1.24.2015

Haïku de route-28/ Breakfast in Amerika

Le jet-lag est monacal. Je fais les aubes et couche aux poules, il est 5h30, les rideaux tirés, je m'extrais, le plus silencieusement possible, sur la table de nuit, un livre que je n'arrive pas à commencer et que j'adorerai plus tard et ma mère, à côté, qui dort encore, toute bien. Je prends une douche, très chaude puis très froide, la porte de la salle de bain fermée, je m'habille, pieds nus sur la moquette, j'ouvre doucement la porte fenêtre et m'adosse sur le balcon minuscule et sur le Mojave, la route et la piscine, je tape le code sur l'I-pad. Je regarde le décalage, la journée déjà bien entamée de ma femme et du petit. Je pense à eux, les yeux encore brouillés, je leur écris. Le temps est dilaté, ce temps qui n'existe pas, qui n'est qu'un espace qui oscille, ici, contraint. Le temps s'étire, je regarde la piste sur google map. Hier soir au DiNapoli ma mère et moi on s'est dit que ce serait bien d'anticiper le motel suivant. Je regarde la carte de Californie, sur du vrai papier, je calcule les distances. Aujourd'hui on traverse la Vallée de la Mort.


Ma mère s'extrait, d'un rite l'autre, hors la brume. J'essaie de faire du café filtre avec ces machines que je ne comprends pas. J'y parviens à peu près. l'eau est noirâtre, je la sucre. Je me suis beaucoup demandé. J'ai joué la sécurité. C'est loin. J'ai réservé à Long Pine, mais peut-être qu'on trouvera avant et tant pis. Pour l'instant tout est simple. On a faim. j'ai un bouton sur le nez. Je me suis rasé le jour du départ. Je commence à me tapisser. Ma mère a des beaux yeux. On descend manger ce qui sera, mais nous ne le savons pas encore, le meilleur petit-déjeuner des routes. La salle est une salle. Ce n'est pas comme à Los angeles, serrés sur les canapés et les clients monstrueux, devant la réception. Les Allemands ne sont pas là, quelques clients, on prend une table. Saucisse et oeufs brouillés, toasts et toaster, café et jus d'orange, corn-flakes de toutes les couleurs. Je me gave. Ma mère prend des corn-flakes, les normaux, un peu de pain, un café. Je ne me rappelle pas avoir pris des petits-déjeuner en famille quand j'étais petit. On se réveillait. Chacun nos heures. Quand j'ai commencé à passer du temps dans la salle de bains de mes parents, à côté de leur chambre, couché avec le ventilateur à air chaud, je mangeais d'abord vite en bas, à la cuisine, des frosties souvent, un bol de corn-flakes, rarement des tartines, seul. Le café est arrivé plus tard. Avant je crois que je ne buvais rien. Personne ne se réveille de la même manière. Je n'ai jamais compris ces familles qui s'obligent à prendre le petit-déjeuner ensemble. Laissez-nous entrer au monde à notre rythme.


Nos chaussures sont posées à chaque extrémité de la commode de la télévision que nous n'avons pas allumée. Ma mère a déposé ses petites affaires sur la gauche de l'écran. Je me suis répandu entre le micro-onde et la table de nuit. Des sachets en plastique sur le sol. On compartimente nos espaces. Ma mère je l'aime et mon père aussi et mon frère aussi, chacun d'une manière différente. Mais, d'une certaine manière, nous avons toujours vécu séparé, un ensemble séparé, un séparé protégé et protégeant. Nous mangions ensemble le soir. A midi, mes parents travaillaient. Il n'existait pas de cantine dans mes écoles. Je rentrais à la maison tous les midis. Pendant longtemps j'ai eu des jeunes filles au pair qui remplissaient mes assiettes. Je faisais les trajets à pied, parfois à vélo. Quand j'étais à l'école du haut, la compagnie de bus scolaire considérait que j'habitais trop près de l'école pour venir me chercher. Et quand j'ai été à l'école du bas, la compagnie de bus scolaire a considéré que j'habitais trop bas pour venir me chercher. C'est une des plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. J'ai appris à marcher, à marcher vraiment, grâce à la compagnie de bus et à mes parents qui ne pouvaient pas venir me chercher à midi. Avant les jeunes filles au pair il y avait eu Mamie Gallet, celle qui m'a brûlé le bras avec du café. Mais c'était ma faute. Les framboises à la crème m'avaient sucré les doigts. Je l'avais bousculée pour me laver les main. Elle a laissé tomber la cafetière sur mon bras. A trois ans et demi, j'ai appris à être poli. Et j'aime toujours ma cicatrice.



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