3.06.2015

Haïku de route-35/ Jubilee Pass




Un trait dense et des lacères et la trace immédiate prendrait la 127. Nous, nous coupons. On prend la 178. Je vous ai dit que j'étais né en 1978? Pile quand le monde a décidé que l'économie coupait les jambes pire que les mitrailleuses. Quand les punks posaient comme des putes kardaschiennes un "No Futur" qu'on aurait en plein. Tout ça pour avoir les 17 ans avec Jo et son SIDA et le sexe en soda light et être X ou Y selon comment on repousserait l'entrée dans la vie responsable. On mesure pas sa chance. La joie de la suissitude, c'était d'être lent sous bulle à voir venir en sous-traitant les autoroutes des carrières en stage. Tous nos virages de tous nos cols cachaient cette belle éternité du vivre virtuel, en sous-sol des sofas, la perspective de l'absence de perspective. Né en 1978, il n'y a rien et le spectacle a nivellé les classes comme prévu. Universitaire sous pilule ou en transit, ouvrier pour des usines dans les estuaires de l'Europe. On est jeune. On ne veut rien. On veut tout. Vous avez joui sans entrave. Cool. Vos conneries nous ont bouffé notre monde. Mais je ne t'en veux pas, maman, j'aurai fait pareil.


Un trait dense et des lacères, c'est parti. La vrai Death. Les images diront. Elles n'auront pas la lumière exacte, ni la chaleur, ni l'air conditionné, ni la fenêtre ouverte de temps en temps. Rien pour les 76 Miles, rien, plus de point qu'une vallée défaite et la roche de part en part, la roche qui tombe, la roche pelée, la roche pour nous lécher l'asphalte clair, la roche qui prend, qui jouit en 68, glacée de vent, effritée, l'érode et le sol dur dessous, le sol d'air brûlant. Jubilee Pass Rd. Une cicatrice, tu sais, ce moment où tu suis ta plaie, la belle tranchée, franche, la chair vive et cette douceur sans concession des plaquettes qui te reconstruisent une peau, qui colorent en sombre ton sang, qui te caillent en crevasses et t'aiment et te veulent revenant, cet amour du corps qui se refait et revient à toi, le corps de terre, le corps pris de pierre qui se ramasse et se blottit, se cougne doux, ce corps-gosse qui n'a jamais rien connu de plus sérieux et de plus aimant qu'une couette qu'il referme et compose, les sous-marins de tissus dans le lit-barreau de la pièce où je mettrai Steppenwolf en vinyle bien plus tard.


J'aimerai un géant pour me tracer l'esprit comme un silex, j'aimerai être un géant pour avoir des veines comme la caillasse là, j'aimerai être sûr de tout, j'aimerai être le sang caillé de ma jeunesse et Salsberry Spring qui m'irrigue d'en-dessous, j'aimerai être un spectacle figé et vivre en-dessous. Salsberry Pass. Ouvert et serré. On roule. On roule doux. "On" en fait rien du tout. Ma mère joue les curves, je regarde, c'est encore facile. Je jette des yeux sur la carte. Je sais et sens. Ce sera long. Ce sera plus loin qu'il faudra soutenir. Mon grand-père était, ce qu'on appelle aujourd'hui, bipolaire. Les phases des excessifs, ouvre ma joie, elle est totale, ouvre ma peine, mon lit est l'unique. Il était catholique. Je ne l'ai jamais connu. Dans les phases maniaques, ma mère, son frère et sa soeur, ont bouffé des psaumes, des prières, les évidences de dieu. Ma grand-mère était infirmière pour les soeurs. Je crois que traverser la Vallée de la Mort doit représenter un truc spécial pour ma mère. Des absurdes qui, dans la roche, prennent de l'histoire à toucher. Enfin... Moi ça me touche.. Et putain, je ne suis toujours pas mort.























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