3.10.2015

Haïku de route-36/ A Lone Coyote


J'ai été ce que je devais être et je n'ai plus à faire les routes comme elles voulaient être faites. J'ai l'impression de voir maintenant, de regarder dehors. Presque de pouvoir voyager en compagnie, d'envisager des compromis. oui, j'ai l'impression de voir l'extérieur. Non pas que j'aie voyagé les yeux fermés ou que les souvenirs se soient clos ou qu'il n'y ait rien eu à y mettre, mais c'était des fondations, dans un trou loin à y mettre moi et mon image de moi et mon image tirée du futur de moi. Je me suis extirpé. Et tout ce goût de sel et de salpêtre, et de plâtre, ce goût humide qui filait et n'happait rien, mais se consolidait dans un combat vorace, celui des deux désirs et deux besoins et les vases entre, dans la vase des caves. Je crois que je suis à présent capable, à dose douce, en parcimonie, de regarder un peu la réalité. Oh, je n'irai pas encore jusqu'à ouvrir la fenêtre, sortir est exclu, mais, déjà, tirer de temps en temps les rideaux et, dans la rétine, avaler un peu de réel.


La chaleur de sel. On n'en savait rien. On a pris cette route comme ça. Nous, c'est Zabriskie Point, nos arrêts font nos cinémas. On est sorti des chairs de roche en s'ouvrant sur la vallée, excavé des lèvres pour pénétrer cette vulve sèche qu'on longe en collant aux monts, la route oscille en amplitude basse, elle rebondit, tentée par l'aride et revient aux rocs qui ressemblent à des tas de terres craquelées comme dans les vignes, après l'orage et le soleil de plusieurs jours quand tout se casse dans la main et retourne en poussière. Ashford Junction. Scottys Canyon. Ashford Canyon. On ne sait jamais si ce sont les mots qui ne veulent rien dire ou les phrases qu'on en fait. La climatisation est à fond, même si normalement maman n'aime pas. Nous ricochons le soleil. Mormon Point. La tiaffe à travers la vitre. On boit de l'eau. On imagine ceux et celles qui sont arrivés en Californie par là, qui ont survécu à la traversée et les éternels de la malchance qui se sont fait dépouiller et massacrer au premier point d'eau, au premier soulagement. C'est une sorte de fait de ne jamais baisser sa garde, la vie se creuse en position ramassée.


Non, on avait pas vraiment prévu d'y aller. La route est un peu droite. Il surgit, lent, sautillant, la langue pendante, au milieu. On s'arrête, légèrement sur le bord. J'ouvre ma fenêtre. Il s'approche. Ma mère demande de la fermer. Il est là, juste devant la portière. On se regarde. Il fait le tour, s'approche de celle de ma mère. Il est sacrément maigre. On se demande ce qu'il peut bien trouver à manger et à boire dans cet environnement, mais s'il a choisit ce milieu, c'est qu'il ou qu'elle en fait, à une bonne raison. On reste comme ça un moment. une voiture en face, freine en nous voyant nous, avoant de voir le coyote. Elle s'arrête aussi. Il ou elle doit être affamée pour s'approcher comme ça, comme Ernestine, on a presque l'impression qu'on pourrait le caresser, qu'il ou qu'elle pourra rester là un moment, même monter un peu sur nous ou jouer. Mais on ne sortira pas de la voiture. Parfois, il disparaît derrière ou sous la voiture. On fait bien attention en redémarrant. On ne lui aura rien donné. Je crois que les autres non plus.

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