3.05.2015

Haïku de route-34/ I See the Light








Doublure des ventres diurnes. Le sheriff sort sa masse du Famous en gilet pare-balle, dans l'habitacle de la Higway Patrol luisante, un fusil d'assaut encastré entre les sièges avant et arrière. Du bon gun, suréquipé sous 40 sans tâche de sueur, le gras au lèvre et retour au bureau. Swiss Cheese For All, je ne me sens même pas plein, ma mère hallucine un peu de mon appétit, mais comme disait grand-maman, c'est une bonne maladie comme moi je le dirai dans l'ascenseur d'AG, un entre-cours, une année plus loin. 74,4 km2, dernière halte-essence avant Furnace Creek. Si vous googuelisez l'itinéraire, vous n'aurez pas celui qu'on a suivi, la ligne évidente contre la ligne claire, on tracera dans la vallée, la longue plaine de sel. Je suis le sheriff dans le midi qui s'approche et s'affale sur lui qui ferme la porte de son office, théâtre des pionniers, je vais faire un tour à la poste. Jours amples et âpres de la vingtaine où j'écrivais "Casier 7", je me cherche dans le bleu et les loquets argentés. Je ne me trouve pas. Ma jeunesse ne s'est pas endormie à Shoshone.


Je paye. Ma mère a fini son café. Il nous reste les fruits dans la voiture. On va faire un saut au magasin, le Charles Brown General Store de la station Chevron qui fait face à son musée, futur des nostalgies à venir, indienneries plus ou moins bien véridiées, les pierres qui me font penser au petit, mais j'irai en cueillir des vrais, banalement belles, mais de là, prises à sol, sur le sol qu'on marchera. Je lorgne sur les bières, mais c'est tôt et même pour plus tard, je prends quelques cartes postales avec les animaux qu'on ne verra et que le petit mettra dans sa chambre, au mur, près du lit. Je retourne hésiter sur les pierres, j'en prends une pour finir, dur et diaphane, douce. Nous faisons la queue avec des japonais qui s'entassent d'eau et de conneries, les femmes pleines de casquettes tiennent la caisse le temps que les hommes aillent et viennent pour combler le quota d'achat. L'air conditionné est une couillonade.


Je vois la lumière. Toujours pas de dieu. On sort du magasin. Tout est juste évident. Je suis bien. On traverse la rue, on retourne à la Ford, longeant la Highway Patrol. Il fait chaud. Dans d'autres mondes, le jour passerait à une vitesse folle, plein d'Allianz et de BNP Paribas, de pronoms personnels et de subjonctif, d'étudiants passant leurs week-end à faire du vélo ou à rénover la maison qu'ils viennent d'acheter à 26 ans ou à aller manger chez la belle-famille, plein des mêmes qui font des vies des autoroutes, les lignes droites qui tuent les lignes claires, le mouvement arrêté dans un sofa du dimanche à regarder du mouvement hollywoodien qui change de plan toutes les secondes pour nous harponner dans l'assis d'un scénario fade qui vit pour nous. Vous vouliez lire de l'aventure? Mais mes amis, l'aventure c'est traverser une route sans voiture avec sa mère pour reprendre la Ford vers Furnace Creek ou entrer dans un GB de la gare centrale à 14h32. L'aventure c'est une intention et un oeil aiguisé. Mais personne ne vous empêche d'aller faire du stop en Irak.

















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