10.31.2015

Haïku de route-82/ Ignorance



























Je ne sais pas exactement ce qu'elle regarde. C'est joli avec tout le vert autour. derrière ses lunettes de soleil elle semble regarder dans ma direction. Je ne connais pas le nom de certains oiseaux que je vois. Des petits échassiers au bec long et fin. Je me rends compte que je ne connais pas vraiment le nom des choses qui m'entourent en général. Les plantes. Les oiseaux. Les arbres. Les pierres. Ma mère en sait plus. Ma grand-mère en savait beaucoup. je me rends compte que je ne sait pas comment fonctionne une voiture, l'i-pad que j'utilise, le système électrique de la maison où je vis. Je ne sais pas comment on construit les routes sur lesquelles on a roulé. Je ne connais pas les lois de cet Etat, ni les lois du pays dans lequel je vis. Je ne connais pas les droits du travailleurs. Je ne sais pas remplir une feuille d'impôt. Je ne sais pas comment fonctionne mon téléphone qui de toute manière n'a pas de réseau ici, en Californie ou alors je suis incapable de le trouver. Je regarde cet oiseau qui cherche des larves de mouches. Je ne sais quasiment rien et pourtant j'ai 35 ans et j'ai réussi à vivre jusque là. J'ai réussi à gagner de quoi payer mes toits et ma bouffe et ma booze et ma beus et mes clopes et mon papiers et mes stylos et ma caméra. C'est hallucinant.


Son bec remonte au bout vers le ciel. Probablement pour râcler les fonds de vase. Les mouettes ça je connais. Mais ce n'est pas la grande saison. 85% de la population californienne de ces oiseaux viennent se reproduire ici. Des dizaines de familles d'oiseaux viennent chercher et créer la vie dans ce lac mort. Je contourne un nouvel amas grouillant de larves. Je vois d'autres visages sur d'autres tufa. Je m'éloigne encore. Je saute les pierres entre les eaux, comme sur les quais quand j'étais gamin, le plus vite possible sous le regard de mes parents comme pleins d'autres gamins sous le regard attendri des parents ou le regard absent de parents regardant ailleurs, nous sautions d'une pierre à l'autre, le plus vite possible. On n'avait pas le droit de tomber. On se serait fendu la tête sur les arêtes. Ce lac a environ 700'000 ans. Les concrétions, 13'000. Nous n'avions même pas encore décidé de nous arrêter pour cultiver la terre. Je touche tout ce que je peux toucher. Je mets un peu d'eau sur mon front. J'aimerais en boire un peu, mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée.


J'ai toujours envie d'aller plus loin. Mais je me dis toujours qu'il y a quelqu'un qui ne veut pas que j'y aille. On dira que c'est simple. Et que c'est facile. Jeter des pierres et se défiler. Je reviens sur mes pas, ma mère doit s'ennuyer un peu. Je vais oublier de ramener une pierre au petit. Un caillou des origines ça aurait été joli. Mais je me sens vraiment loin de tout ici. Il y a 5 jours, nous étions à LA. Hier dans le désert. Ici la mort salée et la porte des montagnes. Peut-être que demain nous aurons les pieds dans la neige. Tout va vite. Tout change vite. Mais ici, dans ce vaste, les choses s'éteignent un peu. J'aimerais avoir 700'000 ans. Ce n'est pas l'immortalité qui m'intéresse, surtout pas. Ou alors comme une pierre, pas comme un humain. J'aimerais être une étendue d'eau. Si je pouvais me réincarner en ce que je voudrais, ce serait en étendue d'eau. Ou plutôt en goutte d'eau. J'aimerais couler, stagner et couler et m'évaporer, flotter, voler, geler, tomber et m'échouer pour couler et couler encore. Je retourne sur le sec, sur le dur, je marche entre les herbes, je suis le chemin. Il y a un morceau de métal rouillé. Nous ne sommes pas fait pour durer. nous ne savons pas faire des choses qui durent. Tout ce que nous savons faire, c'est du feu et brûler le monde.









































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