3.27.2015

Haïku de route-44/ Hurricane



La proportionnalité c'est l'éthique de la chance. L'oasis. Quand on suit les commentaires, ce serait ici, un des nombreux paradis que nous offrirait la Californie. Mais selon ces impressions tripadvisées, le paradis serait relatif à la propreté du lit et à la qualité de la piscine. Notre paradis veut glander sans trop de morpions et se liquéfier dans le chlore. Dans ma tête je n'entends même pas la musique qu'on y passe, j'ai Hurricane de Dylan. Dans le désert, on remplit ses vides. Chaque fois que ce morceau se décide à se choisir dans la lecture aléatoire de mon i-pod, j'imagine une scène, je ne vois même pas le public, je suis au centre du rêve, mais sans narcisse. Les rêves éveillés sont bien là pour que l'on soit au milieu d'un truc qui ne se fait et ne se fera pas, non? Je suis assis sur une chaise au centre de la scène et c'est moi qui chante. Selon, c'est Yvan ou Ptijean ou Aymon à la basse, Dimi toujours à la trompette, Till, Kropf, Samir ou Fabrice à la guitare, Alex à la batterie ou Lb, parfois ils sont tous là et les refrains, on les fait tous ensemble. Je dois avoir quelques manques, je crois.


Je finis ma bière assez vite. Hurricane s'éteint. Le serveur est froid. Je ressors et reprends Date Grove. L'aller découvre tout, la vie est neuve. Le retour, c'est déjà l'habitude qui s'installe. J'ai trop bougé; Tout se fait vite. Je suis déjà moi. J'ai aussi de l'eau fraîche. En arrivant vers la voiture, je vois ma mère préparé le melon. J'avais acheté des cuillères en plastique à Barstow. On s'installe sous les palmiers, sa chair est tiède. L'impression que j'ai c'est comme le quatuor à corde numéro 13 en La mineur de Schubert. L'air autour est clair et plat et la joie du fruit, mais qui n'a que l'idée, la déception contente et les poussées de son angoisse qui mène la route à venir, le calme raisonné de la carte, Zabriski, la connaissance des langueurs et le moteur à adoucir. La résignation motivée. L'envie encore, sous le soleil de cagne, l'ombre des palmiers et la mystique de la traversée de la Mort. En quittant la voiture, plus tôt, je me répétais, en mantra, ne t'énerve pas contre ta mère.


On vire les pépins sur le bas-côté, je marche vers Chevron mettre le reste à la poubelle et on boit un peu d'eau fraîche. Ce serait con. Et tout le cinéma, toute la littérature qui balise. on remonte dans la voiture et on s'encourage. enfin, moi ça va. Je connais les migraines en théorie. on reprend la 190 vers le Furnace Creek Inn, on passe Tumpisa Loop et on retrouve notre croisement vers Badwater. On continue tout droit, puis la boucle le long des monts, c'est vide et élancé sur la gauche, comme un coude à poser sur la vallée, et à droite, la roche pour nos dos en dossier. Une pécadille de miles vers l'asphalte rayonnant du parking de Zabriski. C'est la ricane du regret raté, celui qui te regarde et que l'on aurait pu avoir, celui du moment à deux doigts, de l'effort fin, de l'impulsion qui aurait toujours pu manquer. La vie, elle t'entre et offre des deux doigts à chaque seconde. Elle observe ta volonté. La vie, elle te tente. L'objet du désir n'est jamais obscure, il est pénombre, tamis, à peine tassé, toujours à la limite de l'halo. On ne se suicide jamais quand on sait qu'il y a toujours la seconde d'après.
































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