12.31.2014

Haïku de route-26/ Old style Traditional-Hand Tossed Pizza

On va donc se baigner. Je reste avant un moment assis sur le balcon, je regarde le paysage, la route qui file, les monts, la piscine sans personne, tout entre les barreaux, la lumière qui reste douce, le soleil encore intégralement là. Je bois une bière. On a défait nos bagages. Il n'y a pas grand chose. Les éléments de toilettes de ma mère, les vêtements que je mettrai. Je laisse la porte fermée, je fume doucement. Ma mère termine sa sieste. Les brugnons n'étaient pas très mûrs, on garde le melon pour demain. Après la piscine, on reste un peu, je regarde mes mails, la carte de demain. Je parle du repas du soir. Je fais le topo des possibilités à ma mère. Je me dis que dans un italien on aurait peut-être une chance de trouver des légumes, au pire une salade, des alternatives au gras. Je lui dit qu'on aura pas beaucoup à marcher. Les motards allemands sont arrivés, une vingtaine. Ils investissent l'étage de l'autre aile, certains sous nous. Des hommes seulement. Probablement comme tout le monde par ici pour la 66 et Vegas. Le cliché à brocher sur la cheminée des indispensables à vivre. Ils ont la quarantaine en moyenne, certains un peu plus, des poils gris sur des plis de ventres gonflés qui bombent heureux dans la piscine sous les commentaires de ceux qui restent encore à regarder en buvant depuis leurs balcons. On va vers une nuit tranquille.


On se prépare à sortir. Je mets mon costume. Ma mère un t-shirt et sa veste verte avec l'Edelweiss sur l'épaule. On fume une cigarette devant les motos. On attend au bord de la route regardant les secondes rouges descendre vers zéro. On passe devant le Nightclub toujours fermé. Ca te va là? DiNapoli's Firehouse. Mais oui, ce sera très bien. On entre. Elle se dirige tout de suite vers les tables, je la retiens, l'Amérique a ses codes. On doit attendre qu'on nous place. Je suis plutôt à cheval sur les coutumes. Ici j'attends qu'on me place et je mange des burgers. Mais elle, elle s'en fout. De plus en plus elle s'en fout. Elle est largement plus punk que moi. il n'y a pas de doute là-dessus. On nous conduit dans le fond à une table à deux. L'intérieur ressemble plus à un chalet suisse qu'à une enoteca napolitaine. On aurait dit qu'on venait de passer le col du Brenner. Sur les murs des photos en noir et blanc des années glorieuses des pompiers de Barstow. Pas d'images d'Italie. On aurait bien voulu commander en italien, juste pour varier, mais je réponds Hi et Fine. Peut-être que dans quelques années les serveuses devront faire des hugs à tous les clients.


La serveuse revient rapidement. Je déteste être pressé. Devant un menu, je suis toujours angoissé, devant un choix en général je suis toujours angoissé. Ma mère regarde les tables à côté. Un serveur traverse la salle avec des pizzas gigantesques, vendues comme des Old style Traditional-Hand Tossed Pizza (Only the finest ingredients used) A Traditionally thin pizza with a thick crust around the edge! Baked right on the brick "Baker Pride". Mouais. Selon la vieille tradition de Barstow probablement. Ma mère fait son choix dans les salades, je ne me rappelle plus laquelle, la César à 6$95 je crois ou la Sicilienne à 7$95. Je sais juste qu'elle ne la finira pas, une histoire de sauce ou de quantité ou de qualité. Un peu des trois sûrement. Je prends les Ravioli W/Meat assez spongieux mais mangeables, de toute manière j'ai tout le temps faim ici. On boit un verre de rouge. Je sais que je finirai le mien assez vite et que je chercherai des yeux la serveuse pour un second qui ne viendra pas. Je finirai celui de ma mère. Je ne me rappelle plus quel jour nous sommes. La salle est occupée, des couples surtout. On payera à l'entrée et l'air est froid dehors, on fume en marchant. Le Nightclub est toujours fermé. Il fera la joie des Allemands.














12.30.2014

Haïku de route-25/ 99 Cents

Les rues de l'Idéal succèdent nos besoins et y ajoutent des envies si la paresse traîne de désirer. L'Eden est fonctionnel. Sa liberté propose l'Essence à bas coût. L'Existence y passe d'une rue à dormir entre les plages d'écran où les beaux nerfs optiques surfent et zappent des réalités substituées à des rues plus grandes, celles du ventre, ventre de la machine et ventre des humains, transportés tranquilles de joie par les machines. Ici dieu est gras. Et même pauvre, dieu est gras. Et le soleil est beau là-haut. En fait, nous sommes allés nous baigner après mon petit tour du quartier. Mes souvenirs s'inversent. Je commence par redescendre la rue, mais j'aurais meilleur temps de remonter, vers le Cactus. Tout est là. Jack in The Box, Valero, Envision Food, Chevron Barstow, Barstow Pawn Shop, Family Fashionz, Big Five Sporting goods, les Wells Fargo ATM, Rigoberto Bros Mexican Food, DiNapoli Firehouse. Un Nightclub Dancing au bord du parking, fermé à cette heure bien sûr. Est-ce qu'on va aller danser ce soir?


