10.30.2015

Haïku de route-81/ Mala strana
































J'ai pas vraiment les chaussures pour. On se rapproche. On met nos yeux vers là ou là.  Je vois des visages dans les tufas, des visages de crépi achevé, une fatigue achevée, une fatigue de vieux dieux, les terriens, dissous dans les sels de Mono, dissous comme je les avais senti à la Morte, en Jordanie quand papa suivait plus et que j'essayais de flotter dans le sel et la vase au pied et, en face, Israel et ses dieux tout seul qui ont fui comme des saletés lâches. J'étais avec ma mère et son frère et Maryvonne. Et les touristes qui essayaient aussi de flotter dans le sel en face de la terre de tous les sangs et de toutes les ignorances. Nous sommes dans le vide avec ma mère, là, dans l'humain rien qu'humain, dans nos mémoires et toute notre mort qui vient et toute notre vie qui souffle comme l'herbe souffle, comme les crevettes qui devraient pas naître ici, comme les 2000 mètres qui paraissent 440 comme où je suis né, comme elle est née à moi, comme je suis né à elle comme mon frère est né à nous et à lui. Sans rien d'autre que le joli foutre de mon père dans le joli con de ma mère.


Elle me dit qu'elle va aller s'asseoir un peu. Il y a un banc entre le vert après un ponton en bois sur la vase. J'aimerais plus loin. J'aimerais un peu seul. Je vois encore des visages, tannés et hurlants dans les tufas qui émergent. J'ai les pieds un peu trempes. Je sais que c'est un trempe pas sain, un trempe gogeant. Je sais et je m'en fous comme je me suis toujours foutu des trempes gogeants, des plaies ouvertes. C'est comme cela que j'entraîne mon corps. Que je l'ai toujours entraîné. Mes anti-corps sont au top! Je les mets en première ligne, je les force, je les nourris. Je prends pas de connerie de médicaments, d'anti-septiques pour rien. Je n'ai jamais vraiment pourri. Je n'ai jamais été vraiment infecté. J'ai toujours lutté. Enfin... J'ai toujours laissé mon corps mener ses guerres, à son rythme, comme il devait, il fallait. Ma mère s'éloigne. Je la regarde un peu marcher vers le banc. Et je continue sur la berge en évitant la boue, les flaques, je regarde les mouches et les tufas, l'eau lisse, les mortes zones.


Je vois les visages que je voyais enfant, dans les noeuds de bois du chalet de grand-maman, dans les noeuds de bois des planchers, ivre de shit des mes 16 ans, dans le crépi des murs de ma chambre d'ado avant de m'endormir dans la lumière qui m'empêchait l'obscurité et la terreur des monstres. La lumière que je laissais pour maîtriser mes monstres. Je devais les construire, les imaginer, ils devaient sortir de moi, venir de moi. Mes monstres ne devaient jamais être d'autres monstres. Je prenais le train à Lausanne et 13 heures après de wagon fumeur je sortais hagard dans les rues de Prague. Tellement souvent. Parfois je n'y allais pas pour la ville ou pour les amis que je m'y suis fait, j'y allais pour dire bonjour à une des statues du pont Charles. Si tu viens du vomi et des joies de Mala
Strana, dans les heures hors des hordes baveuses des touristes, elle doit être la 4e ou la 5e sur ta droite. Un gars de pierre, le visage dans ses mains qui supporte je ne sais même plus quoi. Il a les yeux de toi, adolescent qui se rend compte du mensonge ou de toi, enfant, qui réalise que rien n'est vrai. La terreur du monde qui advient. Et l'impossibilité de le quitter. Si tu regardes cette statue, tu aimeras le monde et pleureras sur lui et tu ne te tueras jamais.



































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