10.08.2014

Daech est un Etat à nier/Petite histoire du pétrole/ Contre l'intervention en Irak et en Syrie

Il n'y a évidemment jamais eu de guerres humanitaires, ni d'interventions pieuses, contre la "barbarie" qui ne signifie rien ou les droits de l'homme, si vague.
Dans ce post, je me suis demandé pourquoi les gouvernements de la coalition, la France en particulier, était si timoré à utiliser le mot "Etat" pour parler de Daech.

Pour commencer, un bref rappel de l'histoire du pétrole et des liens tissés dans cette zone depuis le milieu du XXe siècle.

Notre modèle capitaliste, celui qui prédomine depuis plus d'un siècle, celui qui à gérer au moyen du spectacle, de son propre spectacle, notre existence d'occidental sous tous ces aspects est une histoire de l'automobile. La liberté individuelle par la propriété privée.

En 1871 est fondée la Standart Oil par John D. Rockefeller. Cet homme brillant se basait sur le remplacement progressif de la bougie par la lampe à pétrole. Cet homme brillant a également compris la nécessité de contrôler la totalité du processus, de l'extraction au raffinage, en gérant le transport et ce, contre les compagnies de chemin de fer. Il fallait libéraliser les strates du commerce. Puis atteindre une taille suffisante à coup d'acquisitions plus ou moins sauvages, de guerre des prix, afin de pouvoir peser de tout son poids à Washington. Gérer les différents acteurs du marché, les prix, les choix stratégiques. Cette méthode, que l'on s'appelle Bush ou Obama, n'a pas changée et ne changera pas de sitôt.

Le développement du moteur diesel et de la voiture en général a considérablement boosté la production pétrolière (4 millions de tonnes en 1880, 50 millions en 1913).
La première guerre industrielle (qui n'est pas qu'une guerre de cousins et d'empires européens mais également une guerre entre deux modèles économiques capitalistes, le modèle allemand et le modèle américain) démontra la nécessité vitale de gérer l'approvisionnement pétrolier et d'avoir la main-mise sur les zones productrices.

L'enjeu du Moyen-Orient commence avec l'Irak où Français et Anglais se livrent une bataille, non militaire mais tout aussi intense, pour contrôler les gisements. Ce seront les Anglais qui tireront leur épingle du jeu, mais les Américains ne se laisseront pas doubler sur ce terrain, même si, à cette époque et pour encore longtemps leur production domestique pouvait s'avérer suffisante pour remplir leurs besoins.
Ils miseront sur les émirats du golfe et sur l'Arabie saoudite, miser étant un terme judicieux puisque rien ou peu d'éléments leur garantissaient le succès. Pourtant, le succès était là.

Je passe sur la seconde guerre mondiale où le pétrole n'était pas l'enjeu principal, mais dont il a, néanmoins, largement déterminé la fin, du moins en Europe.

Après 45, le contrôle des zones productrices pour les deux blocs fut l'enjeu majeur, malgré les diatribes et justifications idéologiques qui font de jolis drapeaux, le corps et l'âme du conflit était l'or noir.
En Iran qui était alors le troisième producteur, les Anglais avait depuis le début du siècle un quasi-monopole sur le pétrole. Mais les Russes mirent leur grain de sable et obligèrent le gouvernement à fonder une société pétrolière mixte où eux, les russes, possédaient 51% du capital. Les Anglais réagissent en inventant des troubles qui annuleront l'accord mais en 1951, Mossadegh fait voter par le parlement, la nationalisation des avoirs de l'Anglo-Iranian.
C'est la CIA cette fois, commençant une longue tradition interventionniste, qui créa une révolte populaire dont l'issue fut l'emprisonnement de Mossadegh, l'obtention par la Compagnie nationale des pétroles d'Iran de la propriété des gisements et surtout les droits d'exploitations et de raffinage confié à un consortium international dont les Américains possédaient 40%.

En Arabie saoudite et dans les émirats, les Américains créent l'Aramco, tambouille ou velouté comme vous voulez des grands pontes du secteur qui s'échigne à prospecter, puis exploiter. C'est à ce moment, au tournant des années cinquantes, que la production de cette région explose (53 millions de tonnes en 1950, 500 millions en 1970). C'est la fin du règne des Français et des Anglais dans la région (et la vraie naissance du nucléaire français, mais ça c'est une autre histoire).

Maintenant nous arrivons à ces merveilleuses Trente glorieuse qui ont construit nos parents et ont donné les Beatles à l'Angleterre, Dick Rivers à la France et la Chrysler Saratoga aux Etats-Unis.
Quinze années de prix très bas, la jouissance sans entrave en occident, un pillage sans vergogne, un usage sans conscience, une exploitation (quasi) sans code. De la dope, belle et bonne, pas chère dont nous ne parvenons toujours pas à sortir de la dépendance.

La décolonisation étant à la mode, l'OPEP est créee en 1960. Pendant la guerre du Kippour, l'OPAEP (l'organisation arabe des pays exportateurs de pétrole) par souci d'humanisme et de solidarité bien évidemment décidèrent de quadrupler en deux mois le prix des hydrocarbures. Cela fit plus de mal à l'Europe et au Japon entre autre qu'aux USA pour qui le poids de l'importation ne pesait que 6% de leur besoin.
Sautons allégrement jusqu'au second choc pétrolier, durant la guerre Iran-Irak (ahhh l'Irak, il nous font bien chier eux, non?). Je rajouterai presque le début de la guerre en Afghanistan où l'URSS allait se casser les dents, guerre justifiée par l'approvisionnement en gaz et pétrole d'Asie centrale.


La politique américaine n'a jamais changée d'un iota. Il n'y a ni démocrate ni républicain. Le fondement de la politique américaine, sa seule raison d'être est le maintien du prix de l'essence et l'opulence (des restaurant chic de la 5e avenue aux vendeurs d'empanadas de Fresno).

Cette politique n'a jamais été regardante sur la nature des régimes politiques avec lesquels elle traitait (démocratie au Canada, Pinochet au Chili, Prince saoudien,..) tant que ces régimes reconnaissaient les USA et contrôlait leur population d'un côté et le bon fonctionnement des puits de l'autre.

L'EI est tout à fait à même de gérer les puits qu'ils ont conquis et d'extraire le pétrole. Mais EI ne reconnaît pas l'occident. C'est étrange comme on n'entend ni la Chine ni la Russie sur cette intervention.
 La politique du pétrole a toujours été une politique d'asservissement. On vous laisse faire ce que vous voulez chez vous, on fait ce que l'on veut de vos richesses. Ce que EI refusera. Donc non seulement nous devons les bombarder, mais nous devons également les nier.






Je tiens à préciser, si ce n'est pas évident, que je ne défends pas EI, bien au contraire, mais je mets en avant quelques réalités factuelles, quelques logiques historiques qui devrait nous faire réfléchir, non pas sur cette intervention, mais sur notre dépendance à la consommation et au gaspillage.
Parce que c'est notre surconsommation qui en définitive justifie Irak 1, Irak 2 et Irak 3.


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