La lumière moite, c'est le soleil dans les rues de Barstow. Je vois peu de graffitis. Sur le site de la ville, on peut reporter toutes les dégradations constatées, dénoncer toutes les nuisances. La paix de la communauté doit ouvrir l'oeil et cliquer les problèmes. Harry Partch a composé un morceau inspiré des graffitis de cette ville. Mais c'était le long des voies de chemin de fer. Et c'était en 41. Elle s'appelle simplement "Barstow". C'est pas extraordinaire. Vous pouvez écouter si vous voulez. Moi je ne suis pas allé le long des voies, quelques mètres le long de la 66 urbaine. Je ne me sens pas chez moi. Je traverse un parking. Je connais les parking. Je connais les supermarchés. Je connais un peu d'anglais. Mais je me sens un étranger, presque comme au Caire. A Prague j'ai toujours été chez moi. A Berlin aussi. A Barstow je suis l'autre. L'autre qui entre dans le 99Cents.


C'est fou comme ailleurs un même paraît différent. Un grand hall, rectangulaire. Des tranchées organisées, des rayons de biens, des clients, des caisses. Rien à s'extasier. Strictement rien. Tout est à moins de 1 dollar. Des employés remplissent les rayons. C'est moins chiche que chez Lidl ou chez Aldi. La faune est la même. Je tourne tout autour, je flâne comme dans un musée. Ma mère rêve de fruits. A gauche, ce trouve les assiettes, couteaux, cotillons, serviettes. Les légumes et les fruits sont à l'horizontale, au fond, les médicaments au milieu et les boissons à droite. Pour l'alcool c'est le Liquor Store, à côté. J'irai après. J'achète un couteau, des cuillières en plastique couleur aluminium, un melon, des brugnons. Je fais la file. Je crois que ça allait vite. Je ressors dans des gens qui discutent, je vais chercher deux bières au Liquor Store, un paquet de Camel, je me demande si on me demandera mes papiers. Je choisis des Lites, fraîches. Dans la queue une fille heugue deux gamins qui attendent, "Give me a hug, I'm the girlfriend of this man's brother, we do a party tonight, good booze, good sound". La communauté se serre dans les bras, se retrouvent, tout va bien en Amérique.











Haïku de route-24/ California Inn

Regarde la route qui ne regarde rien, la bannière des rois et l'hagard des passants du Mojave tranché et le Saint des Saints, Bahia et les routes de ma mère plus loin racontées sur notre route à nous et les traces que j'y mets et le faire d'y vivre et d'être à ma vie et d'y mettre les images de toutes les histoires à nous. On entre dans la réception avec nos valises et tout est joli et la fille est jolie et c'est Hi et how are you doing et la découverte que je fais de la Visa. On ressort et mon anglais suit les indications vers la porte au fond où l'on doit être doux avec notre carte qui est notre clé. On essaye plusieurs fois. On finira bien par réussir et monter les marches et le couloir et la porte. Il n'est pas encore trop tard. Le jour est là. Ce matin est loin. Regarde maman, on va être bien là. King ou Queen Size. Ou Doubled bed cette fois. Chacun le sien et la télé, c'est devenu tellement évident. Je l'ai jamais allumée en ailleurs. Même quand il n'y avait rien dans la vie.


Les draps lissés et tendus, le dessus en damier épais verdâtre et lie-de-vin. Est-ce qu'on réussira à faire du café demain matin? Je pose la casquette du petit à côté du four à micro-onde. Je garde mes chaussures sur la moquette. J'ouvre la porte fenêtre. Le balcon minuscule. Ma mère regarde la fraicheur toute bleue en bas sans personne. Je ne me rappelle plus de la douche. Je ne me rappelle plus si je suis sorti d'abord en repérage ou si nous sommes descendus nager en premier. Peu importe. Allons dans l'eau d'abord. Ma mère se déshabille et met son maillot, sans pudeur, comme d'habitude. J'ai le corps pâle. On n'oublie pas nos cartes, on s'enfile dans les couloirs, elle me dit là et c'est l'opposé, puis là et c'est à nouveau l'opposé. Comment a-t-elle fait seule en Colombie? On descend des escaliers, on passe un autre couloir, devant la machine à glaçon, la piscine est nue, derrière une porte. Entourée d'une barrière de métal fort, le cadenas ouvert, le grand warning. Personne ne vous surveille. Noyez-vous ou noyez vos enfants, mais ce sera sans nous.


Elle descend sans hésitation son corps d'adolescente dans l'eau très froide et nage sa tête hors de l'eau. Nos affaires sur les transats de métal, je vais marche par marche et fais ma chotte. Elle est vraiment froide. Je mouille ma nuque et trace sous l'eau deux-trois aller-retour. Le soleil cogne encore. Un couple s'approche. Deux viandes. L'homme bedaine une glacière et la pose sous une des tables de la pergola. Ils sont jeunes et probablement sur la route de Vegas. Je sèche sur le transat en plissant les yeux pour les observer. Ma mère sort de l'eau. Elle commente le bide, la glacière et la fille entre dans la piscine sans hésiter. Son gars fait comme moi ou presque. Des jappées dès le premier pied. Il n'ira pas beaucoup plus loin. Sa femme se foutera de lui, gentiment. Il rira et fera des chis, les chis des  jeunes couples. Dans quelques années, il n'essayera même plus d'entrer dans l'eau et sa femme n'essayera même plus de le taquiner. Puis ils cesseront d'aller à Vegas ensemble. Pour l'instant il se colle, lui assis sur les marches, elle couchée, le corps immergé, la tête sur son ventre.




































