3.15.2015

Haïku de route-38/ L'âme est un corps comme un autre


Un dos noir, la roche et la 192 derrière. Nous ne sommes pas seuls mais, on ne peut pas dire qu'il y ait foule. Je mets une chemise. En ouvrant la porte, on sent tout de suite l'air rare, le sel d'air, une compresse d'air. Je descends l'escalier et marche sur la passerelle de bois. Il y a comme une drôle de terrasse en Y sur la gauche qui s'avance un peu dans le cloaque endoréique. Endon, Rhein, Sans, Flux. Le même verbe avec Dia, signifie, couler à travers. L'eau qui vient ici ne coulera nulle part, le soleil est le seul échappatoire. Il n'y a qu'à chuter dans la matière et s'évaporer en gaz. Cela doit ressembler à ça en fin de compte. On nous serine d'âme depuis des siècles, on se composerait de ce vague oscillant, agrippé à cette matière de chair lourde, bonne qu'à la douleur et au vieillissement mais, je crois que l'"âme' ou l'"esprit" n'est qu'un corps comme un autre. La mort ne fait que nous évaporer. Le paradis est un nuage qui pleut et on finit toujours par revenir, quelque part plus loin.


Le silence est pauvre. On parle nordique, un couple hispanique, la route peu fréquentée mais, toujours fréquentée. L'eau stagne. Je regarde la croûte blanche. J'aimerais la gratter. J'ai toujours aimé gratter les croûtes. Je me demande si elle est épaisse, je me demande si elle est dure, s'il est possible de marcher dessus, ce qu'il y a vraiment en-dessous. Le sel d'air me lappe le palais, j'ai soif, je regarde si ma mère vient, la chaleur est rude, elle est encore en haut, sur le parking, dans la voiture. La journée sera longue... Il faudra essayer de trouver de l'air mouvant et des plages d'ombres. Ici, c'est la vallée. Elle est bien large. Je crois que c'est midi. Le blanc brille, ramassé comme une ébullition avortée, des nuages à terre et l'espace si violamment ouvert. Des adolescentes se tiennent aux cordelettes lâches qui font barrière. On a tous envie d'aller marcher là-bas. Le ponton s'ouvre sur une langue blanche, l'eau maigre semble peser des tonnes.


Je retourne vers la voiture. Ma mère a baissé son siège. Elle porte ses lunettes de soleil. Elle est lestée de chaleur, elle boit un peu. Elle a pu somnoler. Nous sommes parqués en plein soleil, le moteur doit souffrir, je vais pisser. C'est encore relativement propre. Des gens s'arrêtent, d'autres viennent d'arriver, certains remontent du ponton. Ma mère sort de la voiture et va faire un tour, marcher sur le sol du point le plus bas d'Amérique du Nord. Ca pourrait presque être une thématique de route, marcher dans le monde, sous la mer. Mais ici, ce n'est pas comme en jordanie où encore, en face d'Israel, au-bas de cet hôtel assez classe, nous nous sommes baignés dans la Mer Morte et où j'étais trop maigre pour flotter vraiment, la vase aux pieds dont je me suis tartiné, la soif ouverte, l'autre rive, toujours un peu en attente d'Intifada et cette plage, bondée. On était entré par l'hôtel, sans que je sache vraiment pourquoi. A Badwater Basin, il n'y a rien a trempé, je fume une cigarette en regardant ma maman sur le ponton.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire