L’obscène.
Mon ami le Goulven me demande d’y penser. Il parle de l’ob-scène. Ce qui est
hors de la scène, derrière la scène, sous la scène. Commençons.
L’obscène
de ton beef burger, ce sont les sols secs de Californie
L’obscène
de ta douche dans un 4 étoile de LA, ce sont les creeks à sec de Californie
L’obscène
de ton dernier Samsung Galaxie, ce sont les 12h sans pause des gamins dans les
mines de cobalt.
L’obscène
de ton Iphone, ce sont les dortoires des ouvriers des usines chinoises
L’obscène
de ton bain chaud, ce sont les déchets d’uranium stockés où déjà?
L’obscène
de ta chemise Zara, ce sont les ateliers qui s’effondrent sur les ouvriers au
Bangladesh
L’obscène
de ton vote Michel, ce sont les les milliards des Panama Paper
L’obscène
de ton vote Michel, ce sont les rafles à la gare du nord.
L’obscène
de ton vote Macron, c’est la fin de tes droits de travailleurs
L’obscène
de ta jupiler, ce sont les 0% d’impôt payé par AB Inbev
L’obscène
de ta mère, c’est ta naissance comme participant du monde
L’obscène
de ton voyage à Beijing, ce sont les chiens découpés vivants
L’obscène
de ton vol sur Turkish airlines, ce sont les expulsions de Soudanais
L’obscène
de ton vol Ryan air, ce sont les 800€ par mois des stewards et stewardess payé
à la fermeture des portes de ton avion
L’obscène
de ton pull en cachemir, c’est le cri de l’animal dépecé vivant
L’obscène
du livre que tu lis, ce sont les x% payé à l’écrivain
L’obscène
de ton boudin chez Lidl, c’est le salaire de l’employé(e) qui te sourit
L’obscène
de ton verre de lait, c’est le suicide du producteur qui reçoit x sur le prix
que tu paies
L’obscène
de ton sirop pour la toux, c’est l’ouvrier grippé qui fait ton mélange sur la
chaîne de montage
L’obscène
de ton filet de perche, ce sont les 12 heures de travail du pécheur levé à 3h
du matin.
L’obscène
de ton plan cul, ce sont les 54 likes de ta semaine sur Tinder
L’obscène
de ton rail de coke, ce sont les mules crevée ou en tôle
L’obscène
de ton 16e arrondissement, ce sont 40 ans d’exclusion en
Seine-St-Denis
L’obscène
de ta banlieue, c’est le manteau sur le chien des putes de la télé réalité
L’obscène
de ta voiture, c’est l’air que tu respires
L’obscène
de demain, c’est hier
L’obscène
de ton jogging, c’est l’air que tu respires
L’obscène
de ton confort, c’est ton contrat de travail
L’obscène
de ton désir, c’est ton ennui
L’obscène
de la sirène de flic, c’est ton impossibilité à vivre avec les autres
L’obscène
de ta colère, c’est ton impossibilité à vivre avec les autres
L’obscène
de ton aigreur, c’est ta peur
L’obscène
de ta Leffe, c’est qu’elle appartient à AB Inbev
L’obscène
de ton poulet, ton boeuf, ton veau à si peu d’euro le kilo, c’est Auschwitz
L’obscène
de ton électricité française, c’est le soldat crevé en Centre-Afrique qui
pensait se battre contre le terrorisme
L’obscène
de ton premier rendez-vous, c’est la sueur de tes aisselles
L’obscène
de l’agriculture, c’est l’enclos
L’obscène
de ta ville, c’est la sédentarisation
L’obscène
de ton présent, c’est l’histoire
L’obscène
de ton café, ton riz, ton thé, ... ce sont les 1€6 par jour de celui qui
cultive ta terre
L’obscène
de ta fatigue, c’est le contrat que tu as signé
L’obscène
de ta séparation, c’est la vie que tu ne voulais pas abandonné
L’obscène
de ta séparation, c’est le langage que tu n’as pas appris
L’obscène
du rien, c’est le désespoir de l’offre
L’obscène
de la demande, c’est ton besoin
L’obscène
de Marc Lévy, c’est ta niaiserie
L’obscène de
l’Europe, ce n’est plus la deuxième guerre mondiale
L’obscène
de l’âge de ta retraite, c’est le réfugié dont tu acceptes l’expulsion
L’obscène
de midi, c’est le soleil qui a bien voulu se lever
L’obscène
de ton haleine, c’est ce que tu as mangé les dernières années
L’obscène
du sexe, c’est aussi ton manque
L’obscène
du poisson que tu manges, c’est lui nageant
L’obscène
du sourire que tu offres alors que tu ne veux pas sourire, c’est le code qui te
demande de le faire
....
La liste à
continuer. A détailler. La liste à en faire une image de ce qui n’est pas
immédiatement ce qui est.
Comment
faire?
Cataloguer.
Et pour chaque objet jusqu’à chaque geste, la chaîne qui le fait être et, dans
la longueur de la chaîne, la disparition de sa naissance.
Ou. A se
demander, non ce qui obscène. Ce ne serait qu’un long travelling de trois
heures, trois jours, montrant. Tout.
En
réfléchissant à la question de l’obscène, je me suis demandé à chaque objet vu
(un Iphone, une veste Zara,...), chaque bâtiment vu (le cinquantenaire, les
bureaux d’Umicore, le chantier du nouveau BNP, ta maison,...) chaque geste vu
(une main dans les cheveux, des pieds qui traînent, la vapeur d’une cigarette
électronique,...) quel était son obscène.
Quel était
l’obscène de nos banalités.
Et sans
préavis d’une obscène nécessairement négatif, immanquablement sale.
L’obscène,
c’est le vertige.
Synchronique
d’un système de production-consommation quasi immédiat et, en général, ignare
de la mine de cobalt au téléchargement d’une app, ignare de la chaire rose du
veau qui mijote après le cellophane au conditionnement des fermes-usines.
Diachronique
de la poignée de main, de la main au cul, de la main coupée du caoutchouc qui
se prélasse l’été sur l’herbe du cinquentenaire ou du recyclage de l’Union minière
dans le recyclage, de la Stadt des KdF-Wagens au Dieselgate de VW.
L’obscène c’est
le vertige de l’oubli conscient. Le vertige du confort, alors le vertige de la
peur.
Le vertige
de ne pouvoir rien être si la conséquence doit s’en chercher une cause.
L’obscène c’est
le vertige de la scène sans conséquence.