12.29.2014

Haïku de route-23/ A Love Supreme

34°54'N 117°1'W. Combien de centièmes rajouter quand on tourne dans les rues? Des millièmes peut-être. Je ne sais pas trop ce qu'on a tricoté. Barstow. A Love Supreme. On est sorti pour rentrer, on s'est enfilé, longé le tank puis on a rejoint la National Trails. Sans vraiment savoir. Cette nuit on dormira le long de la Historical 66, sans le savoir, le Mojave en face, depuis le balcon du California Inn. National Trails, 66, les choses changent de nom pour faire passer l'histoire ou l'ennui ou pour surprendre, mais elles sont les mêmes, des longs fils de même. Les routes surtout, comme si, passant quelques miles ou quelques centaines de mètres, on pouvait tout modifier ou tout recommencer, changer d'adresse dans le prolongement de tous nos passés. C'est la vie là, ça, on déménage, on change d'adresse mais on ne quitte jamais la route. Un peu d'espace pour être quelqu'un d'autre. J'aurais pu naître à Baross Tér, vivre mon enfance à Rákóczi út, mon adolescence à Kossuth Lajos U., ma vie adulte sur Erzsébet Hid et aller mourir à Hegyalja út. A Rolle par contre c'est toujours la Grande Rue, de là où Carole avait son café jusqu'à la station où Roberto Succo avait pris l'institutrice en otage.


Pour l'instant on roule lent, travelling des Motels. On freine, à l'inspiration, ma mère se dit que et on se parque sur une place libre, face à une des chambres du Cactus Motel. On sort de la voiture. J'ai une de ces impressions, celles qui viennent du ventre et qui mettent des yeux derrière la tête. Vacancy. Free Internet. On marche sur le bitume pelé, vers le fond. Rien ici ne ressemble à une réception, une suite de cinq baraquements d'ocre terne et devant une porte, au fond, entre deux Rottweilers qui jouent à se mordre, une gamine black, assise, nous regarde. Je me retourne. Une grasse blanche se traîne vers sa chambre. Une femme noire sans âge nous salue de peu de dents, peut-être enceinte en traversant le parking. joie de came. Décrépi d'Amérique. Je me mets en chien. On ne dormira pas ici. Un temps court ma mère avait envisagé. On aventure. Je souris et réponds au salut en retournant dans la voiture. A Love Supreme.


On passe Muriel. A chaque route j'ai toujours su quand il ne fallait pas aller à gauche. A Londre, en allant voir Djedj à Edimbourgh quand j'avais mon Burnou dans la nuit freak et que j'ai suivi le gentil garçon qui m'a glissé dans des rues moins fréquentées en me proposant un plan en or et de la joie dans les périphéries, il suffisait que je monte dans une voiture avec lui et filer. J'étais retourné lentement vers la sécurité touristique. Ou à Venise en sortant de la Fundamenta de la Misericordia bien ivre avec un type qui m'a promis un raccourci dans une impasse que je connaissais d'avoir trop errer dans ses rues et que j'ai laissé en me retournant les oreilles pour sentir ses pas s'éloigner. Toutes ces routes un couteau dans la poche et le nez comme un chien. Yucca Avenue, on ralentit et on tourne à gauche dans le parking du California Inn. Oui. Là ça à l'air bien.





12.26.2014

12.19.2014

Haïku de route-22/ Michel Viala dans le Mojave






















Ce sont des coins comme ça, où tout le monde vient, dans nulle part, où l'on pourrait s'installer et perdre son nom. On viendrait voler des vieilles histoires et regarder du rien moite et terne et une route qui mettrait un cinéma qui s'arrêterait pas, juste devant, avec des chaises. Maman en jeans. J'espère qu'elle a pas trop chaud. Ce matin encore, on était à Inglewood dans le taxi qui nous menait vers la Ford. C'est fou comme tout passe plus lentement quand les espaces changent si brutalement. On resterait ici pour ne pas perdre le contact avec les mondes qui vivent si vite et qu'on voit aux nouvelles le soir. Et on resterait ici pour avoir un peu de rien lent. L'Aiguille file pas si loin derrière et devant la montagne avec juste des rochers en relief sur la carte. C'est ma mère qui a réservé à Inglewood, mais pour le reste on a rien prévu. C'est le pays des Motels. Le pays de la route simple. La route ouverte. On va aller en trouver un.


On retourne sur Dagget, retrouver l'Aiguille et rouler vers Barstow, la ville des transits, coupée par l'Interstate 15 et la 40, la pause Burger pour Vegas ou avant de rentrer à LA. Un ville à moi, une ville de gares de triages, une ville-pont, une traverse dans le Mojave. Il n'y a pas de raison de vouloir y vivre, normalement. J'aimais, plus jeune, passer des heures sur les escaliers des gares à boire une bière et regarder les gens passer, revenir de quelque part ou aller quelque part. J'ai rencontré l'écrivain Viala avec qui j'ai partagé une bouteille de mauvais rouge dans le hall de la gare de Genève-Cornavin quand il était encore un clochard et que ses anciens copains faisaient leurs carrières dans la suissitude ou plus loin. Il avait déjà tout écrit ce qui sera publié par la suite sous le titre "Théâtre incomplet". Joué et monté. Puis faire comme la vie se passe, dans sa ville. C'est pas grand chose les liens, on croit que c'est tissé à vie et que jamais personne ne nous lâchera. C'est pas facile d'arrêter de croire à l'éternité de certaines choses. Etre oublié, c'est le truc le plus simple au monde, le plus évident et le plus commun. J'ai oublié tellement de gens.


