières. Quand on devient grand, on arrête de faire des barrages sur les cours d'eau parce qu'on s'est résigné à l'eau, à sa force. On s'est résigné au cours des choses.


Je n'ai aucune idée de ce que les grands pouvaient bien faire pendant qu'on arrêtait le cours des choses comme probablement ces enfants se chamaillant devant le cours gonflé de la Merced River ne remarquent pas que leur maman discute avec deux inconnus. Elle est jolie. Elle est vraiment jolie. Pas belle, ni mignonne, ni bonnasse, non, elle est juste jolie, un peu fatiguée sous les yeux, son long cou un peu rentré dans des épaules presque maigres. On parle français parce qu'elle nous a entendu parler en français. Elle semble en être contente. Elle est belge, d'un quartier pas loin de celui où j'habite. Elle est venue vivre à San Francisco par amour comme moi, quand j'ai quitté le lac pour vivre l'amour à Bruxelles. C'est drôle. Mais ça en deviendrait presque banales ces coïncidences à force de faire des routes. On les attend sans les chercher. Et elles viennent. On lui raconte le timbre du voyage, mon oncle, pour lui dire bonjour et adieu et le tour qu'on enchaîne, le fait et le à faire et la descente qui vient vers Fresno. Elle dit "dmmage que vous ratiez le Glacier Point, vraiment dommage.... Le détour est pas si long et c'est la plus belle vue d'Amérique." On a les pieds dans la Merced, moi jusqu'au au cheville dans le courant qui pousse et sautille en decendant vers l'entrée de la vallée. Je regarde ma mère. Je n'ai pas besoin de dieu, de destin, de hasard ou de ce genre de connerie pour entendre les signes. Il m'ont lancé à droite quand je pensais aller à gauche et même si je n'ai aucune idée de ce que cette gauche aurait pu me dire, ça a toujours été des droites belles et justes, des droites belles de vie, des lignes droites et claires de vie. Je regarde la femme et je souris et je regarde ma mère. alors?































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire