10.17.2015

Haïku de route-78/ Mono Lake
















280'000 tonne de sel. 78g au litre. Un Badwater liquide de 180 kilomètre carré s'étend devant nous. On ne réalise pas que nous sommes à près de 2000 mètre d'altitude, que hier encore nous étions sous la mer. Quand est-ce que ça a commencé à monter? Nous n'avons rien senti, rien vu. L'air est pareil, il descend juste, plus frais de la montagne. Il a perdu le désert, il poursuit le sel. Nous mettons le pied sur la bande blanche, la plage de sel sale, la plage dure de flaques vaseuses. Devant nous, le champs bleu, limpide d'eau morte, le champs d'eau plane, dense et douce où la vie, hallucinamment a décidé d'exister dans un Ph de 10, en s'appelant artémie, en n'étant que là, nulle part ailleurs, juste là pour nourrir les millions d'oiseaux migrateurs qui transitent par Mono pour survivre. Derrière nous, le champs vert, hérissé d'Artemisia, tendues à vivre entre les grands froids et les chaleurs, sous la lumière du soleil et les particules salées, pliant tendrement sous la brise faible. Nous marchons sur cette bande blanche d'urgence entre la vie vivante et vibrante et l'illusion alcaline de la vie.


Je n'ai pas très bien compris ce qu'était une caldeira. Pas dans les détails. On marche dans les pourtours d'une lointaine destruction, une mise à vide. On marche sur l'arète d'un chaudron, l'alliance d'un vieux mariage, le reste d'une alliance d'une vieille colère, un creux d'amour dans l'enjeu des forces, un reste d'amour, un souvenir tari et salé, un mirage lisse. J'aimais les dieux qui dansaient. Ceux qui avaient pris au temps et aux bras, aux cents bras du temps, le pouvoir et la joie de danser sur la terre et d'y mettre dans les pierres, entre les pierres, le vert et le fruit et la vie à mourir. Je regarde le lac Mono comme je regardais le vent d'Island et la banquise au nord de kangerlussuaq, le monde d'avant nous, le monde des errances de Cronos qui mangeait ses enfants pour ne pas exister. 280'000 tonnes de sel. 78g au litre. L'écho des battements sourds que doivent encore sentir les crevettes et les larves de mouches dans les flaques des baises d'Héphaistos et d'Aphrodite dans leur chambre magnétique, leurs orgasmes terrifiants qui faisaient s'effondrer leurs toits, la vidange des colères des dieux et ces dieux morts, finis, oubliés. J'aimerais ramasser cette anneau. J'aimerais être un nouveau dieu et ramasser cette anneau et l'offrir à ma femme.


C'est tellement doux de délirer quand on ne sait pas exactement qui on est. De voir et de rêver du grand ou de l'infâme, se mettre en quatre dans l'ailleur ou en pièce dans la booze et de se complaire de l'unique parce qu'on dit "je" et qu'on croit qu'on est bien le seul. Ce n'est pas encore la saison. Les oiseaux sont rares, les larves grouillent. J'effleure l'eau, j'effleure les pierres, j'effleure le sol comme je touchais les murs des ruines en me disant que quelqu'un, il y a très longtemps et entre tout ce temps avait fait pareil. J'ai toujours eu peur de la verticalité. J'ai toujours eu le vertige. Remettre à l'horizontale ses peurs, nier le temps, faire de l'Histoire et de mes histoires, une seule et même seconde. J'ai toujours voulu être tout et partout via ma conscience et construire en pensée, une vie idéal, l'ubiquité et le voyage de le temps et gagner sur tous les tableaux. Qui sait? peut-être est-ce la vérité. Peut-être que la vie et l'histoire, ce n'est qu'une seule seconde, toujours la même. Et si c'est une illusion, elle me suffit. Elle me nourrit. Elle me fait me lever le matin et me coucher dans la petite mort. Et elle est si simple à réaliser. Juste toucher une pierre, effleurer un mur. Et sourire.






































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