La route n'est pas très longue. Nous ne sommes pas très fatigués non plus. On entre dans des rues qui ouvrent Barstow, maisons de un étage aux toits de tuiles lie-de-vin et aux murs jaunes, les couleurs du Mojave urbanisé, Centennial Park, le carrefour avec le tank comme un statue joyeuse et accueillante, revenu d'Irak probablement, la base n'est pas loin. Speed Limit 25, on longe lentement, on regarde les enseignes. Ma mère a toujours son bandana avec les têtes de mort. On continue à presque sortir de la ville, on revient, une avenue avec des blocs de magasins et des motels, des restaurants et du soleil en haut.














































Pictures/ High Flying Bird



Do not Enter (In this World)



































12.16.2014

Préface à mon roman/ La Suissitude









Ce roman parle de John, Jill, Sam et Sarah. Nés avec la crise dans un pays qui ne semble toujours pas la connaître, ils ont eu 16 ans dans les années Sida et 18 dans un pays qui fournissait les meilleures cames d’Europe. Leurs vingtaines ne pouvaient que suivre des traces parfaitement naturelles.



Ce roman ne raconte pas leurs histoires, mais tous les entres, les intervalles qui se calent entre toutes les histoires.



C’est l’aube. Avec un peu de bonne volonté, c’est toujours l’aube. Le temps n’existait pas, il n’y avait que l’espace qui oscillait. Ou bien alors, dans ce pays, le temps n’avait pas envie d’exister. Ils avaient tous toujours cru que tout resterait.



Ce pays s’était laissé aller. Il était devenu éternel. Tous ses efforts étaient tendus à créer un normal pour remplacer le normal d’avant et marcher lent de hier à hier et de faire de demain, un nouveau hier sûr.



C’est l’écho de tous les mêmes qui serrait dans l’hiver et menait le chaud et dans l’été, faisait de l’orage ou un peu de frais, dans l’ombre, par là. L’identité de ce pays est son absence.



Aucun style romanesque ne parviendra à rendre, de ces intervalles hors de l’histoire, la précision tendue qui fit les détails où se fondèrent nos vies, si ce n’est la poésie qui, de tout temps, a toujours été le langage le plus clair.
Il était une fois, John, Jill, Sam et Sarah.









My songs Lyrics/ Pas de doutes















Je n'ai pas de doutes, pas de chemins,
pas de larmes qui coulent sur ma main
de longues allées larges, des terres vides
et des immeubles au murs livides


Je ne crois en rien, je n'ai pas d'attentes
et toutes les journées sont des routes en pentes
et toutes ces routes mènent à des ponts
où les gens attendent, braillant comme des cons


Je sais où je suis
et n'espère rien
les oiseaux ce soir s'en vont au loin
et je retourne dans ma chambre d'hôtel
m'endors quelques heures, enveloppé dans mes ailes














12.12.2014

Closers est un journal fasciste/ Dit merci Marine

l'article de Closers ouvre le FN.
 Il le met sur la ligne que Marine cherche.
 La ligne des Pays-Bas, où Wilders a parfaitement compris, qu'aujourd'hui, un parti, un chef ne peut plus fonctionner comme projet politique, tant même les fachos ont été happés par l'individualisme de la société. Un projet de droite extrême doit défendre les libertés individuelles (dans ce sens l'article de Closers aide le FN dans sa dédiabolisation) et doit s'axer sur le sol, l'indépendance, l'européanité, le judéo-christianisme (décritique d'Israël, critique de l'Islam).

Cet article ne porte pas atteinte à la politique du FN mais la justifie. 

Son axe est dégueulasse sur le principe de la vie privée et dégueulasse politiquement.

Closers est dégueulasse et vaut, là, dans un bref temps de sous-gloire, Minute.
 

La grammaire est Sexy/ Hollande, Sarkozy, Le Pen, vous ne ferez rien et nous le savons




Un cours de français. Comme d'habitude.
Un groupe d'étudiants anglophones.
Et je conclus:


Comme je vous disais en début de cours, la grammaire est la structuration de la vision du monde d'une société x à un temps donné. Elle n'explique bien entendu pas les complexités et les différences multiples qui fondent et font vivre une nation N mais offre une grille de lecture, probablement basique, mais pas totalement dénuée de fondement.
Nous pouvons donc conclure que la France en général (rictus et humour) est une société archaïque, rigide, hiérarchisée, où la position détermine la fonction et où le choix du pronom personnel et relatif dépend principalement de la fonction qu'ils recouvrent, où le monde est divisé en deux principes, masculin et féminin où le masculin doit dominer, dans laquelle le rapport de propriété est déterminé par l'objet et non pas par l'individu, dans laquelle la raison et la tête (indicatif) doit dominer le corps et les émotions (subjonctif), où le temps et l'action sont intimement liés, qui ne considère pas le temps comme une durée mais des moments d'états, où l'adjectif est le chien, d'une certaine manière, du nom et qui, malgré le fait que sa langue possède tous les outils nécessaires (les mêmes qu'en allemand) pour offrir aux nouveaux concepts leurs termes appropriés, préfère ne rien créer ou adopter à contre-coeur des terminologies étrangères et francisées.

