3.13.2015

Haïku de route - 37/ Badwater



Il n'y a pas de Tramway nommé Désir sur la Badwater Rd. J'aime mon torse, nu, dans le pare-brise et le soleil qui descend sous la mer. Mais je n'ai plus la hargne de Kowalsky. Ou je l'ai toujours. Mais elle profonde, sans ronger. Elle m'ennuie. Je cognais. Dans ma tête surtout, en fantasme. Sur des murs, à travers des fenêtres, j'ai encore les marques. J'ai évité la chair vive. Je crois que je suis gentil. Le désert est fait pour les gentils, désert de glace des Groenlands, désert sec vers le sel de Badwater. La ville, elle, ricane et nous ronge nos douceurs. Elle offre. en images. Elle usure en vrai sur notre joie. J'ai viré les Blanches. Mon précieux est décarné. Avec ma mère on parle du Coyote ou on garde les mots et on les regarde, on a toujours préféré les silences vécus que les kilomètres de mots, ce remplissage comme si l'humain s'était fait pour se parler. C'est dingue. Les gens s'abreuvent. Ils ne se rendent pas compte de l'inepte qu'ils se transmettent. L'amour, c'est le silence doux. L'amitié, c'est un regard. Ceux qui vous parlent se foutent de vous. Ils bâtissent des "Je" pour se justifier d'être là. Le respect, le tendre, l'attention, l'échange, c'est rien qu'être là. Le désert est la joie.


On ne savait pas. On n'avait pas prévu. C'est comme ça. On s'arrête sur le parking du point le plus bas d'Amérique du nord. Wikipédia donne un nombre, 85,5 mètres sous le niveau de la mer. Mais ça oscille, ça oscille en centimètre selon les gels, le redoux, les fontes et les remugles. Un temps, on pensait que c'était le point le plus bas de ce que les américains appellent l'hémisphère ouest, mais l'Argentine est venue brisé l'hégémonie. Avec ma mère et Michel et Maryvonne on est déjà allé sous la mer, en Jordanie. Sous la mer. J'ai marché englouti. Basin. Gels-dégels répétés, cycle d'évaporation. Cloaque. Les eaux stagnent, partent et reviennent, stagnent pour nos yeux, du rien puant plein de vie. Tous nos pires font des vies, sont des vies, ont des vies. Nos massacres sont des détails, nos dieux nos délires, nos justifications des conneries. La vie est belle. Elle est là. Elle fait son histoire sans nous. Elle n'a jamais eu besoin de nous.


Funeral Peak, notre route des rebonds comme si on ne comprenait pas, on arrive à Badwater Basin, on s'arrête. Il y a des toilettes. Il n'y a pas d'air. La chaleur crampe les poumons, on l'avale. On marche dans son ton, on mute d'elle, on descend les escaliers. Je laisse ma mère à l'arrière, je vais vers le ponton, il fait trop chaud pour elle, elle viendra plus tard, je m'avance sur la jetée sans eau, mais je n'y ai pas d'image d'enfance, Orly sans piste, le monde d'avant qui sera toujours le monde d'après. Ce monde qui se fait sans nous, pour lequel nous n'existons pas. Quel réchauffement climatique? Quel nucléaire? Nous, nous sommes à la seconde, nous nous apprêtons, nous nous maquillons, nous courons, nous trouvons ce mec, cette fille tellement cool/con/conne, nous sommes si réduits que j'en bande. Je trouve le monde très beau.
























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