Nous pouvons donc dire que la France est irréformable, non par incapacité ou manque de compétences, mais parce qu'elle ne le veut, originellement (Port-Royal), pas.

Demain est le plus beau hier et hier est le meilleur demain.


Puis je suis allé boire un verre.



12.11.2014

Haïku d'images-27/ Veterans Paradise






We love You








Mums

I gonna be back

as a Hero















Haïku de routes-21/ Calling You

La caravane derrière, je me demande si elle est habitée. Mais je crois qu'ils vivent plutôt dans la maison à droite. Ils ont fait une structure en bois sur laquelle ils ont fixé de la tôle ondulée sur le devant et sur le haut du côté. En bas c'est rigolo. Un béton avec des trous dedans de la taille de cul de bouteilles. Devant c'est de la poussière et un jardin de caillou et tout autour un grillage jusqu'à mes épaules. On avait retrouvé le billet de Pepi avec les indications pour arriver ici chez Peggy mais on s'est perdu quand même. On pense un peu à lui avec ma mère, sa longue route sur la 66 et il s'était assis ici, sur ces bois et il avait eu droit à tous ses Calling You de Bob Telson, chanté par Jevetta Steele et les affiches des marines et tous les mots sur les murs. Je me demande s'il en a laissé un pour ceux de chez nous qui viendraient. Je regarde, marche un peu dans le café. Il y en a beaucoup en français. Il nous a fait des histoires pour venir jusqu'ici ce film. Pepi, il a les plus belles rides que j'ai jamais vu. Je veux les mêmes. celles qui sont faites des dehors la journée, des jardins et de la bise et du lac à la pêche, celles avec beaucoup de grands rires et du vin blanc et des dures tristesses longues et de la vie bien pleine. Pas des rides de citadins, des rides de bureau et de bus entre les crachins de carbones, pas des rides intérieures, pas des rides de béton mais des rides des rêves d'asphaltes la fenêtre ouverte. Pepi, c'est mon ami.


J'achète une casquette pour le petit, toute blanche avec dessus marqué "Bagdad Café". Tous ces gens qui reviennent des Amériques avec des casquettes des Lakers ou des 49 qu'on trouve partout ici ou qu'on commande en voyageant sur google map. Une belle casquette. Ma mère achète un bandana avec des têtes de mort psychédéliques. Le soleil va tomber. Et il va vouloir nous faire mal. Elle est magnifique en le portant quand je la prends en photo devant l'enseigne et les voitures qui se sont arrêtées pour qu'on entende mille fois "Calling you". Des drapeaux du Brésil à l'arrière du troupeau qui freine. La quarantaine des suffisances, le bon argent qui loue la Chopper qui plantera pas et un goût de route sur quelques semaines tout en cuir brûlant, la voix des joies grasses. Calling You quand ils se prennent en photo derrière le bar. Il y a ces moments terrible de l'intime où l'ouvrier apprend qu'il aime le même livre que celui qui l'a viré. Ou l'inverse. C'est la même chose de toute façon.


On laisse le Brésil boire et prendre l'espace. Nous, on va à Barstow. Ici les seuls oiseaux ce sont les corneilles. Elles sont partout. Je repense à Pepi. on avait pris la route, celle du vignoble, on était derrière l'été. On allait tourné une des dernières scènes d'une Journée à l'hôtel Bargagne, un de mes films. Nous venions de passer les dernières maisons avant les côteaux. Brusquement elle était là, noire, un peu frémissante. On s'est arrêté et nous sommes sortis de la voiture. On s'est approché lentement. On voulait pas que ça parte. Le merveilleux il doit prendre son temps pour nous quitter. Ils étaient des centaines. Des centaines. Ils étaient là pour nous, ça n'avait pas de sens sinon. Normalement ils s'attendaient dans les vignes ou sur les lignes à haute tension. Ils n'avaient pas peur. On aurait dit un film, mais gentil. Je n'ai pas eu tout de suite le réflexe de prendre la caméra, mais je crois que c'était assez sain, j'avais encore envie de réalité malgré toutes les images que je mettais entre la vie. Puis, tout d'un coup, ils se sont envolés, rejoints par ceux qui étaient dans les vignes. Et ils ont commencé à déformer l'espace en rythme brisé, rassemblé, un corps fait de corps, tout harmonieux, et c'était noir au-dessus de nous, ça montait haut puis rasait les vignes, ça soufflait. Chacun sans toucher l'autre et ensemble, ils étaient un corps qui se jouait de sa forme et qui respirait, respirait, respirait en volant. Il n'y a pas grand chose de mieux dans la vie que de regarder les étourneaux qui se rassemblent avant de partir et qui causent quelques jours pour trouver le bon vent et choisir le bon chemin avec un ami.






12.10.2014

Les images sont des reins



















Il n'y a que la poésie.





Les mots clairs sont les mots flous.


Et ça ment.



Terriblement.




Les images sont des reins.





Le monde à venir
sans mots
que
des images
de
mots








Il n'y a que la poésie
































L'Origine du monde




C'est là. Et ça a toujours été là








































12.08.2014

Les bons gamins de DAECH
























Est-ce que l'on est fou et irrémédiablement perdu lorsqu'on cherche à prendre part à une utopie?
Je ne vais pas jouer à l'échelle des idéologies, religieuses ou non, j'ai mes propres opinions et mes propres peurs. Les masses qui n'ont qu'un cri, quel qu'il soit, me terrorisent, mais ce n'est pas la peur qui doit mener la réflexion, ni un jugement de catégorie.
La question est de savoir pourquoi les gens partent, parfois en famille, pourquoi si nombreux et d'autant de pays différents. Et quoi faire s'il y a quelque chose à faire lorsque certains ou certaines reviendront?
Sans minimiser les risques, il est trop simple de voir, en chacun d'eux des Merah en puissance ou en latence. Sans minimiser les conséquences des camps d'éducations et leur puissance, un esprit humain n'est pas un robot programmé.
J'ai lu certains commentaires qui semblaient surpris de la moyenne d'âge de ceux et celles qui partaient. j'aurai, moi, été surpris s'ils avaient tous et toutes eu la trentaine passée.
La force des idéologies et principalement le simplisme des idéologies religieuses c'est qu'elles offrent des réponses, une voie claire, un idéal atteignable et une communauté solidaire. Tout ce que nos sociétés échouent à offrir.
La démocratie libérale est une coquille, à la fois vide de sens parce que tout semble s'y valoir et trop pleine de tout. Elles n'offrent que des questions qui acceptent trop de réponses possibles. Elle possèdent des milliers de voies plus ou moins accessibles, mais elle laisse bien seul face à ces voies.
Le règne du choix c'est le mur du choisir. Nos idéaux sont la matière. Nos rêves, des points de croissance, nos aspirations, la matière nouvelle et son accumulation. La communauté de tous dans l'offre ouverte, à choix multiples, c'est la communauté du séparé et du comparé. Les villes de grandes solitudes.

Ces gamins ne sont pas perdus. Ils sont très là et très exigeants. Ils cherchent un rêve uni. Ils ne sont pas fous, mais simples, non d'esprit, mais d'aspiration. Ce n'est ni l'addition, ni la multiplication qui les poussent, mais la soustraction du spectacle,
à l'ennui de la marchandise, ils répondent le coeur ouvert, trop ouvert et au désir, ils veulent, simplement.
Non, ils ne sont pas perdus. Non, ils ne sont pas fous. Ils sont ce que l'on devrait être, s'il on était capable de proposer une vraie utopie matérialiste, la décroissance par exemple, le responsabilisme vert, la collectivité directe, la politique des immeubles, des voisins, des rues, les conseils dynamiques,
hors du monde du PIB, de la productivité, de l'accumulation, de la consommation et de la joie virtuelle.

A chaque époque et à chaque contexte son délire excitant, son Autre monde, son Grand soir, son Empire Millénariste,...
Un société qui n'a rien n'a proposé et qui ne fait rien pour proposer quoi que ce soit de nouveau offre à ceux et celles qui veulent tout les bras de tous les fascismes.


















































12.07.2014

Amy Winehouse est une pauvre fille



"On n'est pas sérieux quand on a 17 ans" et "J'interdis à quiconque de dire que 20 ans est le plus bel âge de la vie".

On l'a bien cru et vécu assez ainsi. C'était joli nos héros qui traçaient une ligne, tout semblait simple, même mourir à 27 ans.

Il n'y avait pas d'époque pour être absolument moderne, devant c'était les beaux quartiers de la vie, il n'y avait même pas besoin d'écrire vraiment, les choses viendraient naturellement.

J'ai su assez tôt ce que je voulais devenir et j'ai tout fait pour. Ce que je suis, là, c'est une construction méthodique du chaos, pas de regret, je suis la situation que je voulais être.

 J'ai plaqué beaucoup et me suis formé à rien. A 16 ans, 21 tout allait être évident, tout sera évident,
il s'agissait simplement de bâtir les causes, les conséquences viendraient à point, dures probablement, mais grandioses, c'est la vie pleine et l'extraordinaire permanent, la promesse d'un vin nouveau et la possibilité de toutes les îles.
il fallait simplement détruire consciencieusement la maison qu'on nous proposait et creuser des sillons pour le fleuve à venir.

C'est lent aussi, mais ça commence gentiment, ça croît comme ça et ça rattrape vite. Le romantisme est mignon quand il n'est pas vécu, quand il a la délicatesse de ne pas devenir réel. On fait des poses, on se montre, on joue à, tant qu'on a les moyens du jeu et il y a ceux et celles qui glissent plus vite, peut-être qu'ils avaient compris plus vite ou alors c'était dans leurs peaux, à fleur vite éclose et un mauvais virage sur une chaussée trop glissante ou une dose juste un peu trop over.

Et là c'est pas l'Ubris qui monte, elle a bien pu monter bien plus tôt, elle se tortillonne toujours par-ci par-là,
non, ce sont les conséquences qui viennent en écho et se manifestent là, le matin ou dans les poches ou ailleurs dans le mois ou dans l'oeil et les retrouvailles, les histoires de ce qu'on devient, elles viennent et restent ou repartent un peu et rentrent chez elles, mais pas pour long, le ressac, on avait eu le lac pour comprendre plus tôt, on lisait tant et on ne savait pas lire, on regardait et remplissait des carnets mais on ne savait pas voir.
C'est souvent quand on passe 25 ans et que certains et certaines sortent des études, d'autres sont déjà en famille et c'est le spectacle des débuts ou de la routine et c'est le moment aussi où l'extraordinaire devient banal, où les yeux cherchent dans les murs des fissures pour la merveille, où les rues sont plus tout à fait nouvelles, les visages des bars un peu plus répétitifs, les fêtes de plus en plus ennuyeuses.

Il n'y a pas de malédiction des 27 ans, de numérologie branleuse, c'est par là que le rêve devenu à sa réalité, et peu importe depuis combien de temps, peu importe comment, il nous faut goûter à la troisième zone de la liberté qui, après s'être créer des choix, avoir choisi, se doit de les assumer.

Il n'y a aucune malédiction mais un nombre outrancier d'Eloge de la Fuite.
C'est un âge où l'on se suicide volontiers, il y a le courage des dégoûts ou la mollesse des overdoses, la lâcheté, toujours, d'avoir gueulé et brandi et promis et fait miroiter la liberté, le vivre-libre et d'avoir abandonné aux premiers moments difficiles.

Oui, à tous les salopards et salopardes mort(e)s avant trente ans, je crache doucement et en joie sur vos tombes.



12.04.2014

My songs lyrics-1/The Stream





Weading without no one
Water, Dead Cows, riffle, Rainbow
The gas moves
The Dawn
Sam and sara
John in the Backyeard, the Stream
The Stream
Morning without nothing
Gunshop, Mothers Talking
Soft Streets of Mid-Spring



Oh Tamo Daleko
Sam malo Umoran
Ja ništa ne radim
I ništa ne učim

(Bis)



City without no one
Roamers, Rythm, The Good Son
Moping, seaping,
The parents drinking in the Backyeard
Where blows the Odd Droves?
Noon tired without no Food
Carwashed, Loundary,
sharp Streets of Mid-spring



Oh Tamo Daleko
Sam malo Umoran
Ja ništa ne radim
I ništa ne učim

(Bis)





House without no one
Landscape, Horses, Cave
The Pythia, the Sound
They've hit it of, Take it from here
And So on... And so On
Sweet Evening just with You
Daydream, I See Something
In the Sweet Street of Mid-Springs





Oh Tamo Daleko
Sam malo Umoran
Ja ništa ne radim
I ništa ne učim

(Bis)



La poésie est un langage clair/Born to be Wild






































(





)





























































12.03.2014

Haïku d'images-24/ Try Something Different









Haïku de route-20/ Boss Lady Andree Pruett Welcome Ya All

Je ne sais plus trop quand je l'ai vu. Juste une fois ça j'en suis sûr. Juste une. Je ne savais pas que le titre était "Out of Rosenheim". Je n'ai que le souvenir d'une femme au milieu de pas grand chose et la musique et de la chaleur dans l'image. Je n'étais pas bien grand. Je ne me rappelle plus s'il n'y avait que ma mère ou si mon père était là aussi, en haut, dans la chambre de la télé après l'escalier qui séparait nos chambre, mon frère et moi de celle de mes parents et la salle de bain où j'allais faire la sieste. c'est bizarre les souvenirs. Ca ne vient jamais vraiment comme on veut et on se demande s'ils servent à quelque chose, comme si la vie c'était nourrir du passé. Je pourrais très bien en faire ce que j'en veux des souvenirs, les relire, en enlever des images, y rajouter du monde. Je pourrais rebooter ma mémoire et la programmer à l'échelle d'aujourd'hui. Non, je ne sais pas si papa était là. C'était le soir. On mangeait à 19h et c'était souvent silencieux puis ils montaient pour le journal télévisé. Quel jour? Si c'était lundi alors c'était Spécial Cinéma, mais peut-être que c'était TF1 un dimanche ou ailleurs dans la semaine sur Antenne 2. Mais j'étais petit et la semaine je devais dormir tôt. Je me rappelle de rien. Juste une femme au milieu de presque nulle part dans une image chaude.


On se parque devant. Open 7 Days, 7am/7pm. A côté, sur le vague, il y a une caravane comme en fer blanc qui ressemble à une balle de revolver ou à une gélule vidée sans fenêtre ni porte et le ciel bleu, quelques étirées fines et blanches et derrière le café un autre suppositoire plus déglingué, la porte ouverte, presque arrachée. On le raterait sans problème. Des briques de vin. Un toit d'écorce. Devant la porte il y a une petite table ronde et des chaises de métal et Drogo qui boit une bière avec le vieux Filimore en fixant la route. Une gamine tourne en rond. On entre. A Bagdad on ne hisse pas de drapeau, une autre routine d'une autre discipline, à chaque touriste qui entre, on met la musique du film. Le temps qu'on y restera, on l'entendra six ou sept fois. On est content, ma mère sourit, les murs sont remplis des témoignages de ceux et celles qui sont passés par là, sur des sous-verres, des bouts de carnets, de toutes les écritures, de partout, des fanions, des drapeaux, les gendarmes de là, le club de rugby d'ici, les bandes de motards qui louent à LA pour claquer à Vegas ou plus long, le rêve, la 66 en entier.


On s'assied à une table. Elles sont en bois. Ma mère prend un café. Moi une bière. Sur les planches du bar, des publicités Budweiser, the Great American Lager, illustrée d'images à la gloire de chaque corps de l'armée américaine, une peinture montrant John Wayne au-dessus de la porte  qui mène aux toilettes. Au-dessus du bar des lettres blanches sont fatiguées de s'incruster sur le tableau noir, elles disent "World famous bagdad café present Boss Lady Andree Pruett welcome y all, y all come back, now ya hear" et à côté, on nous invite à essayer quelque chose de différent comme un Buffalo Burger à 9,95 ou une Home made Pies sans prix. On commente la musique à devenir fou, on lit dans le livre d'or, on imagine la vie là. Nous sommes les Tartares et nous traversons ces gens comme des ombres. Ils nous voient à peine, mettent la musique, encaissent, retourne s'asseoir sur les chaises de métal, une bière fraîche à la main. La serveuse est bancal. Elle se tient devant la route. elle penche. Sa peau, c'est la route, tendue et crevée, avec des pistes partant partout, séchée sur les os. La gamine la rejoint. Je prends une autre bière.






























12.01.2014

Haïku d'images-23/ No Berry in Newberry







Haïku d'images-22/ On The Road









Your Road

Is Always

The Right One

Haïku de route-19/ 46548 National Trails Hwy

46548. On sort de l'Aiguille. Le temps, chaud, l'Air Co et cette crinière de peluche mouchetée qui recouvre la peau rauque et cailleuse, minérale du Mojave par Quarry Road et toujours ce bon vieux choix de tous les carrefours. Je crois à gauche, mais on part à droite, je doute et j'hésite. On a pris juste mais on abandonne trop vite, on aurait aimé que ça explose devant nous, on voulait là, on pensait, tout de suite. On revient sur nos pas. C'est comme lorsque j'essaie d'écrire le néerlandais et que je mets deux "a" quand il n'en faut qu'un et l'inverse, une évidence, je regarde souvent à droite lorsque c'est à gauche que ça se passe. En face il y a le Kelly's Market & Truck Stop, un vaste grisâtre et poussièreux pour les camions immenses, quelques voitures garées, pas de numéro, je nous envoie à gauche sur la National Trails Hwy, la 66 d'ici passant sous l'Aiguille à la recherche de Bagdad. Un rien de chaque côté, pas loin de tous les tout des percées d'Amérique, percées craquelées, fendues, prises dans le soleil, route ridée et sèche, paumée de la 15 et du bitume botoxé des portes de Vegas. On trace au rythme des pylônes des pionniers et c'est comme un morse qu'on fait, long sur le lisse et les points sur les crevasses.


On remonte, l'impasse de Martino et des voies de chemins de fer. Ma mère me demande si je suis sûr que c'est là, je ne sais pas, j'attends les premières boîtes aux lettres, des numéros, on digère Peggy. Les touffes du désert, des pistes praticables, toutes courtes vers des habitations basses, amoncellées de ferrailles, de bois, de restes de tout, de l'ancien utile en attente de le redevenir, un îlot à faire quoi le long des voies de communication, planté dans un sol qui n'a rien à donner. On continue encore un peu vers un second îlot de plus d'habitations. Les toits sont gris, semblent bouillant, on dirait de la tôle, une ferraillerie ou une casse sans carcasses, un éparse de voitures, de remorques, de campings-cars déposés là et des bateaux. Des bateaux au sol, dans le désert comme si le déluge allait enfin arriver et que certaines personnes allaient enfin avoir quelque chose à vivre. Un faible grillage et des chiens probablement. On s'arrête en bord de route. Je regarde les numéros. C'était à droite. Mais je suis persuadé que si j'avais pris à droite, Bagdad se serait déplacé à gauche.


On fait demi-tour. C'était plus facile de sortir de LA. On rejoint Kelly. On a tangué les choix. On s'est balancé sur un micro-tronçon de la 66, on en rit maintenant, on sait que c'est bon. Ce filant droit loin et la montagne à droite, cette évidence de l'espace, son arrogance quand il se perd à vue, quand sa joie s'étire dans l'ennui des longues marches où l'on ne voit rien passer, où la route fait du sur place. J'ai marché quelque fois dans la nuit, l'hiver, entre Genève et Rolle, souvent entre Nyon et Rolle, 30km, 15km à arriver à l'aube dans mon lit chez mes parents sans m'être arrêté, décuité de beuverie mais dans l'ivre de la marche quand on serre les poings pour que l'énergie tourne en nous et ne s'enfuie pas vers le lac ou les champs et les yeux rivés au sol pour que la route défile comme un film et s'avance vers le retour. J'ai marché des nuits splendides avec en moi un loin incroyablement dense, crevé et doux. Je regarde ce loin ici, sur la National Trails Hwy avec les 44 qui deviennent 45 et 46200, 300, 400, des pistes auquelles on a donné des noms, Monaco Street, Mini Ranch Row, Caspian Road. Et là, sur la gauche. Bagdad.